Québec De Gaulle

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Le 24 juillet, nous fêterons l’anniversaire du célèbre « Vive Le Québec… Libre ! », prononcé en 1967 par de Gaulle depuis le balcon de l’Hôtel-de-Ville de Montréal. Retour sur un discours qui a placé le Québec sur la carte du monde.

Un discours peut bousculer, tout changer. La preuve avec cet impressionnant moment de la geste gaullienne.

Une épopée française en Amérique

Louis XV fut pour la France un souverain funeste. La moindre de ses erreurs ne fut pas l’abandon de « la Nouvelle France », vocable ancien qui désignait ces terres du Nord de l’Amérique, où quelques vaillants Français s’étaient installés, bravant le froid et l’inconnu, pour y établir le commerce des fourrures. Au fil du temps, on y envoya certains prêtres et des jeunes filles de mauvaise vie. Lointaines épopées de Cartier, Champlain et Montcalm. Ces aventuriers découvrirent les premiers habitants de ce pays des neiges : le peuple Algonquin. Malgré des épisodes de violences, une sorte de dialogue par le commerce s’établit le plus souvent entre les Français et les autochtones.

Dans un mauvais arbitrage, Louis XV ne vit pas l’intérêt de maintenir la présence royale sur ces terres lointaines. La France abandonna la colonie à son sort. Voltaire n’écrivit-il pas, avec mépris, qu’il ne s’agissait là que de « quelques arpents de neige » ? Le Québec fut cédé aux Anglais en 1763. Paris ne conserva que le petit archipel de Saint-Pierre et Miquelon, dont les eaux étaient riches en morues.

Noyés deux siècles durant dans un océan anglophone, orphelins de la mère patrie, les Québécois parvinrent contre toute attente à survivre en tant que peuple. Groupés autour des églises, ils se développèrent grâce à la « revanche des berceaux », cette politique nataliste avant la lettre. De 60 000 au moment du départ de la France, ils étaient, à l’orée des années 1960, plus de six millions à border les rives mythiques du Saint-Laurent.

Réparer l’erreur de Louis XV

De Gaulle faisait de la politique à l’échelle des siècles. Il voulut réparer l’erreur de Louis XV. Donner au Québec sa juste place dans le concert des nations. Rendre à cette voix française en Amérique ce que la France lui devait. Dès son arrivée à l’Élysée en 1958, il prit son bâton de pèlerin. Sur ses ordres, on fit ouvrir à Paris une Maison du Québec. L’ORTF installa pour sa part un bureau de l’autre côté de l’Atlantique, pour informer les Français des réalités québécoises. Politique malheureusement abandonnée depuis…

En 1967, les autorités canadiennes invitent de Gaulle à une visite officielle dans le pays. Théoriquement, le Général aurait dû atterrir à Ottawa, la capitale fédérale, située en terre anglophone. Ce n’était pas sa volonté. Pour éviter cette situation, il décide de voyager par bateau. À Brest, le 15 juillet 1967, de Gaulle embarque sur le Colbert. Destination la ville de Québec, unique cité fortifiée en Amérique. Pendant la traversée, il confia ses intentions à son gendre, Alain de Boissieu : « Je compte frapper un grand coup. Ça bardera, mais il le faut. C’est la dernière occasion de réparer la lâcheté de la France ».

Frapper un grand coup !

Dès son arrivée à Québec, la foule l’acclame. La Belle-Province vit les grandes heures de sa « Révolution tranquille ». Jadis province la plus pauvre du Canada, moquée et stigmatisée par les anglophones, on y vivait dans une misère sans commune mesure. Les anglophones parlaient d’ailleurs des « pea soupers » (mangeurs de pois) pour évoquer les habitants de ce lointain appendice, rattaché au Canada par l’incongruité de l’Histoire. Mais désormais, le Québec montre son plein potentiel. Grâce à une politique énergétique autonome, le peuple se dresse enfin. Dans le cœur des Québécois, l’indépendance semble un rêve à portée de main. La venue du Général est pour beaucoup le symbole de cet espoir.

