Allo papa tango charly…

L'endroit le plus sûr après mon canapé
L'endroit le plus sûr après mon canapé

Temps de lecture estimé : 3 minutes

NDLR: Ce papier a été écrit et est sorti en kiosque avant l’accident de l’Airbus A320 de Germanwings, faisant 150 morts. La rédaction d’EcoRéseau s’associe à la peine des familles pour cet évènement qui montre que même si la sécurité aérienne a remarquablement progressé depuis 40 ans, l’aléa humain ne pourra jamais être complètement maîtrisé.

En 2015, des avions s’écrasent encore. Parfois dans un laps de temps court, ce qui permet d’invoquer la très scientifique loi des séries. Mais qu’on ne s’y trompe pas. L’aviation n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était il y a 50 ans. Notamment sur un point : la sécurité, qui frôle aujourd’hui la perfection.

L'endroit le plus sûr après mon canapé
L’endroit le plus sûr après mon canapé

«Il faut que les hommes soient descendus dans ce puits sombre, et en remontent, et disent qu’ils n’ont rien rencontré. Il faut que cet homme descende au cœur le plus intime de la nuit, dans son épaisseur, et sans même cette petite lampe de mineur, qui n’éclaire que les mains ou l’aile, mais écarte d’une largeur d’épaules l’inconnu. » Comme le traduisent avec brio ces quelques lignes de Saint-Exupéry dans Vol de Nuit en 1931, l’aviation ne cessera jamais de transporter dans ses soutes une part de mystère. Un mélange de peurs plus ou moins explicables, plus ou moins recevables, entre triangle des Bermudes, méconnaissances techniques, ou simplement méfiance vis-à-vis d’un élément où l’homme ne sera jamais qu’un convive sans carton d’invitation.

Des craintes que l’actualité ne cesse périodiquement de raviver. Le 28 décembre 2014, c’est le crash de l’A320 de la compagnie malaisienne Air Asia qui réveille les craintes en entourant ce drame d’un halo de mystère. Le 20 octobre 2014, la disparition de Christophe de Margerie, et plus récemment celles de Camille Muffat et Florence Artaud rappellent que personne n’est à l’abri d’une catastrophe aérienne.

Pourtant, sous l’écume médiatique se trouve aujourd’hui un moyen de transport qui n’a jamais été aussi sûr et aussi technologiquement affûté. Selon l’Association du transport aérien internationale (IATA), l’année 2014 a ainsi été l’une des plus sûres de l’histoire, avec un accident par tranche de 4,4 millions de vols. Cette même année, pour environ trois milliards de passagers transportés à travers le monde, on a comptabilisé… 694 décès. C’est dire les progrès immenses effectués en matière de sécurité.

« Tout a changé depuis les années 60 dans l’aviation, affirme Germain Chambost, ancien pilote, spécialisé dans l’aéronautique et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, dont La promesse de l’envol, prévu pour juin 2015 aux éditions Transboréal. A cette époque, l’avion demeure un objet de luxe pour grands chefs d’entreprise, vedettes du sport ou du cinéma. » Autre transformation aussi, la capacité bien moindre des avions d’alors. Le Boeing 747, capable d’accueillir jusqu’à 500 passagers, n’effectue ses premiers vols qu’en 1969. Aujourd’hui, certains avions peuvent transporter jusque 900 personnes… « Un autre élément marquant des progrès effectués, ce sont les distances franchissables, analyse Germain Chambost. Dans les années 60, les vols longs-courriers indiquaient sur leur plan de vol un aérodrome plus proche de leur point de départ, et leur véritable destination en déroutement. Un Paris-Los Angeles allait par exemple annoncer un atterrissage à Detroit, et si tout se passait bien, qu’il n’y avait pas de vents contraires ou d’autres éléments susceptibles de le retarder, il poursuivait sa route vers Los Angeles. Cela en dit long des limites en termes de distances franchissables. Aujourd’hui, de tels trajets s’effectuent d’un trait sans aucun problème. »

Ce qui a permis ces avancées, c’est d’abord l’amélioration du matériel. Et en premier lieu, des réacteurs. « Au milieu du siècle dernier, il n’était pas rare qu’un pilote soit obligé de faire demi-tour car son réacteur prenait feu, sourit l’expert. Pour tester leur résistance, on réalisait des essais au canon à poulets ! On faisait tourner le réacteur au sol, et on lui envoyait des carcasses de poulets… Il faut comprendre que le risque principal d’alors, c’était la panne de moteur au décollage, au moment où celui-ci est sollicité à pleine puissance. C’était d’ailleurs sur ce point précis que résidait en grande partie l’entraînement des pilotes. » Aujourd’hui, on laisse les poulets tranquilles et c’est un travail sur les matériaux qui offre une extraordinaire résistance aux réacteurs, avec notamment une partie en céramique dans la zone la plus exposée à la chaleur. Résultat : une fiabilité des réacteurs très très proche des 100%. Pour le spécialiste, les avions qui rencontrent des problèmes mécaniques sont aujourd’hui exclusivement des appareils datant d’il y a 20 ou 30 ans.

La généralisation des radars a aussi permis un gain extraordinaire en matière de sécurité. Aujourd’hui, n’importe quel coucou est surveillé en permanence, y compris au dessus des déserts ou des océans grâce au GPS. Aussi, la position de chaque avion est-elle connue en permanence par les autres appareils, et ce avec une précision telle que la distance verticale entre chaque avion en vol a été réduite ces dernières années de 2000 pieds (600 mètres) à 1000 pieds (300 mètres). « Dans les années 50-60, les radars n’existaient guère qu’en Europe et en Amérique du Nord, rappelle Germain Chambost. Pour les traversées transatlantiques, il était impossible d’établir une surveillance continue des appareils. Au-dessus de certaines zones géographiques, les données étaient tellement peu fiables que les pilotes se donnaient leur position oralement grâce à une fréquence radio dédiée. »

Cette technologie au sol a conduit à une automatisation croissante des appareils. Aujourd’hui, dès 300 pieds (100 mètres), c’est le pilote automatique qui prend les rênes de la machine, jusqu’à l’atterrissage – qui peut parfois lui aussi s’effectuer en automatique… Une bonne chose, au vu de la fiabilité du matériel, et un bon moyen d’éviter les erreurs humaines. Mais la médaille a un revers. Germain Chambost : « On sait aujourd’hui, notamment grâce aux travaux de Claude Lelaie*, qu’un pilote qui vole 80 heures par mois aura fait, en tout, quatre heures de pilotage manuel réel dans l’année ! C’est une situation qui inquiète de plus en plus la Federal Aviation Administration (FAA), qui considère aujourd’hui que certains pilotes ne sont plus capables de se poser sur certains aérodromes. » Une situation que le succès des compagnies low-cost ne devrait pas arranger. « Chez Ryanair, certains membres d’équipage sont passés copilotes après seulement 150 heures de vol. C’est scandaleux, s’indigne l’expert. Comme si on envoyait un jeune conducteur seul sur l’autoroute après 15 heures de conduite. ».

 

* Ancien pilote de chasse et de ligne, pilote d’essai, ancien directeur des essais en vol et directeur de la sécurité des vols chez Airbus

 

Article réalisé par Olivier Faure

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