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1re partie : 7 innovations maintenant ennuyeuses et attendues (horizon 2022)
Adrien Book est consultant en stratégie pour une grande société de conseil en technologie, fort de plus de 4 ans de recul dans le domaine de la transformation. Il souligne que les points de vue qu’il exprime lui sont personnels. Voici la traduction en deux parties d’un grand article paru sur son blog, The Pourquoi pas (www.thepourquoipas.com/post/the-next-big-thing-in-technology-20-inventions), qui recense au total 20 inventions aux horizons 2022, 2025, et 2030.
J’ai écrit en 2018 un article intitulé J’ai compilé une liste des « grandes innovations à venir » de la technologie pour que vous n’ayez pas à le faire. Cet article a depuis été lu plus de 50 000 fois et partagé plus de 1 000 fois sur les réseaux sociaux. Comme toute personne qui le lira en 2020 le remarquera, une grande partie de ce qui a été écrit à l’époque est aujourd’hui obsolète. Une mise à jour s’impose qui met en avant les technologies clés qui émergent aujourd’hui et qui feront fureur en 2022, 2025 et 2030.
Bien évidemment, ces dates sont à prendre avec précaution : les prévisions de ce genre se révèlent souvent erronées (vérifiez mes prévisions technologiques pour 2020 si vous ne me croyez pas !). Elles le sont car nous avons tendance à utiliser l’histoire, qui, par définition, étudie des événements et des changements inattendus, comme un guide pour l’avenir. Ne nous privons pas pour autant de chercher à mieux comprendre l’avenir de la technologie : les connaissances acquises par la projection sont cruciales à la sélection des actions appropriées au fur et à mesure que les événements futurs deviennent le présent. Nous ne connaissons pas toutes les réponses, mais nous pouvons au moins poser (et faire poser) des questions utiles au dialogue.
1 – Blockchain (chaîne de blocs)
À l’heure actuelle, nous avons tous entendu dire que la blockchain révolutionne à peu près tous les secteurs imaginables. La banque, la politique, la santé… Tous pourraient techniquement bénéficier de la création d’un registre numérique décentralisé qui suit et stocke les informations à divers endroits, une façon de rendre la falsification impossible. L’authentification est fournie par des calculs complexes, ce qui rend le vol pratiquement impossible également.
Un mot pourtant détonne dans la description de ce registre. Décentralisé. Les banques, les gouvernements, les hôpitaux… autant d’institutions qui ne veulent pas voir leur pouvoir réduit (si ce n’est à leurs conditions). En tant que tel, il est probable que nous assisterons à quelques avancées dans le domaine de la « chaîne de blocs », mais cette technologie restera en marge, jusqu’à rater la révolution annoncée par ses (nombreux) partisans.
2 – Cryptomonnaies
Souvent évoquées dans le même souffle que la blockchain, les cryptomonnaies utilisent les principes exposés ci-dessus pour faciliter l’échange de biens et services en ligne (toujours de manière décentralisée, ce qui est l’un de leur principaux attraits).
La théorie est géniale, mais les cryptomonnaies connaissent deux grandes limites :
• Leur principal attrait (à l’exclusion des transactions illégales) est qu’elles sont « cool » et à la mode. Mais elles ne sont pas de nature à maintenir l’attention qu’elles ont suscitée en 2017 et ne se remettront jamais de l’implacable frénésie de leurs superfans. La technologie fonctionne, mais il n’existe pas de marché de masse.
• Deuxièmement, leur valeur se montre très subjective (contrairement à l’or, ne me faites pas le coup de soutenir le contraire !). Les cryptomonnaies ne quittent pas le statut de pré-bulle ou de bulle. Ajoutez l’aspect décentralisé que les gouvernements et les banques chercheront à discréditer, et vous pouvez être sûr que ça continuera à n’être un simple jouet que Kevin ne cessera d’évoquer en soirée (il y a toujours un Kevin).
3 – IA affective/Informatique de l’émotion
L’intelligence artificielle est déjà partout en 2020. Mais elle n’est pas aussi amusante que nous le pensions. Si vous avez raté le train de l’IA, petite remise à jour : l’augmentation de l’espace de stockage (cloud), des capacités de calcul (puces) et l’accès à des ensembles de données massifs (e-commerce, médias sociaux…) a encouragé les entreprises à créer des modèles statistiques dopés qui vont évoluer lorsqu’on leur fournit de nouvelles informations.
L’IA affective irait plus loin dans ce processus et l’appliquerait aux émotions. Un algorithme pourrait en effet déterminer votre humeur à partir de votre apparence (en entraînant un algorithme de deep learning sur les données faciales), de votre façon d’écrire et de parler… et offrir un produit ou un service en conséquence. Vous vous sentez heureux·euse ? Hop, voilà une publicité Starbucks pour un frappuccino histoire de prolonger les bons moments. Vous vous sentez déprimé·e ? Paf, une pub Starbucks pour un café glacé qui va vous faire quitter cet air bougon !
