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n°18
CLUB ENTrEPrENDrE Leçons de maux - Nicolas Doucerain, dirigeant de Solic
Apprendre de ses échecs et utiliser cet acquis dans une nouvelle aventure. Tel est le credo qui est suivi dans cette rubrique,
Montagnes russes
qui retrace une sortie de route pour mieux se tourner vers l'avenir
a après une croissance fulgurante, Nicolas Doucerain, à la tête du cabinet de conseil en recrutement solic, a connu en 2009 une descente aux enfers, qui lui a été... profitable.
ses yeux, l’échec ture sans nuages qui dure chiffre d’affaires. exemplaire pour mobiliser pour affronter la tempête Commerce décide de valider est une nécessité. plus d’une décennie. En Ce retournement spectacu- les salariés », souligne Ni- avec moi, indique le diri- son plan de continuation. « Il faut se casser 2008, la société compte 92 laire est très dur à accepter colas Doucerain. Le diri- geant. Mais très vite, je me solic échappe de justesse à
la figure pour apprendre à collaborateurs et réalise 10 pour le dirigeant et ses col- geant commence donc par suis aperçu qu’ils n’avaient la liquidation. « Nous
marcher, fait valoir le diri- geant. C’est la même chose pour l’entrepreneur. » L’échec, Nicolas Doucerain l’a connu sur le tard ; l’en- trepreneur a d’abord été coutumier des success sto- ries. Lorsqu’il reprend en 1996 solic carrières, à l’époque filiale d’une société de services en ingénierie informatique fondée par son père, le futur dirigeant n’a pas encore 20 ans. Mais le défi ne fait pas peur à cet autodidacte, qui peut déjà se prévaloir d’un beau par- cours professionnel : « J’ai arrêté mes études avant même ma majorité, fait va- loir Nicolas Doucerain. J’ai démarré dans le secteur de l’automobile, où je suis passé directeur commercial au bout de trois ans et demi. »
millions de chiffre d’affaires par an.
Tout bascule le 15 septem-
laborateurs, d’autant que l’échec leur était jusqu’ici étranger. « Cela a été un
baisser son salaire et de- mande à l’ensemble du co- mité de direction de faire
qu’une seule peur, c’était d’être licenciés à leur tour. » a l’inverse, Nicolas Dou- cerain connaît quelques bonnes surprises : « Certains de mes collaborateurs, que je croyais les plus fragiles, ce sont montrés les plus courageux, estime-t-il. Comme dans l’amitié, c’est dans l’adversité que l’on se rend compte de la vraie valeur des gens. »
n’avions statistiquement que 2% de chances de survie, et nous avons réussi ! » s’enorgueillit Nicolas Dou- cerain.
GRANDEUR ET DÉCADENCE
Ces débuts prometteurs en- couragent le jeune homme dans son ambition. Lorsqu’il prend les rênes de solic carrières, la société n’est encore qu’une coquille vide. avec l’arrivée de l’euro et le passage à l’an 2000, Ni- colas Doucerain mise sur la révolution numérique : « J’ai décidé d’en faire un cabinet de conseil en re- crutement spécialisé dans les systèmes d’informa- tion », indique le dirigeant. Le pari s’avère gagnant. Très vite, la société connaît un essor fulgurant. « Solic enregistrait une croissance de près de 40% par an, s’enorgueillit Nicolas Dou- cerain. Nous avons ouvert des bureaux en région, puis sommes partis à l’interna- tional pour accompagner de grands groupes français dans leurs déploiements. » C’est le début d’une aven-
« J’ai beau me dire que cela sera profitable à terme, j’ai encore un doute... »
LA CRISE COMME OPPORTUNITÉ
son expérience de la crise, le chef d’entreprise a décidé de la mettre à profit. D’abord en la partageant dans un ouvrage (1). Ensuite en lançant le mouvement Entreprendre pour la France, qui vise à faire entendre davantage la voix des en- trepreneurs. La crise ne lui a pas été entièrement pré- judiciable ; paradoxalement, cette expérience et la sortie de son livre lui ont ouvert de nouvelles portes. « J’ai été sollicité pour accompa- gner des chefs d’entreprise dans la gestion de crise », indique le dirigeant. Pour profiter de ces opportunités naissantes et repartir sur de nouvelles bases, Nicolas Doucerain a lancé en juin
véritable tsunami, reconnaît Nicolas Doucerain. Mes sa- lariés étaient complètement déboussolés par la violence de la crise. »
de même.
Evidemment, cette mesure ne suffit pas à redresser la barre. La société de services doit bientôt procéder à des licenciements. « Cela a été
bre de la même année, jour
de la faillite de Lehman
Brothers. solic compte
parmi ses clients de grands
groupes bancaires et prend
la tempête de plein fouet.
« Il n’aura pas fallu attendre MOBILISATION très dur humainement, car
UNE SECONDE CHANCE
Mais l’ampleur de la crise conduit le dirigeant à pren- dre une décision que beau- coup d’entrepreneurs re- doutent. « En juin 2009, j’ai placé mon entreprise en redressement, indique- t-il. Peu de gens font la dif- férence entre un redresse- ment judiciaire et une li- quidation. Or, un redresse- ment ne signifie par la mort de l’entreprise : cela permet d’avoir une dette pas trop importante. »
C’est ce coup de poker qui va lui permettre de sauver ce qui reste de sa société, qui compte encore une tren- taine de salariés. au bout de six mois, le tribunal de
au cabinet
une demi-journée avant que les premiers gros donneurs d’ordre annoncent le gel temporaire de tous nos
GÉNÉRALE
mes collaborateurs m’étaient très proches », se souvient Nicolas Doucerain. Mais cette expérience
dernier un nouve. spécialisé dans la gestion de crise, baptisé U- men. « C’est grâce à mon expérience de l’échec que je peux faire mon métier aujourd’hui », lance le di- rigeant. Une belle façon de rebondir – et un joli pied de nez au destin.
Pour le chef d’entreprise, pas le temps de tergiverser : l’heure est aux économies
L’appel à projets aux équipes ? Avant tout un moyen d’occuper les esprits pour éviter les messes basses devant la machine à café
« Ma petite entreprise a connu la crise » (cf. brèves page culture) de Nicolas Doucerain, éd. François Bourin, 2011.
Catherine Quignon
Pour remobiliser ses troupes, le dirigeant lance à ses équipes un appel à projets destiné à développer de nou- velles offres plus adaptées au marché. « Il s’agissait d’abord d’occuper les es- prits pour éviter les messes basses devant la machine à café, reconnaît le jeune homme. On a retenu trois ou quatre projets, qui nous ont permis de générer quelques succès et d’en- clencher un cercle vertueux. » remotivés, les salariés n’hésitent pas à faire des heures sup’ et à travailler le week-end pour sauver leur entreprise.
La société, qui a remporté entre-temps un gros appel d’offres, redresse progres- sivement la barre. Peu à peu, elle restaure son Ca. « Nous avons fini par rem- bourser nos dettes », fait-il valoir.
36 Mars 2015
contrats », s’afflige Nicolas Doucerain. Et l’orage n’en est qu’à ses débuts : en deux mois, l’entreprise perd plus de la moitié de son
drastiques. « Il y avait un élément essentiel pour moi : lorsqu’on est en pleine tem- pête, l’équipe dirigeante doit se montrer
s’avère également être une grande leçon de manage- ment : « Je pensais que les salariés qui resteraient à mes côtés se mobiliseraient


































































































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