Ukraine, l'Europe a sans doute déjà franchi la ligne rouge...

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Après Londres et Varsovie, Berlin annonce la livraison de 14 chars Leopard à l’Ukraine. Un tournant ?

C’est la grande question stratégique. Au retour du printemps, l’affrontement motorisé va reprendre en Ukraine. Certains veulent dépasser la ligne rouge pourtant inscrite dès le déclenchement du conflit : pas de livraison d’armements lourds. Au risque d’être considérés par la Russie comme des cobelligérants. Ce qui ferait déborder le conflit vers la guerre-monde

La prise de parole surréaliste de Xavier Bertrand

Xavier Bertrand s’en va en guerre. Ou plutôt, il souhaite l’intensifier encore. Le tout à voix haute, en direct à la télévision. Sur LCI, le 25 janvier, le président de la région des « Hauts-de-France » (sic) déclare : « La France doit livrer des chars Leclerc à l’Ukraine. » L’élu local poursuit, d’un ton docte : « Ce n’est pas une décision qui sera facile à prendre mais elle doit être prise » ; « On doit être aux côtés de l’ensemble des alliés et des Ukrainiens. » L’ancien assureur de Saint-Quentin se croit capable de donner des leçons et d’en répondre aux grands de ce monde. Peu importe sa défaite au congrès des LR l’an passé, où il est arrivé quatrième sur cinq, derrière Michel Barnier.

Plutôt que de professer de pareils conseils pseudo-stratégiques, Xavier Bertrand serait sans doute mieux inspiré de s’occuper de sa région – qui n’est pas en si bonne forme, avec un taux de chômage largement supérieur à la moyenne nationale, et qu’il a échoué, malgré ses promesses, à réduire vraiment.

L’interventionnisme en question

L’homme est d’ailleurs un habitué de ce genre de surenchères façon « Top Gun » … Il souhaitait notamment, en 2015, que l’armée française intervienne directement sur le sol syrien, face à l’État islamique et à Bachar al-Assad. Au-delà d’une décision qui contrevenait ouvertement à la charte des Nations unies, M. Xavier Bertrand se moquait visiblement comme d’une guigne de la vie de nos soldats – envoyés dans une pareille aventure aux airs de boucherie.

Passons sur ce cas personnel, qui cela écrit illustre bien l’ambiance qui s’installe dans les chancelleries occidentales. Ces jours-ci, les pays d’Europe de l’Ouest font face à un dilemme : équiper l’Ukraine en confiant à ses armées des chars lourds, ou au contraire s’en tenir au statu quo ? Là encore, évacuons d’emblée l’émotion, qui ne peut être que mauvaise conseillère face à de pareils dangers.

L’Ukraine dans un contre-la-montre

La pression ukrainienne est forte, car Kiev sait bien que la guerre, pour l’heure assez ralentie par l’hiver, risque de reprendre dès le dégel, avec des offensives dans les grandes plaines d’Ukraine. La guerre, pour l’heure acquise au principe de tranchée et à la guérilla urbaine, où chacun campe sur ses positions, pourrait alors s’intensifier très rapidement et accélérer son sanglant tempo. Dans un sens comme dans l’autre.

Protégée par l’Atlantique, Washington, qui n’a pas grand-chose à craindre en cas de débordement du conflit, décide ainsi d’envoyer une trentaine de chars Abrams. Une annonce faite après une concertation téléphonique entre Joe Biden et Olaf Scholz.

C’est sur l’Allemagne que la pression est la plus grande. Kiev, qui peut déjà compter sur le soutien indéfectible et même total de Londres, sait que Paris et Rome sont des alliés moins naturels, plus acquis à une position d’équilibre. Ainsi et pour l’heure, nos chars Leclerc n’iront pas s’aventurer à l’Est.

Berlin cède sous la pression

Le chancelier d’Allemagne, lui, a été objectivement mis au pied du mur. Le chef du gouvernement polonais, Mateusz Morawiecki, a qualifié « d’inacceptable » l’attentisme supposé du gouvernement Scholz. Le tout depuis une salle du Bundestag, devant des parlementaires de l’opposition ! La guerre d’influence entre Varsovie et Berlin se poursuit et s’aggrave. Faut-il rappeler que la Pologne a récemment réclamé à l’Allemagne le versement de plus d’un milliard d’euros, au titre des réparations de la Seconde Guerre mondiale ?

Olaf Scholz, lui, a été contraint de céder – sans pour autant que son revirement soit décisif. La Bundeswehr enverra finalement 14 chars Leopard sur les 320 dont elle dispose. Pour l’heure, ce soutien est plus symbolique que décisif, même si la ligne rouge fixée par les Occidentaux eux-mêmes au début du conflit, a été dépassée. Ce sont bien des armements lourds qui sont envoyés en Ukraine. Au risque de la belligérance.

Et les Allemands, qui tentent tout de même de ménager leurs liens avec Moscou, savent que la symbolique est terrible. Voir des chars allemands dans les pleines d’Ukraine ne peut que rappeler tragiquement aux Russes les heures les plus sombres de l’Histoire. Un nouveau coup de colère de Moscou est à craindre et le pire n’est pas à balayer d’un revers de la main. Nous dansons au pied du volcan.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

J’accepte les conditions et la politique de confidentialité

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.