Au lendemain de son arrivée, de Gaulle et Daniel Johnson, le Premier ministre du Québec, montent dans une limousine. Ils descendent la grande route de la Province, qui longe le fleuve Saint-Laurent. Son nom ? Le Chemin du Roy. Voilà qui ne déplaît pas à de Gaulle. Le Général salue sur son passage les citoyens rassemblés. Parfois, le convoi s’arrête, comme ici à Donnacona, où l’homme du 18 juin lance : « Vous êtes un morceau du peuple français. Votre peuple canadien-français, français-canadien, ne doit dépendre que de lui-même. » Les officiels canadiens manquent de s’étrangler. Ils n’ont encore rien vu ! Sur le convoi, drapeaux français et québécois ornent un grand arc de triomphe. En revanche, foin de drapeau à érable, symbole du Canada. Lorsque le protocole impose le « God Save The Queen », hymne officiel du Canada, la foule lance des huées – et même parfois quelques légumineuses…

Un geste extraordinaire de rébellion face à l’ordre établi

Après un formidable périple, le Général arrive enfin à Montréal. Le maire de la ville, Jean Drapeau, propose à de Gaulle de saluer la foule depuis le perron de l’Hôtel-de-Ville. De Gaulle ne se contentera pas d’agiter les bras. Il veut s’exprimer. « Il n’y a pas de micro », assure le maire Jean Drapeau – un opposant à l’indépendance… De Gaulle insiste, son garde du corps finit par trouver – ô surprise – un micro caché dans un coin !

Face à un public galvanisé, le Général en habit militaire donne de la voix. « C’est une immense émotion qui remplit mon cœur en voyant devant moi la ville de Montréal… française (ovation du public). Au nom du vieux pays, au nom de la France, je vous salue. Je vous salue de tout mon cœur ! Je vais vous confier un secret que vous ne répéterez pas, (rires de la foule) ce soir ici, et tout le long de ma route, je me trouvais dans une atmosphère du même genre que celle de la Libération ! (longue ovation de la foule) ».

A la fin du discours, de Gaulle frappe le grand coup qu’il a minutieusement préparé. « Vive Montréal ! Vive le Québec ! (ovation) ». Le Général s’arrête un instant. Il reprend son souffle avant de lancer un formidable pavé dans la marre. « Vive le Québec… libre ! ». Dans l’assistance, c’est l’exaltation. Hurlements de joie. La France, grande puissance mondiale, vient d’appuyer l’indépendance de la Belle-Province.

La parole est un acte

Dès le lendemain, la presse anglophone fulmine sa haine. Le Montréal Star évoque « un éléphant en furie » tandis que le Time propose « une mise sous tutelle » du dirigeant français. Le New-York Times remporte la palme de la désinformation. « De Gaulle a révélé son vrai visage en galvanisant les mouvements extrémistes du Canada Français ».

En France, la classe politico-médiatique ne suit pas son président. Le Premier ministre Georges Pompidou évoque en privé « la folie gratuite » du Général pour le Québec. Le Monde dresse un éditorial grinçant : « L’excès en tout… ». Les autorités canadiennes, furieuses, pressent de Gaulle d’interrompre son séjour. Le Général s’en moque et renvoie ses contempteurs à leur médiocrité : « Quant au reste, tout ce qui grouille, grenouille et scribouille n’a pas de conséquence historique dans ces grandes circonstances, pas plus qu’elle n’en eut jamais dans d’autres ».

Le jeune Pierre-Eliott Trudeau, ministre canadien de la Justice, francophone de Montréal hostile à l’indépendance, tente de se confronter au Général. « Que dirait la France si le Premier ministre canadien se mettait à crier La Bretagne aux Bretons ? ». De Gaulle répond au père de l’actuel Premier ministre du Canada : « Nous n’avons aucune concession, ni même aucune amabilité, à faire à M. Trudeau, qui est l’adversaire de la chose française au Canada ». Satisfait, de Gaulle regagne la France en avion présidentiel. Il a ouvert une brèche et vient de placer le Québec sur la carte du monde. Tant et si bien qu’afin de raconter l’événement, le quotidien du Parti communiste chinois inventa une nouvelle combinaison d’idéogrammes pour le mot Québec – qui n’existait tout simplement pas dans cette langue. Aujourd’hui encore, entre 40 et 45 % des Québécois se prononcent pour l’indépendance de la nation.


Les Indiscrets d’ERB

Retailleau sort les gants de boxe • Donner des coups, il a appris. Sur RTL, Bruno Retailleau se montre intraitable. « On a perdu des électeurs, pas parce qu’on a été trop à droite, mais parce qu’on a renoncé trop souvent à nos convictions. Parce qu’on a manqué de fermeté ». Le patron des sénateurs LR « se fiche » d’avoir un programme désormais quasiment identique à celui du RN. La porte ouverte à l’union des droites ? « Ça fait des décennies (…), dès qu’on veut être ferme, on dit ohlala, scandale, le fascisme arrive ! ». Le Vendéen poursuit, visiblement excédé par les questions de Stéphane Carpentier : « Y en a marre du politiquement correct. Moi je suis élu, j’ai un mandat du peuple français. » Le troisième homme d’un match à droite entre Laurent Wauquiez et David Lisnard ?

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