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Nous commémorons les quarante ans de la disparition de Raymond Aron. Ses propos trouvent un soudain écho dans la voix de deux responsables politiques. Dialogue passé/présent.
Il était le philosophe du « cher et vieux pays ». Allergique aux dogmes, amoureux de l’intelligence et de la liberté individuelle, Raymond Aron ne savait pas qu’il était aussi un prophète. Ses analyses se sont ô combien vérifiées.
Nous connaissons cette phrase du Général de Gaulle à propos de Charles Maurras : « il avait tellement raison qu’il en est devenu fou. » Le même risque guette aujourd’hui Éric Zemmour, lequel pour l’heure s’en prémunit bien. Face à la résurgence du terrorisme islamique et au retour de la guerre – et quelle guerre ! – au Proche-Orient, les militants de Reconquête (supprimons le point d’exclamation final du nom de ce parti, car il gêne la lecture et constitue une mauvaise manière faite à notre langue) partagent sur les réseaux sociaux une affiche au titre évocateur.
Ces Européennes qui font tourner les têtes…
« Immigration, école, sécurité, nucléaire… Tout donne raison à Zemmour ». L’objectif est clair. Viser ces électeurs de droite qui apprécient Zemmour mais trouvent qu’il « va trop loin », que tout de même, décidément, « il exagère ». Ces électeurs qui lui préférèrent Marine Le Pen, Valérie Pécresse, Nicolas Dupont-Aignan ou Emmanuel Macron en 2022. Ceux-là, face à l’aggravation de la situation en France, pourraient finalement franchir le Rubicon. Rejoindre Reconquête, c’est-à-dire le parti le plus à droite de France. Pari risqué mais à l’impossible, les hommes politiques sont tenus.
Après son échec à la présidentielle (7,07 %), l’ancien journaliste à la plume acérée vit sa traversée du désert. Une étape indispensable à tout destin politique et qui manque cruellement à Emmanuel Macron, jeune homme pressé auquel on a ouvert toutes les portes. Chacun mettra qui il voudra derrière ce « on ».
Revenons à Éric Zemmour. Pour les européennes, celui que les médias nomment « polémiste » a cordialement laissé la place à Marion Maréchal (Le Pen). Par peur de l’échec ? Certains le disent.
Raymond Aron ressurgit soudain
Sa vice-présidente, Marion Maréchal, a été très chaudement applaudie à la Journée des Conservateurs, le 13 octobre dernier. Cet événement organisé à Asnières-sur-Seine par Laurence Trochu, présidente du Mouvement conservateur, réunissait les grands noms de la droite légitimiste – pour reprendre la dénomination certes bien académique de Feu René Raymond – dont Jean-Frédéric Poisson, président de VIA – La Voie du Peuple. Marion Maréchal, invitée d’honneur, a notamment exhorté les Français à faire de nouveau des enfants : « Il n’y aura pas d’avenir, si l’hiver démographique européen ne se transforme pas en printemps de la vitalité ».
Ainsi, consciemment ou non reprenait-elle l’axiome de Raymond Aron. Lequel écrivait dans ses Mémoires : « Je ne découvre guère de raisons d’optimisme quand je regarde devant moi. Les Européens sont en train de se suicider par dénatalité. Les peuples dont les générations ne se reproduisent pas sont condamnés au vieillissement et, du même coup, guettés par un état d’esprit d’abdication, de « fin de siècle ». Quelle vision prophétique à l’heure où la decadentia semble s’emparer d’une Europe livrée presque toute entière à l’esprit d’abandon…
Aron n’avait qu’un tort : celui d’avoir raison trop tôt…
L’ombre de Raymond Aron plane de nouveau sur la France, alors que nous commémorons le quarantième anniversaire de la disparition du philosophe. Pour la gauche, le « spectateur engagé » est à oublier puisqu’elle préféra à l’époque « avoir tort avec Sartre que raison avec Aron ». Hier, une certaine gauche adulait Staline et Mao, aujourd’hui, ses héritiers refusent de condamner clairement les tueurs du Hamas… Au fond, rien ne change vraiment dans la petite camarilla des aveuglés.
Éric Zemmour a rendu pour sa part un bel hommage à Raymond Aron dans les colonnes du Figaro. « Il est conservateur car enraciné dans l’histoire et la culture de notre pays. Il était hanté par l’idée de la disparition de la France depuis la déroute de 1940. Il rappelait sans cesse aux nouvelles générations amnésiques que « l’Histoire est tragique » (et Dieu sait si je l’ai cité !) ». Décidément, nous le citerons encore.
Les perles de la politique

Raymond Aron, tantôt avec, tantôt contre de Gaulle · Raymond Aron s’est envolé pour Londres dès le 23 juin 1940. Loin de tout fanatisme, Aron demeura à bonne distance de la figure gaullienne, qu’il critiqua parfois avec véhémence dans La France Libre. Ce n’est qu’après la guerre qu’il rejoignit vraiment le Général, allant jusqu’à adhérer au RPF en 1947. Une aventure dans le champ politique dont il revint assez vite en qualifiant de « coup de chien » le retour au pouvoir du Général, en 1958. Dans De Gaulle, Israël et les Juifs (1968) Aron critiquera les positions gaulliennes lors de la conférence de presse où le Général qualifia le peuple israélien de « sûr de lui et dominateur ». Aron n’avait sans doute pas compris que dans la bouche du grand homme, ces deux mots relevaient plutôt du compliment !