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n°24
PANORAMA International - Gestion de l’immigration clandestine dans le monde
Focus sur un pays ou sur une problématique qui concerne plusieurs pays et interpelle la rédaction,
L a question de la gestion de l’immi- gration se pose de façon particulièrement aigüe ces derniers temps en Europe, mais c’est un problème qui concerne le monde entier. « Il n’y a ja- mais eu autant de réfugiés dans le monde, rappelait en juin dernier Matthieu Tardis, chercheur à l’institut français des relations in- ternationales (iFRi). Le Haut Commissariat pour les réfugiés évoque le chif- fre de 15 millions et de 50 millions pour les déplace- ments forcés. » Les flux sont concentrés en direction des pays riches, qui ne prennent pas tous la même position. Les mêmes « ou- tils » se retrouvent plus ou moins partout dans le monde : mesures préven- tives (quotas, définition de qualifications, murs...), mesures de contrôle (traque, détention, reconduction aux frontières...), et mesures d’assimilation (accès à la régularisation, aide à l’in- tégration...). Mais leur uti- lisation varie grandement. On peut, si l’on veut dis- tinguer plusieurs « types » de politiques migratoires, discerner en fait deux axes indépendants : la facilité de l’accès à une régulari- sation, et le degré d’ou- verture des frontières – d’autant plus important « qu’une source importante d’immigration illégale concerne des personnes ar- rivées légalement mais ayant excédé les conditions de leur légalisation », ex- plique Jason Ackelson, chercheur à l’université du Nouveau-Mexique. Cela nous donne quatre catégo- ries, allant des « fermés non accueillants » aux « ou-
déré, à raison, comme l’un En revanche, le dispositif des pays les plus fermés d’intégration est l’un des du monde (exception faite, meilleurs du monde : des bien sûr, de la Corée du interprètes, des cours de
Les frontières y sont litique est régulièrement migration. De façon gé- grandes ouvertes – tout dénoncée par l’opinion pu- nérale, les études prouvent ceux qui veulent venir y blique australienne. qu’un flux entrant migra- travailler sont les bienve- toire peut apporter de nom-
benchmark
choisi en toute subjectivité
Quelles sont les différentes politiques existantes pour juguler la clandestinité,
alors que l’Europe est confrontée à l’une des plus graves crises migratoires de son histoire ?
Nord, qui est un cas à part) – principalement pour des raisons culturelles. Les exi- gences à l’entrée sont très élevées. Mais le pays est
suédois en tant que deuxième langue pour les enfants, des programmes d’orientation au travail et des possibilités d’appren-
nus – mais il n’existe au- cun système pour accéder de façon permanente à la citoyenneté. Les immi- grants sont donc, en un
OUVERTS ET ACCUEILLANTS
Les deux pays les plus re- présentatifs sont le Canada et Singapour. Tous deux pratiquent une politique ouverte pour lutter contre une pénurie locale de main d’œuvre qualifiée et non- qualifiée. Le Canada a no- tamment développé un sys- tème de collecte et d’ana- lyse de données post-in- tégration et un système de points pour admettre les candidats en fonction de leur valeur économique, comme le Royaume-Uni. Le pays est par ailleurs volontariste : par exemple, il est doté d’un programme offrant la résidence per- manente et immédiate à tout migrant ayant un fi- nancement de société de capital risque canadienne ou de groupe d’investis- sement pour une start-up. il faut d’ailleurs noter que les programmes de ce type, qu’on pourrait décrire grossièrement comme des programmes « citoyenneté contre investissement », existent aussi bien en Au-
breux bénéfices de diverses natures au pays d’accueil, notamment démographique et économique. Le premier est indiscutable : les pays riches qui ont pour habi- tude de fermer leurs fron- tières ont tous des popu- lations vieillissantes. L’avantage économique est plus discutable. Si les pays plutôt ouverts semblent faire preuve d’un bon dy- namisme économique, les facteurs entrant en jeu sont beaucoup trop variés pour pouvoir déterminer avec certitude le rôle joué par les migrants illégaux. En revanche, on sait que ce rôle est essentiel, et qu’une politique visant à l’élimi- ner a souvent des effets négatifs. L’Arizona en fournit un bel exemple. L’Etat a validé en 2010 une des lois les plus res- trictives au monde, auto- risant notamment le contrôle de papiers à vue. Les illégaux sont partis en masse, générant un manque important de main d’œuvre, notamment dans l’agriculture (aucun ci- toyen américain ne venant la remplacer), et une chute des prix de l’immobilier. Ce qui a entraîné une crise de l’emploi dans le secteur de la construction... La Cour Suprême, en 2013, a
A chacun sa politique de petits tampons...
confronté à une population en déclin rapide. La Russie et la Chine rentrent égale- ment dans cette catégorie. Non seulement l’immigra-
dre le suédois pour les adultes... Mais ce dispo- sitif est régulièrement cri- tiqué car considéré comme trop cher. D’autant que
sens, condamnés à être des citoyens de seconde zone, disposant de droits moins étendus que les natifs. Dans un autre style, l’Aus-
L’Arizona, avec ses lois très restrictives, a connu un manque de main d’œuvre agricole et une chute des prix immobiliers
sans précédents
triche, en Australie, en Russie, au brésil, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. On retrouve ici la bienveillance des pays riches envers les mi- grants qualifiés, la quali- fication étant ici une ques- tion d’argent.
verts accueillants ».
FERMÉS MAIS ACCUEILLANTS Même si elle est très gé- néreuse envers les réfugiés en provenance de pays en guerre, la Suède accueille au final peu de migrants.
OUVERTS ET PEU ACCUEILLANTS
Le Qatar, comme les Emi- rats Arabes Unis, présen- tent un profil peu commun.
PRENDRE DE LA PERSPECTIVE
Mais il n’est pas nécessaire de demander une contre- partie pour profiter de l’im-
rendu l.
missif, et depuis, la situa- tion s’est un peu stabilisée. Mais l’enseignement est clair : l’immigration – par- tiellement illégale – est une ressource beaucoup plus indispensable que ce que les pays riches peuvent croire.
FERMÉS ET NON ACCUEILLANTS
Le Japon est souvent consi-
Jean-Marie Benoist
tion y est très contrôlée, mais l’assimilation est dif- ficile et les mesures de ré- torsion sont fortes : prison et déportation pour l’un, dénonciation et expulsion pour l’autre.
maintenant, la Suède est l’une des principales terres d’asile en Europe, avec l’Allemagne. Pendant longtemps, cette dernière avait une politique plutôt restrictive, mais a ouvert ses frontières pour pallier sa démographie défaillante.
tralie a des frontières plutôt généreusement ouvertes aux travailleurs et aux fa- milles, mais pratique une des politiques de détention les plus sévères du monde depuis le début des années 90. Tout non-citoyen ou personne sans visa valable est considérée comme il- licite, y compris les en- fants, et est passible de détention – la durée pou- vant parfois s’étaler sur plusieurs années. Cette po-
e texte plus per-
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OCTObRE 2015


































































































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