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« Inflation Reduction Act ». Voilà le nouveau cauchemar des  gouvernements européens.

Ce paquet législatif de 430 milliards, voté en août, risque d’aboutir, par effet papillon, sur une vague de délocalisations en Europe. Ce dispositif protectionniste est au cœur de la visite d’État d’Emmanuel Macron à Washington.

Sur son lit de mort, François Mitterrand, après 14 années au pouvoir, déclara au journaliste Georges-Marc Benamou : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue et pourtant une guerre à mort. »

Une citation très forte, étonnante d’ailleurs par sa vigueur, qui entre en concordance des temps avec l’actualité. Bien que le sujet ne soit pas très médiatique, dans les couloirs du pouvoir, de Berlin à Paris en passant par Bruxelles, on retient son souffle. L’administration Biden prévoit de déclencher un plan de subventions massives à l’industrie « made in America ».

Sous couvert de « plus grand investissement jamais réalisé aux États-Unis pour le changement climatique », l’IRA va consacrer une enveloppe record de 430 milliards pour favoriser la construction d’éoliennes, de panneaux solaires, de technologies informatiques ou encore… de voitures électriques.

Un choix protectionniste assumé

C’est d’ailleurs sur ce dernier point que se fixe la crispation. La loi américaine prévoit un crédit d’impôt qui peut aller jusqu’à 7 500 dollars pour tout consommateur qui achèterait une voiture électrique. Seule condition : qu’elle soit conçue en Amérique. De quoi donner un incroyable avantage compétitif à la filière américaine – au détriment de l’industrie chinoise ou européenne. Bonne nouvelle pour Tesla et Ford. Terrible coup de bambou pour Renault ou BMW.

Ce coup de boost à l’industrie américaine – financé par la puissance publique – viendra amplifier le déséquilibre déjà existant. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les États-Unis possèdent un atout compétitif indéniable : le coût de l’énergie. Si celui-ci a explosé en Europe, il est resté stable outre-Atlantique.

Un choix protectionniste assumé par la puissance américaine. Pendant ce temps, l’Europe, un peu étourdie, balbutie son impuissance… Emmanuel Macron pointait récemment, lors d’une rencontre avec des industriels : « Je pense que ce dispositif n’est pas conforme avec les règles de l’OMC. »

L’éternelle désillusion européenne… Comme l’indiquait l’ancien ministre allemand de l’Économie, Sigmar Gabriel : « L’Europe ne peut pas rester un herbivore dans un monde de carnivores. »

Borne inquiète : 10 000 « créations potentielles d’emplois » menacées en France

L’avantage compétitif hors-norme que les États-Unis s’offrent avec l’IRA aura une grave conséquence sur le front de l’emploi, chez nous en France. Selon la Première ministre, le plan d’investissement américain risque de créer une importante distorsion de concurrence qui pourrait faire perdre à la France « 10 milliards d’euros d’investissements » et 10 000 créations potentielles d’emplois ». (Les Échos)

Et si l’IRA empêchait l’Europe de réaliser enfin sa transition écologique ? L’industrie verte semble pourtant l’un des rares sujets où le Vieux Continent est en avance sur le Nouveau. Cette politique inamicale est aussi un moyen de nous rattraper – voire de nous dépasser.

Négocier ou riposter : le grand dilemme

En visite d’État à Washington, Emmanuel Macron tente évidemment de plaider la cause européenne auprès de son homologue, Joe Biden. Il voudrait obtenir de Washington une exemption de l’IRA pour les entreprises européennes. Amitié oblige… « Le ‘pitch’ ça va être de dire : il y a évidemment un défi chinois. On est prêt, dans l’UE, à sortir de la naïveté vis-à-vis de Pékin. Mais vous ne pouvez pas nous demander de vous aider sur la Chine et nous faire l’IRA », explique à Reuters un diplomate français – anonyme et arrogant.

Le Mexique et le Canada ont déjà obtenu de semblables aménagements. Avons-nous une chance par la voie de la négociation ?

Dans le cas contraire, il faudra riposter. Protectionnisme contre protectionnisme. « IRA » contre « BEA » (Buy European Act). Les dirigeants européens se disent prêts, en dernier recours, à déclencher cette carte-là. Ce serait admettre, aux yeux du monde entier, une désagrégation du lien entre Washington et l’Europe. Un mauvais symbole alors que le camp occidental tente de s’afficher uni face à Moscou.

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