Sous le feu des crises, Emmanuel Macron tente d'édifier une nouvelle stratégie européenne.

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Sous le feu des crises, Emmanuel Macron tente d’édifier une nouvelle stratégie européenne. Jusqu’ici, c’est un désaveu cinglant.

« L’Allemagne est à un moment de changement de modèle dont il ne faut pas sous-estimer le caractère déstabilisateur », a reconnu Emmanuel Macron dans une entrevue aux Échos. Une prise de conscience pour le moins tardive…

Il n’y a pas si longtemps, l’essentiel de la politique européenne se résumait à un vague compromis franco-allemand. Tout se décidait à Berlin (beaucoup) et à Paris (un peu). C’est terminé. L’Italie, troisième puissance continentale, a entamé sous Mario Draghi un réveil diplomatique qui va s’amplifier sous l’ère Meloni.

Le momentum stratégique est à l’Est

Mais c’est surtout à l’Est qu’il y a du nouveau. La guerre en Ukraine a mis au centre du jeu des nations comme la Pologne, la République tchèque, la Hongrie (un peu différemment) et les états Baltes… Ce sont ces ensembles qui impulsent aujourd’hui le momentum stratégique.

Il s’agit là d’une incontestable victoire idéologique américaine. La Maison Blanche prophétise, depuis Bush fils, l’effacement du « Vieux Continent » (Paris, Madrid, Rome) face à la « Nouvelle Europe », incarnée par Varsovie, Prague, Riga et, symboliquement, Kiev. L’Allemagne joue le rôle du nœud gordien.

Les pays nordiques, qui réclament désormais leur adhésion à l’Otan, participent aussi à ce mouvement de balancier majeur. En guise de preuve, on citera le ministre de la Défense letton, qui n’hésite plus à brocarder de ses injonctions les puissances de l’Ouest : « Nous, nous sommes prêts à mourir pour notre liberté. Êtes-vous prêts, vous aussi, à mourir pour défendre votre liberté ? ». Les nations de l’Est, en raison de leur méfiance historique pour la Russie (parfois aussi de leur envie de revanche) font preuve d’un atlantisme sans borne.

Bruxelles dicte sa propre politique

Et puis il y a la Commission européenne, qui se considère moins comme le simple  secrétariat des États – une sorte de conciergerie – que comme une instance supérieure, presque impériale, qui aurait la capacité de donner des ordres aux gouvernements – et même aux peuples d’Europe… On citera, très récemment, l’intolérable avertissement exprimé par Ursula von der Leyen à l’encontre des Italiens, menacés de sanctions économiques si leur vote devait ne pas convenir à Bruxelles. Un coup d’épée dans l’eau…

Il y a eu aussi, la semaine dernière, la prise de parole inconsidérée du chef de la prétendue « diplomatie européenne », Josep Borrell, qui s’est permis d’avertir l’armée russe de son « anéantissement » en cas d’attaque nucléaire. La France, désormais seule puissance dotée parmi les 27, voyait là sa doctrine nucléaire piétinée par un technocrate catalan. Une attaque directe contre notre souveraineté. Encéphalogramme plat au Quai d’Orsay.

La stratégie d’Emmanuel Macron battue en brèche

Paris devrait pourtant s’inquiéter. La guerre en Ukraine réduit à néant la stratégie continentale d’Emmanuel Macron, continuatrice de celle de ses prédécesseurs directs, Hollande et Sarkozy. La France, seule, prêchait ces dernières années pour une politique « d’autonomie stratégique européenne ». En bref, il s’agissait de s’écarter collectivement de l’Otan – sans pourtant en sortir – et d’organiser la défense commune des 27. Nos partenaires ont toujours fait la moue… De Rome à Varsovie en passant par Berlin, au premier chef, chaque capitale compte d’abord sur le sauveur américain pour assurer sa défense.  Nos partenaires considèrent les grands projets élyséens comme du romantisme, au mieux ; ou comme une façon déguisée de leur fourguer du matériel français – qu’ils n’achètent pas (sauf la Grèce !).

L’Allemagne se rêve en pivot d’une Europe à 38 membres

« Il n’est bon ni pour l’Europe, ni pour l’Allemagne, que (cette dernière) s’isole. » La mise en garde proférée par Emmanuel Macron, lors du Conseil européen, verbalise un malaise. Entre Paris et Berlin, rien ne va plus. Le Conseil des ministres franco-allemand de Fontainebleau, qui devait se tenir le 26 octobre, a été annulé sans autre forme de procès. Du jamais vu. Pour donner le change, Olaf Scholz viendra seul, pour déjeuner à l’Élysée. Entre la poire et le fromage, deux visions vont s’affronter : celle de la Sorbonne et celle de Prague. Sorbonne, du nom du discours européen prononcé par Emmanuel Macron dans l’amphithéâtre de l’université, en 2017, et qui fut superbement ignoré par Angela Merkel. Prague, du nom d’une autre pièce de doctrine, d’Olaf Scholz cette fois, déclamée fin août dans la capitale tchèque.

Véritable coup de pied de l’âne aux ambitions françaises, le chancelier y a formulé,  explicitement, le rêve d’une UE qui passerait de 27 à 38 membres ! En ouvrant la porte aux Balkans, au Caucase, à l’Ukraine – sans oublier la Turquie, toujours officiellement candidate – le rêve américain d’une UE dominée par l’Est, aux frontières quasi-identiques à celles de l’Otan, deviendrait réalité.

L’Allemagne incarnerait alors la puissance pivot de cet ensemble dont la France ne serait plus qu’une péninsule, isolée politiquement et géographiquement, à l’extrême-ouest. Sauf si…

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