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n°14
PANORAMA Grand Angle - L’Art de débattre
Fenêtre sur discours
L’art du débat fascine depuis l’antiquité. Mais est-il toujours le même ? Les décideurs politiques «J et économiques évoluent-ils dans l’exercice, sous l’influence des nouvelles technologies,
de l’instantanéité et de l’espionnage citoyen ? Qui sont les gagnants et les perdants ?
e vous ai com- axes de l’art de convaincre : pris ! », « Vous l’ethos (l’image renvoyée), n’avez pas le le logos (le raisonnement)
monopole du cœur ! », et le pathos (l’appel aux
« Vous avez tout à fait raison, monsieur le premier minis- tre », « Moi, président ».... Les petites phrases chocs raisonnent dans les esprits comme autant de banderilles plantées dans le flanc du contradicteur... et parfois comme des prémices à la victoire. Celui qui maîtrise le mieux son discours évite lapsus et contradictions, at- tire la sympathie dans son attitude. En déstabilisant l’orateur qui lui fait face, il gagne des points essentiels dans l’inconscient collectif pour montrer sa compétence et faire admettre ses idées, qu’il (ou elle) soit chef d’en- treprise, économiste, syndi- caliste ou bien-sûr politique. « Les gens ne se souviennent pas des situations écono- miques exactes lors des époques Giscard d’Estaing ou Mitterrand, mais plutôt des petites phrases. Le beau- parler interpelle », rappelle Elodie Mielczareck, sémio- logue, spécialiste en analyse de discours et gestuelle, sou- vent conviée sur les plateaux d’i>Télé ou Europe1 pour décrypter les comportements
"Zut ! Problème d’éclairage, alors que toute ma préparation à été axée sur mes regards et clins d’œil..."
émotions). « Un certain nombre de marqueurs dans les discours permettent d’ail- leurs de définir comment la personne veut apparaître. Utilise-t-elle souvent le « je » ? Parle-t-elle de ce qu’elle a fait, ou de ce qu’elle va faire ? Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélen- chon excellent par exemple dans le pathos. Ils parlent avec leurs tripes et en ap- pellent souvent aux émo- tions », illustre Elodie Mielc- zareck. Même si les orateurs se positionnent clairement, ils doivent cependant conser- ver un certain équilibre entre les notions. Lors d’une conférence du mouvement patronal Ethic intitulée « les médias sont-ils devenus fous ? », Franck Louvrier, président de Publicis Events, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, évoquait le côté re- doutable de l’exercice du 20h pour les chefs d’entre- prises et politiciens. « Ils pourront être les plus péda- gogues et clairs possible dans leurs réponses, certains leur reprocheront la couleur de leur cravate ! » Rien ne doit être négligé. L’étude très souvent citée d’Albert Mehrabian, professeur à l’université de Californie ré-
des politiques. Car les moyens de communication ont beau être pléthoriques, ils sont d’une faible utilité si celui qui parle ne sait pas donner du sens à ses idées,
par le fond comme par la forme. Bien sûr le décideur doit maîtriser les figures de style et la grammaire comme à l’école, car c’est une condi- tion nécessaire à la captation
de l’auditoire - « La langue de Molière recèle un avan- tage indéniable : la syntaxe. Un grand homme n’est pas un homme grand », rappelle Jeanne Bordeau, fondatrice et directrice de l’institut de la qualité de l’expression, bureau de style en langage. Mais il doit aussi être per-
sionnelle que dans les années 80, où ces personnes de pre- mier plan découvraient les plateaux TV », remarque Thierry Saussez, ex-président de l’agence Image et Stra- tégie Europe. De simples techniques de discours qui se travaillent ? Plutôt un art oratoire comme décrit dans
LE CHAT by Philippe Geluck
Un décalage, un conflit entre le geste et la parole, et les messages deviennent illusoires, voire mal interprétés
suasif, transmettre quelque chose, dégager de l’empa- thie, marquer les esprits. Et ce tout en faisant face aux questions impromptues, aux objections et aux critiques. Tout un programme. Pour le manager (au sens large) moderne l’habitude de la joute verbale n’est certaine- ment pas une corde à omettre d’accrocher à son arc. « La préparation semble d’ail- leurs beaucoup plus profes-
le Gorgias de Platon, avec ses règles, ses modes, ses évolutions. Un débat viril comme celui qui a opposé Jean Marie Le Pen et Ber- nard Tapie serait-il envisa- geable aujourd’hui ? Pas si sûr...
vèle que l’auditoire ne retient que 7% du contenu du dis- cours, 38% la prosodie, le rythme, la mélodie, et enfin 55% le langage corporel (cf.encadré) ! Pour marquer les esprits et plaire, l’orateur doit donc, avant de parfaire le contenu de ses répliques, soigner son image sonore par une élocution claire, un rythme et un débit de paroles équilibrés, des silences - mais aussi son image visuelle
OCTOBRE 2014
DE TOUS TEMPS LA PAROLE, MAIS SUR- TOUT LA GESTUELLE Certains principes perdurent. Aristote a défini les trois
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