Page 6 - EcoRéseau n°24

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n°24
PANORAMA Rétrospective - Les photos qui ont changé la société
Arrêt sur images
Dans chaque numéro, EcoRéseau vous propose de revenir sur un événement ou une institution qui fait l’actualité, en les mettant en regard de ce qu’ils étaient ou auraient pu être il y a un demi-siècle. Pas question de comparer l’incomparable, de fustiger ou de glorifier le passé. Simplement de montrer que non, ça n’était pas forcément mieux avant.
LA force de capter le réel, la photographie se fait le reflet d’une époque, de ses gloires et de ses dérives – et a marqué, voire parfois changé l’Histoire
a dernière en date être la photographie la plus est évidemment célèbre de l’Histoire, avec celle du petit syrien celle, non moins tragique,
Aylan Kurdi, trois ans, qui de la petite Kim Phuc ten-
a fait le tour du monde. Symbole tragique, elle ré- sume à elle seule l’horreur et les drames humains qui se multiplient derrière le terme froid de « crise des migrants ». C’est quand elle parvient à toucher l’uni- versel en shootant le parti- culier que la photo devient un art majeur, et le cliché une image d’anthologie. Par le passé, d’autres photos ont également marqué l’his- toire. Sans toujours en faire varier le cours, mais en fixant dans la mémoire des hommes des moments d’éternité. Pour se souvenir, réfléchir, et espérons-le, ne pas rééditer les erreurs du passé...
tant de fuir les attaques au napalm durant la guerre du Vietnam. Sur le cliché, un homme oppose sa frêle silhouette à une colonne d’énormes chars chinois. Le pot de fer contre le pot de terre. Pour autant, ce que renvoie l’image, c’est un rapport de force équi- libré, entre ces monstres d’aciers hésitant et la seule volonté farouche d’un homme. Le cliché devien- dra lui aussi un symbole de résistance non violente face à la répression ar- mée.
MORT D’UN SOLDAT RÉPUBLICAIN. RO- BERT CAPA, 1936.
« instantané de guerre le plus saisissant » selon le spécialiste de Capa Richard Whelan, « la plus grande photographie jamais prise » pour le journaliste et auteur d’un ouvrage sur l’agence Magnum Russell Miller, ce cliché du photographe hongrois Robert Capa est un must du genre. La scène se passe pendant la guerre d’Espagne. Une prairie, un ciel immaculé, un talus lé- gèrement en pente. Dans ce décor en noir et blanc, un soldat républicain fau- ché en pleine course par une balle adverse. La mort en direct. L’homme est pris quelques centièmes de se- condes après l’impact. Ses pieds quittent le sol, son corps se cambre vers l’ar- rière, son fusil quitte ses mains. Le visage, de trois quarts, semble étrangement apaisé.
Témoins des temps...
L’HOMME QUI TOMBE. RICHARD DREW, 2001.
Les événements du 11 sep- tembre ont fourni à la pla- nète, en mondiovision, une somme d’images toutes plus stupéfiantes les unes que les autres. Parmi celles-ci, l’homme qui tombe de Richard Drew est peut-être la plus forte. Elle figure un homme tête en bas qui chute depuis l’un des étages supérieurs d’une des deux tours du World Trade Center. Le cliché devient le marqueur d’une « nouvelle » forme de barbarie - en tout cas à cette échelle -, qui devait marquer de son empreinte les relations géopolitiques de tout le début du XXie siècle : le terrorisme isla- miste.
La photo fera évidemment le tour du monde. Elle sera
Manhattan...
6 OCTObRE 2015
le symbole grandiose du conflit espagnol. Mais pas seulement. A travers ce cli- ché, c’est la guerre et les milliers d’anonymes qui tombent sur les champs de bataille que l’on regarde droit dans les yeux.
ple, le cliché n’en retire pas moins une force d’évo- cation immense. C’est un rêve aux multiples facettes qui se dessine sur le papier photo : celui d’un monde meilleur et plus égalitaire ; d’une jeunesse forte et inar- rêtable ; d’une capacité de résistance aux puissances supposées néfastes ; d’un engagement pour une cause au détriment de sa propre vie. Cette photo va contri-
ELLES ARRIVENT ! HELMUT NEWTON, 1981.
Le cliché du photographe américain Helmut Newton propose une vision directe d’un phénomène social ma- jeur : l’évolution du statut de la femme ces 50 der- nières années. L’œuvre est un diptyque. Page de gauche dans la publication du magazine Vogue - page de droite dans l’ouvrage
talons rendent une femme sexy et lui donnent quelque chose de menaçant », af- firmait d’ailleurs l’artiste. En regard, ces mêmes mo- dèles dans des poses simi- laires, habillés à la dernière mode, en bourgeoises des villes,
CHÉ. RENÉ BURRI, 1963.
Voilà une photo qui aura fait le tour du monde et des chambres d’adolescents.
Le cliché est l’aboutisse- ment d’une, voire deux dé- cennies de libération de la femme autant que de libé- ration sexuelle dont les an- nées 80 sont le témoin. La femme n’est plus seulement une épouse ou une mère. Elle est aussi - et surtout, semble nous dire Newton -, un être sensuel, libre de son corps et de ses actes, et prêt à prendre le pou- voir.
C’est quand elle parvient à toucher l’universel en shootant le particulier que la photo devient une image d’anthologie
Le « suicidé » est ici le
L’HOMME DE TIAN’ANMEN. JEFF WIDENER, 1989. incontournable, c’est peut-
toxiques, ou précipités du
symbole de ces innocents
que de choisir leur mort :
étouffés par les fumées
e
50 étage d’une tour de
.
Onyvoitlehérosdelaré- buer à la construction du big Nudes du photographe volution cubaine Ernesto mythe. Un mythe qui, au- -, on voit quatre manne- « Che » Guevara, jeune, jourd’hui encore, sert de quins marcher nues en ta- beau, rebelle, un cigare aux modèle à une jeunesse sou- lons aiguilles. Elles sont lèvres, semblant toiser un cieuse, assise sur un monde belles, bien-sûr, grandes, interlocuteur invisible. Le en ruines, comme disait désirables et franchement tout en noir et blanc. Sim- l’autre. dominatrices. « Les hauts-
ront comme seul choix
pris pour cibles, qui n’au-
Olivier Faure