Carol Duval-Leroy (Présidente de la Maison de champagne Duval-Leroy) : « Les femmes se sentent souvent investies d’une mission »

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Carol Duval-Leroy dirige une Maison qui existe depuis 1859, et qui se transmet de pères en fils. Son mari décédé alors que leurs enfants étaient âgés de quatre, six et huit ans, a juste eu le temps de lui passer le flambeau en 1991, afin qu’elle assure la transition. Elle a plus qu’honoré sa mission : la Maison compte parmi les grands Indépendants, réalise 60 millions d’euros de CA pour 140 salariés et impose sa marque dans l’Hexagone comme à l’international.

 

Pensez-vous qu’il existe une différence entre les hommes et les femmes en matière d’entrepreneuriat ?

Je crois que ces dernières se sentent plus facilement investies d’une mission. Je me devais de transmettre la passion aux enfants. L’objectif est rempli, puisque les trois travaillent à mes côtés aujourd’hui. Je devais améliorer l’image de marque aussi, fondamentale dans le luxe. L’homme considère plus son activité comme un job. Enfin il y a une petite différence dans le marketing. J’étais fascinée par les grandes marques comme Taittinger, Bollinger, Roederer… alors que nous traitions avec la grande distribution. Je me suis donc éloignée du modèle industriel. Je ne sais pas si cette approche est féminine, mais mon but a toujours été de faire de cette Maison un petit bijou. Ce qui a nécessité de gros efforts. On ne change pas les règles en un tournemain en Champagne. Il n’y a pas de vignes attachées au domaine comme dans le vin, nous avons dû faire évoluer nos approvisionnements, notre assemblage pour façonner une identité. Mon mari m’a donné ce goût du bon, nous faisions beaucoup d’exercices de dégustation. Je suis fière des grandes cuvées qui sont sorties. Je pense que la femme va souvent plus au bout des choses que l’homme. Dans la chaîne elle ne laissera pas passer la bouteille avec une étiquette de travers, car elle est généralement contente qu’on lui accorde un poste de confiance comme le contrôle qualité. L’homme sera peut-être moins tatillon.

 

Voyez-vous des obstacles pour les femmes qui aspirent à créer et gérer des sociétés ?

Nous avons été les premiers à obtenir les certifications ISO en 1994. Ce qui m’a permis de mieux connaître la tâche de chacun et de prendre confiance. Heureusement, car nombreux ont été les gens à me dissuader, à me dire qu’ils allaient m’épauler, qu’ils allaient prendre en charge la vente, qu’ils allaient m’aider à revendre. Alors que j’avais promis à mon mari de réussir. J’ai dû faire mes preuves. Être une femme est un métier à temps complet, qui exige d’être maman, féminine, mais pas trop féministe, travailler comme un homme la journée, puis commencer son deuxième travail le soir avec les enfants. Le fait de montrer aux hommes que nous pouvons faire comme eux suscite le respect. Dans mon entreprise 43% des effectifs sont des femmes, parfois à des postes clé comme ma chef de cave, qui a remplacé un homme avec qui j’avais des difficultés à travailler. Nous avons uniquement affaire à des hommes à l’international. Je me souviens de mes premières discussions avec un importateur japonais. Le traducteur ne voulait pas transmettre certains de mes messages, parce qu’il jugeait qu’une femme ne pouvait dire telle ou telle chose à un homme. Ces cas extrêmes disparaissent.

 

Matthieu Camozzi

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