Faut-il baisser la TVA ?

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Face à la fatalité de l’inflation, la classe politique tente de trouver la parade.

En Espagne, le gouvernement socialiste vient d’annoncer la suppression de la TVA sur certains produits de première nécessité. Une mesure qui devrait permettre d’amoindrir un peu la vague d’inflation qui vient frapper les ménages.

Il faut se méfier des mesures de « bon sens ». Elles peuvent s’avérer de fausses bonnes idées. Mais tout de même, mieux vaut prendre le temps de regarder, car la logique de nos élites n’est pas plus convaincante. Durant la campagne présidentielle, Marine Le Pen a beaucoup mis en avant la thématique du pouvoir d’achat – une intuition prémonitoire. Face à l’inflation qui impose partout son dogme, la question des prix est devenue centrale. Comment faire pour qu’ils baissent enfin ? L’inflation est un épineux problème pour un gouvernement. Dans une société de marché, les ministres en sont réduits à l’expectative. Impossible, comme le réclament les Insoumis, de « bloquer les prix », ce serait pire que tout. Cuba, l’Argentine et le Venezuela  le démontrent : bloquer les prix pour lutter contre l’inflation revient à mettre de l’huile pour éteindre le feu.

Un gouvernement peut-il vraiment agir face à l’inflation dans une économie de marché ?

Alors, comme disait Lénine, « que faire ? ». Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire et ses équipes jouent aux grands ambulanciers de l’inflation, en charge de secourir les plus atteints. On l’a vu très récemment avec les boulangers. Dans une situation financière contrainte, qui interdit un nouvel épisode de quoiquilencoûtisme, il n’y a plus qu’à réciter la bonne vieille méthode Coué : « L’inflation va commencer à baisser en 2023 ! ». En est-on si sûrs ?

Là où l’État peut encore intervenir, surtout en France, c’est sur lui-même. Tenter de se réformer pour être plus efficace, moins coûteux, ce qui permettrait de baisser les impôts et les charges qui pèsent sur les Français. La TVA (taxe sur la valeur ajoutée) apparaît alors comme une marge de manœuvre judicieuse pour rendre la vie économique plus respirable. Cette taxe, par nature injuste puisqu’elle frappe de manière aveugle, sans tenir compte de la situation financière de chacun, est la première ressource économique pour Bercy. Chaque année, elle fait rentrer 102 milliards d’euros dans les caisses de l’État. Plus du tiers des recettes ! Y toucher compte donc très vite très cher, au point qu’on la surnomme « la vache sacrée des finances publiques ».

L’originale proposition de l’Espagne

En Espagne, le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez vient d’annoncer que la TVA serait supprimée sur les produits de première nécessité. Pain, lait, fruits, légumes, fromage, céréales… Autant de produits jusqu’ici soumis à un taux de TVA à 4 % et dont le prix devrait (logiquement) baisser d’autant. Les pâtes et l’huile, jusqu’ici taxées à 10 %, ne le seront plus qu’à 5 % sur l’ensemble du semestre.

Il n’y a qu’un malheur : Bruxelles n’a pas encore dit oui à Madrid. La Commission européenne, jalouse de ses prérogatives, interdit en principe d’abaisser un taux de TVA en deçà de 5 %. Il va falloir aller au bras de fer, ce qui ne fait pas peur au gouvernement espagnol. Bien que très européen, Pedro Sanchez fait montre ces derniers mois d’une politique économique hétérodoxe, qui tend à s’affranchir des carcans. La sortie tonitruante de l’Espagne et du Portugal du marché européen de l’énergie est là pour le prouver. En France, les oppositions se demandent pourquoi le gouvernement se refuse à prendre de semblables mesures. Ce qui est possible en Espagne ne le serait pas en France ?

Une bonne idée… sur le papier

Malgré tout, la baisse de la TVA, qui peut sembler sur le papier relever de l’évidence, n’a rien d’une recette miracle. Avec des taux déjà assez bas, pas sûr que la baisse soit vraiment remarquée par le consommateur. Les Français se souviennent aussi de l’expérience menée, sous le quinquennat Sarkozy, dans la restauration. Le président d’alors, désireux de soutenir le commerce de bouche, avait abaissé fortement la TVA. Résultat : les restaurateurs en profitèrent pour augmenter les prix d’autant. Aucune baisse pour le consommateur et des recettes en moins pour le Trésor. Mauvaise pioche !

Il y a aussi tout un débat de fond pour savoir différencier un produit « de première nécessité » d’un produit qui ne l’est pas. On se souvient de l’absurde polémique covidienne sur les « essentiels » et les « non-essentiels ». Peut-on vraiment supprimer la TVA sur un steak haché premier prix – avec une viande venue de Pologne – et la conserver sur des produits plus qualitatifs, issus de l’agriculture française ? Ce serait une véritable distorsion de concurrence. Les acteurs de la culture auraient beau jeu de dire qu’une place de cinéma, un livre ou une exposition relèvent, également, de la première nécessité. Un casse-tête kafkaïen !

Le plus simple, si le gouvernement voulait vraiment lutter contre l’inflation, serait de s’attaquer aux causes plutôt qu’aux conséquences : réduire les charges pour les producteurs. Il y a aussi la circonstance monétaire : la BCE s’est enfin décidée à cesser la mauvaise habitude de l’argent magique, en vogue depuis 2011. Et surtout, il faut s’attaquer à la racine du mal : le prix de l’énergie. Pour l’abaisser, il n’y a pas trente-six solutions : il convient d’accélérer le relèvement de notre filière nucléaire. Sans cela, point de salut.

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