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L’entité née en 2006 de la fusion de Gemplus et Axalto, spécialiste de la carte SIM, a subtilement modifié son positionnement pour trouver une nouvelle croissance.

Plus d’une carte bancaire sur trois en circulation dans le monde provient de Gemalto. Idem pour environ un tiers des cartes SIM. Deux activités sur lesquelles le groupe multinational (de droit néerlandais) s’adjuge la première place mondiale. Les chiffres donnent le tournis. Certains prétendent même que, sur la planète, un habitant sur deux a dans sa poche au moins un produit conçu et fabriqué par Gemalto (carte bancaire, carte SIM, passeport ou carte d’identité électronique…). Difficile de vérifier. Mais c’est sans doute votre cas.
Le groupe est né il y a bientôt 10 ans, en juin 2006, de la fusion de Gemplus international et du néerlandais Axalto, dont la contraction des deux noms à donné Gemalto. Gemplus était à l’origine une entreprise française fondée en 1988 et spécialisée dans la fabrication des cartes à puces, qui a implanté son siège social à Luxembourg en 2000. Axalto était pour sa part le nom de l’activité « cartes à puces » du groupe Schlumberger. L’union des deux a donné naissance à ce qui représente aujourd’hui le numéro un mondial de la sécurité numérique avec 15000 salariés (dont 3000 en France) et 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires (en 2014). « Nous vivons dans un monde de plus en plus connecté et numérique ; pour permettre les interactions entre personnes, il y a besoin de mettre en place des connexions sécurisées, car c’est la sécurité qui fonde la confiance dans les échanges », explique Philippe Vallée, directeur général adjoint de Gemalto.
Stratégie de diversification
Historiquement, le groupe était essentiellement présent dans les secteurs des télécom et de la banque. Mais il a progressivement développé des segments de marchés adjacents en complétant ses solutions par une gamme de services. « Nous avons opéré une transformation stratégique de l’entreprise qui nous a permis de passer d’une offre strictement hardware à une offre combinant produit (passeport numérique, carte bancaire, etc.) et plateforme logicielle », précise Philippe Vallée. Ce nouveau mix produit n’est pas sans résultat : sur 2 milliards d’euros de revenus générés au cours des trois premiers trimestres 2015, près de 650 millions le sont par l’activité « plateformes et services ». Cette stratégie de diversification s’est décidée lors de la fusion de Gemplus et Axalto. Les doublons dans les effectifs, notamment dans les services R&D et commercial, ont été chargés de développer l’activité de services. « Plutôt que de réduire les effectifs, nous avons décidé de réallouer les équipes vers les nouveaux marchés », résume Philippe Vallée.
Au fil des années, Gemalto a également étendu sa présence à de nouveaux segments de marché. Aujourd’hui, le groupe est actif auprès des opérateurs de téléphonie mobile, dans l’internet des objets (véhicules, terminaux de points de vente…), le secteur bancaire, les contrôles d’accès des entreprises et sur les projets gouvernementaux (carte d’identité, carte Vitale…). Ce dernier créneau est particulièrement porteur, notamment grâce à l’essor des systèmes de vote électronique. « L’intérêt de cette diversification, c’est que nous ne dépendons pas d’un seul marché », justifie Philippe Vallée. Ainsi, le segment des cartes SIM qui représentait 45% des revenus de Gemalto ne pèse plus aujourd’hui « que » 20%, du fait de l’essor des autres marchés du groupe. Précisons que ce dernier fournit aujourd’hui pas moins de 450 opérateurs mobiles, 80 Etats, 3000 établissements financiers et 30000 entreprises dans la quasi-totalité des pays du monde.
Croissance externe
Le déploiement de Gemalto à l’international se fait par croissance organique et par des opérations de croissance externe en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. Le groupe a notamment signé l’an dernier, pour la bagatelle de 890 millions de dollars, le rachat de l’américain SafeNet, leader mondial de la protection des données et des logiciels. « Cette acquisition fait de Gemalto la référence en matière de sécurité des données, des logiciels et des transactions en ligne, en associant les technologies de protection des données au cœur du réseau à ses offres d’authentification en périphérie des réseaux », a expliqué le groupe lors de l’opération.
Les principaux marchés internationaux de Gemalto sont les Etats-Unis (40% de l’activité du groupe), la zone EMEA (40%) et l’Asie (20%). « En 2014/2015, les Etats-Unis sont devenus une zone de développement très importante car, pour la première fois, les banques y ont adopté la carte à puce pour le paiement (norme EMV), explique Philippe Vallée. A ce titre, nous avons été amenés à investir dans nos sites de production existants ainsi que dans l’acquisition de moyens de personnalisation supplémentaires. Le marché américain, c’est entre 1 et 1,2 milliard de cartes émises chaque année. » De quoi être serein quelques années et permettre à Gemalto de maintenir une croissance moyenne entre 6 et 8%.
Mais la vie d’un groupe dont l’activité touche à la sécurité et concerne plusieurs milliards de personnes n’est pas sans accroc. Ainsi en 2010, Gemalto, qui était le principal fournisseur en cartes de paiement des banques allemandes, a été désigné comme étant l’un des responsables d’un bug qui a forcé plusieurs millions d’Allemands à payer en liquide. Plus récemment, le groupe a fait l’objet d’allégations affirmant que les services secrets britanniques lui avaient volé des clés de chiffrement de cartes SIM sur la période 2010-2011. Après enquête, le groupe a confirmé l’existence d’attaques, mais nié tout « vol massif ». « En tant qu’acteur de la sécurité numérique, Gemalto est régulièrement la cible d’attaques. Ces tentatives sont plus ou moins sophistiquées et nous sommes habitués à y faire face. La plupart échouent mais quelques-unes parviennent parfois à pénétrer la partie externe de notre réseau, qui est architecturé pour être très sécurisé. »
Yann Petiteaux