Page 15 - EcoRéseau n°24
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n°24
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Juridique
Quid des sanctions en cas de travail
dissimulé ?
Trois textes interviennent pour sanctionner le travail dissi- mulé :
-Le Code pénal prévoit pour le travail dissimilé jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45000 euros d'amende (225000 euros pour les personnes morales).
-Le Code du commerce prévoit l'interdiction de gérer pour une période pouvant aller jusqu'à cinq ans.
-Le Code de la Sécurité sociale prévoit sur un chiffrage des cotisations éludées, une majoration forfaitaire de 25% depuis le 1er janvier 2014 et une pénalité de 5% ainsi que des intérêts moratoires de 0,4% par mois.
rence déloyale et d’un rôle d’aimant à l’économie in- formelle. La route semble donc encore bien longue pour endiguer le mal, « même s’il ne s’agit pas de poursuivre le but illusoire de l’éradiquer. Un ciblage des contrôles et des enquêtes doit amener à développer des politiques plus efficaces pour se rapprocher au maxi- mum du niveau incompres- sible de l’économie souter- raine », conclut bernard Farriol. D’autant qu’Euro- fund, dans une étude dédiée à l’analyse des stratégies de lutte contre le travail dissi- mulé, démontre qu’elles res- tent peu ou prou sans effet au regard des statistiques... Cette lutte contre le travail dissimulé pose la question de l’intérêt de le combattre. Oui, c’est un manque à ga- gner pour l’Etat. Oui les stratégies d’évitement ne sont pas louables. Oui, ceux qui pêchent par fraude font sauter l’idéal citoyen et ré- publicain français et la so- lidarité qui existe entre l’Etat et la population. Mais rap- pelons que deux tiers des ressources de l’économie informelle se retrouvent in- jectés dans les circuits lé- gaux, ce qui par effet de domino nourrit le Pib par les voies légales. Rappelons enfin que la baisse sur le long terme du travail dissi- mulé s’explique mécanique- ment par la baisse de l’offre sur le marché de l’emploi – les travailleurs au noir étant les premiers touchés par la crise juste après les intéri- maires – et non par une
Source : CESE
claré n’est socialement pas stigmatisé. Au contraire, cette économie informelle incarne un mode d’adapta- tion face à un marché du travail très tendu où le sa- lariat n’est pas perçu comme rémunérateur de façon juste. L’iNSEE évoque qu’une ac- tivité sur trois seulement as- sure au travailleur l’équi- valent d’un SMiC net en 2008, avant la crise... En outre, ce type d’activité en- courage une consommation intermédiaire qui n’aurait que d’heureuses consé- quences pour l’économie globale, tout en autorisant la population à jouir de ser- vices à moindre coût. En d’autres termes, frauder per- met de survivre. Par ailleurs, certains facteurs expliquent les raisons de cette économie parallèle en France : des freins financiers (investis- sements et cotisations so- ciales), d’autres de nature psychologique(lourdeurdes démarches, officialisation liée à l’obtention d’un di- plôme...). « Certes les bas coûts créent une forme de concurrence déloyale, mais la petite économie souter- raine ne prend rien à per- sonne car ce type de services est confié justement en rai- son de son prix. Les parti- culiers ne passeraient pas par une entreprise avec des coûts de fait dissuasifs. L’économie informelle pose problème dès lors qu’elle prend d’importantes pro- portions, ou qu’elle revêt une dimension internatio- nale », poursuit bernard Farriol. « La mondialisation et les technologies ont mo- difié les modes de produc- tion. Nous assistons ainsi à
Pour légiférer sur l’économie souterraine, telle doit être l’attitude du décideur politique...
