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Le Royaume du Danemark tire son épingle du jeu en Europe. Société prospère et positive, le pays opte pour une politique migratoire particulièrement sélective. Tour d’horizon.
Une note de la Fondapol (Fondation pour l’innovation politique) met en lumière les réussites du petit royaume septentrional. Au contraire de la France, il y prédomine un accord global sur la politique migratoire. De gauche à droite, on soutient un choix de fermeté ; condition sine qua non du maintien de l’État Providence.
Au Danemark comme ailleurs sur le continent, les majorités changent. Mais la politique d’immigration demeure. Un large consensus existe depuis vingt ans pour assurer une politique rigoureuse d’intégration, un accès difficile à la nationalité et une forte réduction des flux migratoires. Vu de Copenhague, l’équation est claire : une immigration contrôlée est le meilleur rempart à la xénophobie, en éliminant toute suspicion. C’est aussi le moyen de garantir une politique sociale ambitieuse.
Un tournant pragmatique
La société danoise repose d’abord sur la confiance et le respect. Nation reconnue pour ses politiques innovantes, les immigrés y ont le droit de vote aux scrutins locaux depuis 1981. Ouvert sur le monde, le Danemark a longtemps accueilli beaucoup de citoyens venus d’ailleurs. Mais les premières crispations liées à une mauvaise intégration, au tournant des années 2000, poussèrent le gouvernement de droite à davantage de sévérité.
En 2019, le Parti social-démocrate de Mette Frederiksen (photo d’illustration) revient au pouvoir. Cette femme énergique, qu’on appelait dans sa jeunesse « Mette la rouge » va à la surprise générale s’installer dans la continuité. Le choix de la fermeté migratoire est maintenu. Celle qui se rêve en « Premier ministre des enfants » lie très directement la protection de l’État Providence et contrôle migratoire. Des résultats étonnants : le nombre de demandeurs d’asile au Danemark a baissé de 82 % depuis 2014. Le nombre de migrants dans le pays a lui diminué de 28 %. Comme le gouvernement britannique, Mette Frederiksen espère désormais confier au Rwanda la gestion des demandes de visas.
Le Danemark accueille moins d’immigrés mais en prend grand soin
Ainsi au Danemark, il est hors de question de laisser un immigré sans accompagnement décent. Dès son arrivée dans le pays, celui-ci doit signer un « contrat d’intégration » avec sa municipalité. Propre à chacun, il diffère selon le marché du travail, la situation de la personne, son pays d’origine… Le signataire doit faire la promesse de « s’adapter aux valeurs démocratiques et libérales de la société danoise ». D’une durée d’un an, il fixe pour objectif « l’autosuffisance financière » et l’intégration au marché du travail. Si l’objectif n’est pas atteint, on augmente la durée du programme, reconductible jusqu’à cinq ans.
Pendant cette période, le nouvel arrivant enchaîne cours de danois, stages, formations… L’immigré peut à tout moment se tourner vers son tuteur, qui est là pour répondre à ses questions et l’appuyer dans ses démarches. En cas de problème ou de refus d’intégration, la municipalité est libre de décider en dernière instance. Sans signature de ce contrat exigeant, aucune aide sociale ne peut être demandée.
Une politique volontariste contre les « ghettos »
En parallèle, Copenhague a récemment déclaré la guerre aux « ghettos », ces quartiers où l’on a trop longtemps parqué les populations immigrées. Signé en mars 2018, ce « livre blanc contre les sociétés parallèles » prend le sujet à bras le corps. Il ne prévoit rien de moins que la « démolition et la reconstruction » des quartiers où la criminalité et le séparatisme dominent. Ce n’est pas tout : la présence policière est renforcée et les infractions commises y sont plus sévèrement réprimées qu’ailleurs. Ce plan d’action est lancé dès lors qu’un quartier concentre plus de 2,7 % de ses résidents condamnés pour violences ou trafic de stupéfiants.
Enfin, l’acquisition de la nationalité danoise est devenue plus difficile. Elle nécessite sept ans de présence sur le territoire , une situation économique viable, une connaissance certaine de la langue et de l’histoire du pays. Toute peine de prison, même avec du sursis, empêche définitivement de devenir Danois.
Un choix qui paye dans les urnes
Résultat : la situation politique danoise est inverse à celle de la France. L’équivalent local du RN, le Parti du peuple danois (Dansk Folkeparti) s’est littéralement effondré. Au zénith en 2015, au début de la crise européenne des réfugiés (21,1 %), ce parti est tombé à 2,6 % lors des élections du 1er novembre 2022. Leur victoire idéologique signe ainsi leur échec politique. En revanche, le Parti social-démocrate de Mette Frederiksen, partenaire européen du PS, caracole en tête avec plus de 25 % des voix ! Rien d’étonnant dans un pays où les mœurs poussent au compromis, même sur les sujets sensibles comme l’immigration. Les députés se parlent et parviennent à s’entendre, sans ostracisme ni théâtre politique. Il n’existe pas au Danemark de « cordon sanitaire ». Un député de gauche peut tout à fait reprendre à son compte une idée de droite – et réciproquement.
Mette Frederiksen gouverne d’ailleurs en coalition avec son prédécesseur, l’ancien Premier ministre de droite Lars Løkke Rasmussen, devenu ministre des Affaires étrangères. Un peu comme si, en 2012, François Hollande avait nommé Nicolas Sarkozy au gouvernement… Selon un sondage de l’International Republican Institute, 81 % des Danois considèrent que leur démocratie fonctionne bien. Il n’y a que la Norvège (84 %) et la Suisse (86 %) qui font mieux. En France, la statistique s’établit à… 50 %.
On note d’ailleurs que dans la Suède voisine, où la politique migratoire est beaucoup plus souple, certains diraient laxiste, le Parti social-démocrate longtemps au pouvoir a été sévèrement battu aux élections de l’automne dernier. La droite gouverne à Stockholm avec le soutien parlementaire des « Démocrates de Suède » (droite radicale). Le pragmatisme danois, une source d’inspiration pour la France ?