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Sigfox, l’une des dix start-up les plus puissantes de l’Internet des objets selon Forbes, révolutionne ce secteur, mais en plus par le bas débit au contraire de tout le monde…

Sigfox est un opérateur au même titre que les Bouygues ou Orange, opérateurs historiques, à la seule différence que le réseau de la start-up consomme 200 fois moins et maille l’espace dans 11 pays à l’aide d’antennes brevetées d’une cinquantaine de centimètres. « Nous sommes sortis des chemins conventionnels. Et des croyances selon lesquelles on a besoin de lever des milliards pour se développer en tant qu’opérateur. Ce réseau ne s’attaque pas au même marché que ceux visés par les opérateurs historiques. Les réseaux sont complémentaires et ne se phagocytent pas », vulgarise Ludovic Le Moan, qui qualifie son entreprise de « Twitter des Télécom ». En d’autres termes, le cofondateur de Sigfox a réussi à développer un réseau alternatif qui comble les attentes d’une part énorme du gâteau de l’Internet of Things. Récit.
« Twitter des télécom »
Tout l’enjeu de la jeune pousse se résume à travailler uniquement avec des données de petite taille et donc à délivrer des messages qui n’excèdent pas 12 octets (un texte Word d’une page envoyé pèse 25ko en moyenne). « C’est pour cette raison que je fais l’analogie avec le réseau social Twitter. Nous avons amené un protocole différent exploitable dans de nombreuses configurations, mais tenu par des contraintes importantes », complète Ludovic Le Moan. Ce défi n’est cependant pas la première expérience du dirigeant. Au début des années 2000, Ludovic Le Moan avait déjà lancé un projet dans l’internet des objets. Il visait à développer les objets connectés à partir des technologies GSM, mais le coût et la complexité n’ont pas permis le développement espéré. L’aventure se termine en 2008 par la revente de l’activité. Un contretemps qui pousse l’entrepreneur à reconsidérer sa porte d’entrée dans ce secteur plein de promesses. Décisive, la rencontre avec Christophe Fourtet amène les deux entrepreneurs et futurs co-fondateurs à ébaucher une solution pour envoyer des messages lointains, mais avec peu d’énergie. « Au début des années 2000, nous entendions déjà beaucoup parler de l’IoT, mais personne ne proposait de technologie qui n’avait aucune complexité. Il a donc fallu un grain de folie pour lancer le projet et convaincre », continue Ludovic Le Moan.
Comment lever des millions pour globaliser le réseau ?
La pub grand public et les derniers smartphones ne jurent que par les applications rendues possibles par la 4G quand, en parallèle, la 5G est déjà expérimentée par certains opérateurs. « Dans ce contexte, nous avons frappé à plusieurs portes et nous avons réussi à convaincre trois fonds, Elaia Partners, Ixo Private Equity et Partech pour une première levée de deux millions, afin de réaliser notre premier prototype, prouver que nous n’étions plus dans le fantasme avec une station de base », se souvient le dirigeant. Les choses s’accélèrent ensuite. Intéressé par le prototype, Intel Capital investit à hauteur de 10 millions, ce qui permet à Sigfox de couvrir le territoire français. S’ensuit dans la foulée la couverture de l’Espagne et de l’Angleterre avec une nouvelle levée de 15 millions ; les deux fondateurs sont conscients que l’implémentation doit être rapide et mondiale pour susciter des effets de volume sur l’internet des objets. « Nous sommes tombés un peu par hasard sur Securitas qui nous exposait le problème des brouilleurs achetés 30 euros sur Internet, qui permettaient de hacker une alarme connectée via Wifi ou 4G pour un coût modique. Nous possédions un réseau impossible à pirater en raison de la taille et du débit des messages. Securitas nous a alors aidés à trouver un partenaire, Cellnex, pour co-investir et lancer le réseau espagnol », explique Ludovic Le Moan. Premier «volume case», l’exemple espagnol convainc rapidement l’Angleterre qui sollicite dès lors Sigfox sur une solution de compteur connecté. « Nous avons réussi par la suite à lever 100 millions d’euros en avril car nous avons été capables de prouver que notre technologie était exportable et exploitable », nous confie Ludovic Le Moan. En six mois, Sigfox s’étend de trois à 11 pays, dont les Etats-Unis. Et l’année 2015 se terminera visiblement par de nouvelles annonces.
Développer un écosystème
L’esprit agile de la start-up s’est aussi concrétisé par la prise en compte de chaque acteur de la chaîne de valeur, chaque maillon économique qui pourrait avoir un impact sur le réseau : des fabricants de modules radio aux fabricants d’objets, développeurs de plateformes ou partenaires du déploiement du réseau à l’international.
Mais convaincre les fabricants d’objets n’est pas toujours chose aisée. Un cycle d’ailleurs qui prend en moyenne neuf mois selon les dires du dirigeant et qui se conclut avec une certification permettant d’assurer une performance radio optimale des objets, sur le réseau Sigfox. Centrale d’alarme, compteur électrique, borne à incendies, traqueur d’objet, capteurs de fumée… Aujourd’hui, Sigfox compte plus de 200 produits certifiés, compatibles avec son réseau. Un développement qui épouse un secteur dans l’air du temps, la maintenance prédictive. Aucun concurrent ne semble pour l’instant entraver la route du jeune opérateur venant à peine de souffler ses cinq bougies, si ce n’est peut-être Bouygues avec sa technologie LoRa, premier parmi les opérateurs historiques en France à développer un réseau pour l’IoT. « En Espagne ou en République Tchèque, nos partenaires opérateurs sont ravis. En France, c’est différent. On nous tourne le dos et les opérateurs sont très agressifs », regrette le P-Dg de Sigfox. Malgré tout, l’entreprise prouve qu’elle en a toujours sous le pied. Et que son champ des possibles, au regard des mœurs numériques, est intarissable. En attestent par exemple ses récents partenariats dans le secteur des smart grids avec Cofely Services, Sogedo et Engie, avec Libelium sur le sujet des smart cities ou avec Helsinki Ventures pour faire des makers nordiques les créateurs de nouveaux objets connectés. La Toile bas débit de Sigfox s’étirera bientôt au Proche-Orient et en Afrique. La révolution est en marche.
Geoffroy Framery