Temps de lecture estimé : 2 minutes
Relance keynésienne à perpétuité. En Espagne, le gouvernement, marqué à gauche, espère passer le cap de l’inflation en déployant un bouclier étatique de protection pour ses citoyens.
Dans le budget 2023, « six euros sur dix seront consacrés aux dépenses sociales », indique Madrid. Au risque que ces dépenses nouvelles nourrissent le mal qu’elles veulent combattre. Et entraîner en spirale la montée ininterrompue des prix.
« Pour la troisième fois consécutive, nous avons approuvé un budget général de l’État qui protège les classes moyennes et populaires, fait progresser la justice sociale et avons garanti la prospérité économique de l’Espagne », déclare sur Twitter Pedro Sánchez , le président du gouvernement. Ce professeur d’économie, longtemps resté simple apparatchik du PSOE, le « PS espagnol », dirige depuis 2018 le gouvernement de la quatrième puissance de l’UE. Avec l’envie volontariste de prouver qu’une politique franchement de gauche est encore possible. Allié à Podemos, l’équivalent transpyrénéen de La France insoumise, il tente de décrocher, à intervalles réguliers, de nouvelles conquêtes sociales.
Trains gratuits, chèque jeune enfant, revalorisation générale des prestations sociales…
La nation ibérique vient ainsi de voter un budget particulièrement dépensier, à forte ambition redistributrice. Premier exemple : la gratuité totale des trains régionaux, déjà en vigueur depuis septembre, est prolongée pour toute l’année 2023. Ce n’est pas tout. Avec l’achat d’une carte-caution au coût modique (20 euros l’année) il est également possible de voyager gratuitement sur une ligne moyenne-distance préalablement choisie. Ainsi, un étudiant pourra opter pour la ligne qui fait la jonction entre sa ville universitaire et celle de ses parents.
Autre mesure forte : tous les parents d’un enfant de moins de trois ans vont percevoir un chèque de 100 euros – mesure valable pour tous les foyers qui vivent en Espagne, y compris donc les expatriés. Cette somme sera même accordée mensuellement aux mères célibataires précaires. Les prestations sociales seront revalorisées pour contrer les effets pervers de l’inflation. L’équivalent espagnol du RSA passe de 579 à 600 euros. Les pensions de retraite grimperont de 8 % dès le 1er janvier et le salaire des fonctionnaires va augmenter de 3,5 % (ce n’est qu’un début, prévient le gouvernement, qui veut pousser la hausse à 7,5 % d’ici à 2024).
Les produits d’hygiène féminine vont également faire l’objet d’une baisse de TVA, sur demande de Podemos. La baisse de la TVA sur le gaz (5 % au lieu de 21 %) est également maintenue.
Madrid pousse ses ambitions en matière de défense
Hormis le social, Pedro Sánchez muscle également le budget des armées. Celui-ci augmentera de 6,5 % cette année (sans compter les programmes européens sur l’armement qui pousseront la hausse à 8,4 %). Un nouvel effort qui vise, au-delà de la stratégie nationale, à répondre aux objectifs de l’Otan. La ministre des Finances, María Jesús Montero, espère créer 20 000 emplois grâce à cette seule mesure.
Et maintenant la grande question : comment financer ? Plutôt que de faire reposer l’effort sur les classes moyennes, La Moncloa (siège du gouvernement espagnol) réinstaure « un impôt de solidarité sur les grandes fortunes » qui se veut temporaire et exceptionnel. Il touchera les patrimoines aux revenus supérieurs à 3 millions d’euros. Mais cette taxe ne rapportera qu’un peu moins de 2 milliards d’euros sur les 30 milliards nécessaires pour financer ce vaste filet anti-crise . La dette risque donc d’augmenter considérablement.
De l’autre côté de l’échiquier, le Parti populaire, la droite libérale, s’indigne et vitupère. Sa porte-parole aux Cortès (Parlement), Cuca Gamarra, rappelle que des élections législatives doivent se tenir l’an prochain. Elle accuse : « Ce n’est pas le budget dont ont besoin les Espagnols, c’est le budget dont a besoin Pedro Sanchez pour rester au gouvernement jusqu’à ce que les Espagnols retournent aux urnes. » Le tout alors que la droite ibérique est en tête des sondages… Ceci expliquerait donc cela ?