Antoine Brachet, fondateur des « 100 Barbares »

Des barbares qui bâtissent… On aura tout vu…
Des barbares qui bâtissent… On aura tout vu…

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Ce responsable du développement de Netvibes (groupe Dassault Systèmes) est à l’initiative des « 100 Barbares », groupe citoyen qui veut changer le monde. Avec Internet, les réseaux sociaux et l’industrie du logiciel, ces individus de 30-45 ans comptent bien bousculer le système…

Des barbares qui bâtissent… On aura tout vu…
Des barbares qui bâtissent… On aura tout vu…

Comment est née l’idée ?

Publié par l’Institut Choiseul en février, un classement m’a désappointé. Le think tank y recensait les 100 “leaders économiques de demain” pour la France, avec beaucoup de “fils de” comme Yannick Bolloré, Delphine et Antoine Arnault, Gabriel Naouri…, et d’énarques parachutés. Pas (ou presque) de créateurs de start-up, d’artistes, de développeurs informatiques, de spécialistes de l’intelligence artificielle ou des biotechs, de profils atypiques… Je sentais bien que la France de demain ne se jouait pas du tout là. J’ai donc créé en réaction une page Facebook nommée “Les 100 Barbares” et ai invité des amis à participer à un sondage : “Vote pour ton barbare” ! Objectif : repérer les leaders qui sont vraiment capables de changer la France, avec notamment les outils numériques pour bousculer les conservatismes et inventer les solutions qui remettront le pays en marche. Je l’ai fait de manière instantanée et j’ai été surpris par le nombre de gens qui pensaient comme moi.

 

Les résultats du vote vous ont surpris ?

Peut-être par sa diversité. On trouve des entrepreneurs comme Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar, ou Vincent Ricordeau, fondateur de la plateforme de financement participatif KissKissBankBank. Nicolas Colin, auteur du rapport ColinCollin sur la fiscalité du numérique, y figure en bonne place, en compagnie de ses associés, Alice Zagury et Oussama Ammar, cofondateurs de The Family une structure destinée à coacher et financer des start-up. Mais certains n’ont rien à voir avec le business. Henri Verdier rattaché au Premier ministre et chargé d’ouvrir au plus grand nombre les données publiques centralisées par l’Etat, la romancière Flore Vasseur ou l’écolo Cyril Dion, membre du mouvement Colibris de Pierre Rahbi, sont aussi présents.

 

Que cherche désormais à réaliser ce groupe ?

Notre point commun est la certitude que le monde est à la veille de grands changements, synonymes d’opportunités économiques et sociétales. Il y a plus de 20 ans que la révolution numérique a commencé quand l’Etat, les collectivités et les grandes entreprises ne s’y sont pas encore pleinement adaptés. La France a besoin d’innovateurs radicaux, d’entrepreneurs qui s’emparent des nouvelles possibilités scientifiques et techniques pour en faire quelque chose d’inédit. Parce qu’ils viennent de l’extérieur, parce qu’ils ne se soucient pas des conventions habituelles et ont bien l’intention de décloisonner des secteurs. Nombre de dirigeants n’ont pas mesuré le caractère disruptif de la révolution numérique. Les entreprises digitales sont à la pointe et développent des modèles économiques novateurs, quitte à froisser. N’attendons plus de solutions de la part de nos dirigeants politiques ; il est urgent de commencer à les proposer nous-mêmes, car leur grille de lecture est dépassée et ne tient pas compte de la révolution technologique qui transforme l’emploi, la régulation, la croissance… Nous devons porter certaines visions des futurs possibles au cœur du débat public.

 

Quelle est l’ambiance de ce genre de rassemblement ?

Il y a une tension féconde entre les différentes tendances, les personnalités, et finalement peu de « trolling ». Le débat semble désidéologisé, c’est celui qui devrait déjà animer la société aujourd’hui. Nous fédérons beaucoup d’énergie, en atteste le rassemblement du 31 mars à l’Archipel à Paris qui a regroupé 300 personnes, dont 50 qui se sont proposées pour organiser. Le principal risque est de rester dans un entre soi ravageur, ou de vivre une trop forte institutionnalisation. Pour l’heure les opinions divergent. Il existe des oppositions, mais en nous appuyant sur les réseaux sociaux, nous pouvons nous regrouper en quelques clics, créer une relation de confiance en trois messages Facebook, élaborer et échanger des manifestes à toute vitesse.

 

Pourquoi avoir appelé les Barbares à aider Nicolas Colin ?

Ses idées son vivifiantes. Selon lui tant qu’on s’accroche au paradigme ancien – celui de la société de production centralisée, comme on s’acharne à le faire en France en baissant le coût du travail, en rêvant des gaz de schiste ou du protectionnisme –, nous ne créerons pas les conditions qui permettront au paradigme nouveau d’émerger, où les entreprises championnes de demain pourront naître. Internet et l’industrie du logiciel et des algorithmes ne vont pas seulement chambouler le modèle économique du cinéma, de la musique, de la presse ou des taxis. Les télécoms, le luxe, l’immobilier vont être bouleversés. Et les secteurs où il existe des rentes ne sont pas les seuls à être concernés. Les services publics comme Pôle Emploi, la santé, l’éducation ou les transports publics commencent aussi à être ciblés. Récemment j’ai appelé à la mobilisation pour défendre Nicolas Colin, attaqué en justice par le patron des Taxis G7, Nicolas Rousselet, pour avoir défendu les VTC. Innover reste une perturbation de l’ordre établi.

 

Qu’est-ce que le numérique pour vous ?

C’est la capacité à dupliquer vite si la solution est intéressante. Il est intéressant de constater la vitesse à laquelle les GAFA accumulent un nombre de données incroyables et gobent de nouveaux secteurs. Aucune génération n’aura vécu une évolution aussi importante. Il nous faut donc bien aiguiller la technologie, pour qu’elle soit un moyen et non une fin. Nous avons un rôle à jouer, et ce laboratoire géant va nous aider.

 

Quels freins principaux constatez-vous en France ?

Nous n’avons pas la culture de l’échec dans l’Hexagone. C’est un problème majeur car nous essayons toujours de programmer les choses deux ans en avance. Bien compliqué en matière d’innovation ! Les grandes sociétés misent essentiellement sur l’innovation interne, et le taux de transformation des projets n’est pas bon. On craint trop de se tromper et d’être remis en cause.

 

Qu’est-ce que Futurbulences au juste ?

Je suis d’un naturel curieux et ce genre de think tank qui fait de la prospective et élabore des scenarii sur deux ans m’a tout de suite passionné. Nous recevons des personnes passionnantes – comme le spécialiste en génétique Laurent Alexandre récemment par exemple –, qui nous éclairent sur les orientations possibles dans divers domaines.

 

Êtes-vous optimiste ?

Les Barbares ne sont qu’un moyen parmi d’autres d’accompagner le changement. Le monde va évoluer, il importe d’adopter un nouveau regard. Un diagnostic est nécessaire sur ce qu’est un être humain face au transhumanisme naissant, sur la société, le salariat alors que la robotisation menace nombre d’emplois. Il y a de la volonté et de la créativité en France, nous en sommes la preuve.

 

Julien Tarby

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