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Le monde du pari hippique va mal en France. Pourtant, le PMU, qui participe au Printemps de l’Optimisme, opère un beau virage. Explications.

Des odeurs de gitane mélangées à celle de la Suze. Une ambiance qui alterne entre le bouillonnant et le pépère. Des cris étouffés de déception qui parfois font place à l’exultation d’un pari gagné. Un sol maculé de tickets perdants qui mène jusqu’à une poubelle qui en vomit. C’était peu ou prou l’idée que l’on se faisait du PMU dont la pratique, en opposition au bookmaking, remonte au XIXème siècle. L’entreprise qui promeut, commercialise et traite les paris est créée en 1954. Le PMU devient un Groupement d’intérêt économique (GIE) en 1983, regroupant les sociétés de courses. Aujourd’hui, ce dernier reste l’opérateur européen, leader dans le pari mutuel hippique qui occupe la deuxième place au rang mondial. Surtout, le PMU a aujourd’hui fait peau neuve. Les joueurs du PSG, les volleyeuses et les handballeurs de Paris étant devenus ses égéries. Les rades aussi ne sont plus les mêmes, laissant doucement leur place à des sites entièrement digitalisés ou à des corners segmentés selon une nouvelle typologie d’implantation. Ainsi, 2016 augure-t-elle d’une inversion de la courbe des résultats pour le PMU. « L’activité de paris souffre conjoncturellement de la crise. Ce n’est pas un type de consommation qui est au cœur des ménages. Cela affecte bien sûr nos points de ventes. Depuis 2012, les résultats sont moins bons mais la baisse a ralenti en 2015 et 2016 part sur les bons rails », explique Xavier Hürstel, directeur général de PMU. Retour sur les changements annonciateurs d’un sursaut pour l’entreprise historique.
Diversification de l’activité et conquête de l’international
Le virage du numérique débute en 2010 et le groupe modifie son business model en préparant l’ouverture des jeux sur Internet. Cette décision s’accompagne de la diversification du cœur de métier, autre fer de lance pour relancer l’activité. Stratégiquement, l’entreprise a ainsi misé sur les paris sportifs et le poker dès 2010. Aujourd’hui, les deux activités représentent environ 10% du CA global. L’ouverture du marché sonne aussi la mise en place du plan PMU 2020. « Ce plan d’action consiste en une accélération du digital, une internationalisation et une remise au goût du jour des points de vente. Nous voulions surprendre. Grâce à ces différents efforts, nous sommes devenus deuxième opérateur français pour le poker en ligne et troisième pour les paris sportifs. » L’ouverture à l’international a également été permise par la dématérialisation des paris. Rappelons que le PMU appartient aux sociétés de courses et possède donc la capacité de vendre les courses hippiques et les paris qui leurs sont liés via des accords BtoB signés avec des opérateurs étrangers qui reversent ensuite des royalties au groupement français. « La croissance à l’international est à deux chiffres. En cinq ans, nous sommes parvenus à être présents dans 35 pays et à dégager 800 millions de CA, soit 10% du CA annuel. Cela nous a été permis grâce à la réputation et la qualité des courses, une réglementation sérieuse des disciplines telles que le trot et le galop et des courses qui se déroulent toute la journée. Sans oublier une culture différente du pari mutuel qui séduit sur le monde du pari à l’étranger, reposant souvent sur le modèle du bookmaking à taux fixe », analyse le directeur général.
Cure de jouvence connectée
« L’essentiel fut de sensibiliser l’ensemble de l’entreprise, de présenter les nouvelles législations comme une opportunité et non comme une limite, comme l’ouverture du marché du digital avec la loi relative aux jeux en ligne en 2010. » Singeant les start-up, le siège a mis en place un plateau pour plancher sur l’implémentation de la digitalisation dans chaque rouage de l’entreprise. De nouveaux profils ont investi la place, spécialisés dans le marketing digital, le CRM (Customer Relationship Management) et le Big data… L’équipement des forces commerciales s’est lui aussi digitalisé pour répondre à des rôles d’animation et de vente renforcés. Côté sécurité, la donne a également changé. Le système informatique mis en place répond aux mêmes enjeux qu’une salle de marché, à la différence que les paris sont parfois enregistrés une minute avant la course et que les gains sont empochés une minute après sa fin. L’activité de chaque point physique est relayée en temps réel. Les données joueurs sont également blindées, tout comme les transactions via 3D secure. Ces différents chantiers et cette évolution du business model contribuent à modifier l’image du PMU si bien que la clientèle sur Internet est plus jeune de dix années que celle des points de vente physiques et concentre la moitié de son activité grâce à son offre mobile (smartphones et tablettes). Cette communauté de parieurs compte 800000 membres connectés, pour une moyenne de 39 ans et une mise moyenne de 11 euros, la même que les homologues des points de vente en dur.
Digitalisation du réseau physique et « relooking »
En parallèle, l’effort de « relookage » des 12800 points de vente s’est accompagné d’une segmentation des places de paris et de leur digitalisation. Le réseau se développe aussi, en propre et en corner. « Chaque jour nous ouvrons trois PMU, même si dans le même temps nous observons une ou deux fermetures. L’essentiel revient à avoir une ouverture en net », remarque Xavier Hürstel. Pourtant, le cœur du réseau demeure le même. Les buralistes achètent l’activité selon une offre clé en main qui permet l’ouverture d’un corner rapide au sein de l’établissement. Tout est fourni : bornes, PLV, matériel, animation commerciale… La modernisation était donc inéluctable. « Dans notre effort de segmentation, nous poursuivons cette stratégie de proximité. Nous avons développé trois concept : PMU Passion pour les turfistes confirmés qui inclue une chaîne TV dédiée et des données statistiques à l’appui, PMU Happy qui possède un look différent et qui s’installe davantage dans des établissements de type brasserie qui ne souhaitent pas avoir des parieurs toute la journée, et enfin PMU Express qui s’installe dans les zones de transit et permet de parier dans une maison de la presse ou un établissement situé dans une gare par exemple », décline le dirigeant. L’entreprise a également choisi de devenir bailleur pour développer des endroits innovants et entièrement dédiés à la prise de paris de courses hippiques. Une quinzaine de ces points ont aujourd’hui vu le jour, dans chacune des grandes villes de France. En outre, « aucune entreprise dans le retail n’a opéré un relooking d’un réseau de 12800 points en deux ans. Notre force de vente en dur reste une priorité, d’autant que les courses représentent encore 85% de notre activité, même si le sport et le poker online sont en forte croissance », conclut Xavier Hürstel. Désormais, les PMU se dotent d’interfaces HipiGo, grandes tablettes pour se renseigner et parier. Chaque parieur peut se doter d’une carte sans avoir besoin de se connecter à Internet. L’activité se recentre sur l’expérience client et atteste d’une massification des paris. Il est loin le temps des paris par téléphone (créés en 1968), et des débuts de l’automatisation des paris (années 1980), qui comptait huit fois moins de parieurs que l’offre connectée actuelle.
Geoffroy Framery