Grand Angle - Le poids de l’économie souterraine PANORAMA
une flexibilisation et à une
informalisation croissante
de la production et du rap-
port à l’emploi », détaille
Cyril Cosme, directeur du
bureau français de l’Orga-
nisation internationale du
travail (OiT). Grosse part
de l’économie souterraine,
le travail dissimulé est donc
à manier avec des pincettes
dans son approche multi-
scalaire. Aujourd’hui encore,
des formes d’économie sou-
terraine persistent sans pour
autant être combattues, tan-
dis que d’autres se déve-
loppent en flirtant dange- son du chômage et de la réprimées, tout comme le Cosme.Pourl’heure,legou- reusement avec la légalité. baisse du pouvoir d’achat, défaut de régularisation de vernement français travaille
Que penser par exemple des enveloppes ministérielles – dits « fonds spéciaux » – qui transitent sous forme d’argent liquide ? Quid de l’événementiel underground – sans mauvais jeu de mots – tel que le Pipi Caca Poney Club, organisateur de grands messes nocturnes à la sauce berlinoise dans des lieux inédits tels que d’anciennes toilettes publiques pari- siennes ? Songeons aussi que les mœurs et les poli- tiques font également évo- luer ce concept de travail au noir ou d’économie in- formelle. Si la prohibition a jeté tout un secteur de l’économie américaine dans le souterrain, en France, la légalisation de l’avortement a pu faire rentrer ces inter- ventions dans un cadre nor- matif. Tout comme celle très récente visant à faire rentrer
l’OCDE souligne une di- minution de leur poids dans le Pib sur le long terme. « En matière d’économie non déclarée, les taux ap- prochent 50% dans les pays émergents, 10% dans les pays dits développés », es- time Cyril Cosme. Mais cette diminution globale, malgré un fléchissement dû à la crise de 2008, s’explique par certains dispositifs qui optimisent la gouvernance fiscale tout en développant des moyens de protection sociale et de revenu mini- mum. Des mesures telles que le chèque emploi ser- vice, l’auto-entrepreneuriat – parfois vu comme le faux nez du travail salarié – ou encore le titre de travailleur simplifié autorisent une cer- taine souplesse législative, même si ces moyens n’en- diguent pas tous les maux
sur un chantier d’ampleur lié au marché unique de l’emploi et cherche à légi-
science ci-
l’adolescent entrepreneur dans les clous. Et dans quelques années, la prosti- tution (cf. encadré) ?
de l’économie souterraine. En parallèle, « l’arsenal lé- gal permet de sanctionner l’ensemble des infractions liées au travail dissimulé, prêt de main d’œuvre et marchandage illicite, ainsi que les fraudes fiscales et sociales. De même les in- fractions liées au blanchi- ment des activités délic- tuelles sont poursuivies et
tection sociale à l’emploi et à un contrat de travail, mais ce modèle atteint ses limites. Il importe de déve- lopper des droits universels qui permettent à ceux qui exercent des formes d’em- plois non standards d’ac- céder à une protection, car l’absence de droits sociaux nuit aussi à l’économie for- melle », avance Cyril
DES MESURES SUFFISANTES EN FRANCE ?
Si la conjoncture écono- mique actuelle encourage ces différentes formes d’éco- nomies, notamment en rai-
Deux tiers de l'argent seraient réinjectés dans les circuits légaux et se retrouveraient sous forme de consommation
ou d'investissements
travailleurs détachés au sein
de l’Union Européenne »,
explique Olivier bongrand
(cf. encadré). Cela dit, la férer sur le statut des tra-
précarité reste un enjeu ma- jeur. « En France, nous avons étroitement lié la pro-
vailleurs détachés, entre au- tres responsable d’un dum- ping social, d’une concur-
prise de con. toyenne. Les pouvoirs pu- blics – et ils semblent l’avoir compris dans tous les pays développés – ont donc in- térêt à intensifier la lutte dans certains pans de l’éco- nomie souterraine, et à se montrer moins véhéments dans d’autres.
Des chiffres qui font sourire
Selon Eurobaromètres, 4% des Européens déclarent avoir pratiqué de l'économie souterraine et 11% reconnaissent avoir acheté des biens ou des services « au noir ».
Si peu ???...
(1) « Conséquences écono- miques, financières et sociales de l’économie non déclarée », avis du CESE, 2014.
(2) « Le développement de l’économie souterraine et l’ave- nir des sociétés industrielles », Pierre Rosanvallon, séminaire voie d’administration écono- mique, éd. ENA, 1984
Geoffroy Framery
OCTObRE 2015
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