Mais pas d’inquiétude prématurée, cette technologie-là n’est pas au point. Pour l’instant…
4 – Services de cloud computing/Data-as-a-service/l’IA en platform-as-a-service (PaaS)
La plupart des grandes technologies ne sont pas considérées comme révolutionnaires tant qu’elles n’ont pas atteint le grand public. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles l’IA a suscité tant de déception ces derniers temps. Seules les grandes entreprises ont bénéficié de l’automatisation de tâches qui exigeaient naguère une intervention humaine, alors que le petit peuple est obligé de continuer à utiliser des algorithmes relativement médiévaux. Ça s’explique en partie par un manque de puissance de calcul au sein des ménages, mais c’est surtout un problème de données. Ce ne sera peut-être pas le cas longtemps. Les entreprises se rendent compte que la location d’un algorithme offre le double avantage de générer des revenus supplémentaires à partir d’un actif existant, tout en extrayant plus de données des clients pour nourrir la bête.
Préparez-vous donc à assister à la montée en puissance des plates-formes d’IA qui promettraient de fournir des algorithmes conçus pour répondre aux besoins spécifiques des clients (les chatbots et les assistants numériques ne sont qu’une amorce). À mesure que les développeurs sont remplacés et automatisés, et rejoignent la gig economy, ce mouvement devrait connaître une croissance exponentielle. De quoi, pour les petites entreprises et même les particuliers, optimiser leurs processus quotidiens. Si ça vous paraît nuisible à notre santé mentale collective, faites confiance à votre instinct.
5 – Maisons connectées/Demeures intelligentes
L’entrée de l’intelligence artificielle dans nos foyers est déjà en cours et ne fera que s’accélérer au cours des prochaines années. Nous nous sommes d’ailleurs déjà habitués à ce que Google Home et l’Alexa d’Amazon ajustent les paramètres des objets intelligents dans nos maisons pour qu’ils correspondent à des paramètres prédéfinis.
Mais ces deux cas d’utilisation ne sont qu’un début : comme pour la plupart des innovations liées à Internet, ces services bénéficient d’effets de réseau. Ils vont gagner de manière exponentielle en valeur pour le client au fur et à mesure que des fonctions leur seront ajoutées. Un algorithme capable de préparer une tasse de café tout en ouvrant les volets et en augmentant la température de la salle de bains lorsqu’il détecte votre réveil se révélera beaucoup plus précieux que la somme des trois algorithmes séparés qui assurent ces tâches.
6 – La 5G
Bien entendu, les objets connectés ne peuvent pas se permettre de se montrer aussi lents que l’iPhone original (et toc !) : ils doivent transmettre des quantités massives de données de manière rapide et fiable. C’est là que la 5G entre en jeu.
La 5G est le successeur logique de la 4G, et atteint des vitesses beaucoup plus élevées grâce aux ondes radio à plus haute fréquence. Bien que ça semble assez simple, quelques termes doivent être compris pour saisir pleinement la difficulté de mettre en œuvre la 5G dans le monde entier.
• Ondes millimétriques : il s’agit d’une partie spécifique du spectre des fréquences radio entre 24 et 100 GHz, de longueur d’onde très courte. Non seulement cette partie du spectre est pratiquement inutilisée, mais elle va transférer des données incroyablement rapidement, bien que sa distance de transfert soit plus courte.
• Microcellules, femtocellules, picocellules : des petites tours cellulaires qui agissent comme des relais dans des zones relativement petites telles que les grands bâtiments. Cette infrastructure est nécessaire : comme souligné ci-dessus, la distance de transfert 5G est beaucoup plus courte que celle de la 4G (et a du mal à traverser des murs épais).
• MIMO massif : capacité de transférer et de recevoir beaucoup plus de données qu’en 4G, à partir d’une plus grande variété de sources.
• Filtrage spatial (beamforming) : tous ces transferts doivent se voir organisés et chorégraphiés. C’est exactement ce que fait le filtrage spatial. Bonus : c’est un mot aux sonorités de science-fiction tel qu’il est certain d’impressionner en soirée !
• Full duplex : l’envoi et la réception des données de façon simultanée, sur la même longueur d’onde.
Cette technologie va révolutionner la plupart des industries car elle changera les ordres de grandeur de la vitesse et de la quantité de données transmises, comme la qualité de la connexion. De quoi, entre autres, connecter des véhicules autonomes et des drones à Internet, mais aussi susciter des avancées majeures en réalité virtuelle et en IoT (objets connectés). La 5G n’est donc pas une technologie à prendre à la légère.
7 – Mégaconstellations de satellites/Systèmes de satellites en orbite basse
En parlant d’Internet… Au cours des prochaines années, SpaceX (l’entreprise spatiale d’Elon Musk) prévoit de déployer jusqu’à 42 000 satellites pour créer une connexion Internet partout sur la planète. L’entreprise n’est pas seule sur le créneau : la constellation OneWeb vise à inclure 600 satellites d’ici à 2022 et Amazon a annoncé son intention de lancer 3 236 satellites en orbite basse pour couvrir de vastes régions du monde.
Tout est rendu possible grâce au faible coût de lancement de ces nanosatellites, qui pèsent à peine quelques kilos. Une altitude plus basse rendrait également la gestion des flottes beaucoup plus facile et moins polluante.
Le déploiement dans l’espace d’un si grand nombre d’objets pose cependant des limites en termes d’interférences avec d’autres services satellitaires : risque de collision accru et perturbation de l’observation astronomique possible. Les gouvernements devront assurer la création de règles homogènes pour éviter une course vers l’espace qui pourrait être destructrice.
À suivre : Les 12 innovations plutôt sympas qui nous attendent…