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L’Allemagne, officiellement en récession, semble connaître un long passage à vide. La première puissance européenne doit se réinventer.
Difficultés économiques, troubles sociaux, disparités territoriales, résurgences du passé… Le contrat social allemand chancelle. Olaf Scholz peine à imposer une vision.
Méfiance. En recevant à Berlin le nouveau Premier ministre chinois Li Qiang, Olaf Scholz s’est livré au jeu du « en même temps ». Faire bon accueil aux capitaux chinois tout en plaçant Pékin sous surveillance. Le numéro deux chinois a été plus chaleureusement accueilli en Bavière, où le Ministre-président du Land, le chrétien-social Markus Söder, lui a déroulé le tapis rouge.
Le chancelier allemand révélait, le 14 juin, la stratégie de sécurité nationale. Ce document est le premier du genre à être adopté dans le pays depuis… 1949. Preuve que les temps changent. La Russie y est qualifiée de « menace la plus grande pour la paix et la sécurité dans l’espace euroatlantique ». Quant à la Chine, le document s’en tient à des formules plus vagues. « Nous constatons que les éléments de rivalité et de concurrence ont augmenté ces dernières années ».
Olaf Scholz a bien du mal à conduire la première nation d’Europe. L’Allemagne est encore dans le vague depuis le début de la guerre en Ukraine, qui a abattu d’un coup sec l’ordre sur lequel elle se croyait fermement assise. Le social-démocrate doit diriger une coalition toujours plus branlante, composée de verts et de libéraux aux intérêts opposés. Les premiers rêvent de dépenses massives pour faire face à la crise climatique. Les seconds prônent l’orthodoxie budgétaire et le maintien du mode de vie hérité des Trente Glorieuses. Pas question, donc, de limiter la vitesse sur les autoroutes…
Le pacte politique s’effrite
Seule parenthèse pour Scholz : dans un récent Conseil des ministres, ses partenaires lui ont chanté le bon anniversaire. Son cadeau ? Un couteau pour éplucher les asperges. Les électeurs, eux, n’ont pas le cœur à la fête. L’ancien bourgmestre de Hambourg s’inquiète lorsqu’il regarde les sondages. D’abord, la CDU, le parti hier dirigé par Angela Merkel, le devancerait désormais d’assez loin. Ensuite, et plus grave, le SPD qu’il dirige, en forte baisse, se retrouverait au même niveau que l’AFD…
Ce parti, fondé en 2013 par des économistes hostiles à l’euro, dérive depuis vers une forme de « populisme ethnique » à base de sous-entendus franchement racistes. En France, ce parti serait considéré comme à la droite d’Éric Zemmour. Alors qu’en Allemagne la politique se fait beaucoup par écrit, via des documents sérieux et précis, l’AFD a récemment clarifié sa position sur l’Union européenne. Un document interne estime que l’UE n’est pas « réformable » et que « son démantèlement ordonné doit être engagé ».
L’Alternative für Deutschland prospère principalement dans les zones paupérisées de l’Est. En bref, dans l’ancienne RDA, toujours en retard par rapport aux régions rhénanes. Une différence de développement qui provoque de très vifs débats dans le pays. Si le Mur est tombé en 1989, une sorte de frontière mentale et sociale subsiste indubitablement.
L’inattendu retour de la RDA
Ainsi, la fracture territoriale a-t-elle été réveillée assez brutalement par la publication récente d’un ouvrage aux airs de brûlot. Beyond the Wall (« Au-delà du Mur », éditions Allen Lane) de la journaliste Katja Hoyer, caracole en tête des ventes. Cet ouvrage invite à une relecture plus positive de l’histoire de la RDA. Au-delà, finalement, des clichés pourtant bien réels sur la Stasi et la misère sociale. Une sorte d’ostalgie (nostalgie de l’Est) semble saisir une partie de l’Allemagne orientale.
Katja Hoyer s’expliquait la semaine dernière, chez nos confrères du Spiegel. « L’histoire est plus complexe, et il y avait aussi de la couleur et de l’insouciance en RDA. Le rappeler, ce n’est pas glorifier le régime. Mais l’occulter, c’est priver beaucoup de gens d’une partie importante de leur histoire. » Un passé qui remonte à la surface. Freudien.