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Les courtiers se préparent, les associations se mobilisent
La réforme du courtage avait été adoptée dans le cadre de loi Pacte de 2019 avant d’être invalidée par le Conseil constitutionnel pour une question de procédure. La réforme a finalement été adoptée le 1er avril 2022. La mission principale des associations professionnelles chargées du suivi de l’activité des courtiers est enfin précisée : « Elles devront principalement offrir un service d’accompagnement et d’observation de l’activité et des pratiques professionnelles, notamment par la collecte de données statistiques. » Les devoirs de vigilance ou d’alerte pourtant mentionnés dans les premières versions du texte ont été supprimés. Valéria Faure-Muntian, députée de la troisième circonscription de la Loire, s’en est expliquée : « Je n’endosse pas mon rôle de législateur dans le but de contraindre, mais au contraire de valoriser les bonnes pratiques. » Dont acte.
Une mise en œuvre progressive
Dans un premier temps, la réforme ne s’applique qu’à environ 3 000 nouveaux courtiers et mandataires d’intermédiaires en banque et assurance. Elle concernera à compter du 1er janvier l’ensemble des 18 000 courtiers en assurance français, les 7 000 intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) ainsi que leurs mandataires d’intermédiaires d’assurance à partir du 1er janvier 2023. La réforme oblige donc l’ensemble des acteurs du courtage, pour l’essentiel des petites entreprises de proximité, à adhérer à des associations professionnelles, agréées par le gendarme des banques et des assurances, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Dans un premier temps, la réforme ne s’applique qu’à environ 3 000 nouveaux courtiers.
Les neuf associations agréées à ce jour sont l’Endya (qui réunit Planète CSCA, l’Apic pour les intermédiaires en crédit et le Gcan pour les comparateurs d’assurance), CNCEF assurance, CNCEF crédit, l’Anacofi, la chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine, l’Afib-bancassurance, La Compagnie des IAS, La Compagnie IOBSP et VotrAsso, initiée par les courtiers grossistes Leader Insurance et Zenioo.
Formation et accompagnement
Ces associations seront chargées du suivi de l’activité de leurs membres. Elles devront vérifier leur respect des exigences professionnelles, offrir un service de médiation et proposer des formations. « Les associations vont devoir vérifier ce que l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias) ne faisait pas, comme la formation des salarié·es, la mise à jour de leurs compétences. Elles devront s’assurer que leurs membres suivent les heures de formation imposées. Dans ce cadre, les associations vont sans doute se rendre compte que certain ·es salarié·es ne peuvent pas, en l’état poursuivre leur activité, ce qui risque de ralentir l’activité et de gonfler les coûts », explique David Charlet, président de l’Anacofi.
Or, les règles de formation s’avèrent particulièrement complexes puisque les salarié·es doivent être formé·es 15 heures par an, mais à toutes les spécialités dans lesquelles ils·elles sont susceptibles d’intervenir : l’IARD, l’assurance vie, etc. Les associations devront également mettre en œuvre les outils pour accompagner et contrôler les entreprises de courtage, mais aussi leurs mandataires. « Vérifier que tous les courtiers ont un médiateur ne sera pas chose aisée », prévient David Charlet. Face à ce défi, les associations vont s’attacher les services de médiateurs qu’ils proposeront gratuitement à leurs adhérent·es.
Les associations à la manœuvre
Un travail titanesque pour les courtiers comme pour les associations, qui espèrent ne pas être dépassées… À moins que les courtiers ne soient pas suffisamment informés. Sur les 40 000 intermédiaires concernés par l’obligation de s’associer à une association professionnelle, certains ne sont sans doute pas encore au courant, ce qui risque de créer des remous au sein de la profession. Les premiers mois de la réforme s’apparentent donc à des tests grandeur nature, qui donnent globalement satisfaction, assure David Charlet. « Les courtiers se sont rapidement rapprochés de nous en prévision de la réforme. Notre association, comme d’autres, a préparé en amont ce bouleversement, notamment en embauchant du personnel et en référençant les formations », précise le président.
Une réforme trop ambitieuse ?
Pour autant, des doutes subsistent sur l’efficacité de cette réforme. Certains professionnels rappellent que les associations éprouveront des difficultés à « contrôler » les courtiers, mission exclusivement du ressort de l’ACPR. En outre, la définition d’accompagnement reste malgré tout floue pour certains. Les courtiers et associations jugeront à l’usage. L’autre volet de la réforme, heureusement, est bien plus simple. Il détermine les règles du démarchage téléphonique, en contraignant significativement les « appels à froid ». Le courtier qui appelle a notamment l’obligation de demander au prospect son accord explicite dès le début de la discussion et de mettre fin à l’appel en cas d’opposition. Dans le cas où le client donne suite à la conversation, le courtier devra vérifier s’il est « déjà couvert par un contrat identique à l’objet du démarchage ».
Avant de conclure le contrat et de recevoir un éventuel consentement du client, le responsable du démarchage téléphonique devra envoyer au client tous les documents liés au contrat. Surtout, il devra vérifier leur bonne réception par son destinataire. Enfin, le courtier n’a, bien sûr, pas le droit de forcer la main de son client potentiel, puisque la loi impose désormais « le respect d’attendre 24 heures avant la signature du contrat ». Cette signature, électronique ou manuscrite, exclut un simple accord oral. Le client doit également recevoir tous les documents relatifs à la signature du contrat, ses dates de validité et ses modalités de résiliation et le courtier devra s’en assurer.
Enregistrement à conserver
Dernier point important à surveiller, la société qui aura démarché le client aura l’obligation de conserver pendant deux ans l’enregistrement de l’échange téléphonique de la transaction, de façon à fournir une preuve en cas de contestation et de veiller à la sécurité de cet enregistrement. « Les appels à froid sont globalement peu utilisés par les acteurs de l’assurance. Cet aspect de la réforme est donc bienvenu », commente David Charlet. Pour « les appels à chaud », la réforme ne change quasiment rien. Il faut que la personne exprime la volonté d’être appelée, par exemple sur les conseils d’un proche ou bien qu’elle en fasse la demande auprès du courtier. La discussion n’est pas forcément enregistrée mais l’appel traçable. « Cette exigence rejoint en réalité le travail des courtiers, seuls 10 % des appels des courtiers sont à froid en France », précise David Charlet