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Il y a une élection dimanche. Mais pas de panique, vous n’êtes pas convoqué aux urnes. Les grands électeurs se mobilisent pour renouveler la moitié des membres de la Chambre haute.
Le Sénat est la clef de voûte des institutions. Face aux scandales de la présidence Macron, les sénateurs ont fait le choix de l’action, en convoquant des commissions d’enquête (Benalla, Covid-19, McKinsey, Alstom…). Au quotidien, les 348 incarnent la voix des territoires. Ils représentent les élus locaux, malmenés et spoliés par un pouvoir central aux abois. Sous la présidence pateline de Gérard Larcher, qui devrait être reconduit dans ses fonctions, les sénateurs incarnent la démocratie qui marche, jamais hargneuse, au service du bicamérisme.
178 sénateurs sur 348 jouent leur va-tout ce dimanche. Le Sénat est renouvelé de moitié tous les trois ans. Place cette fois aux départements d’Île-de-France, à certains départements d’Outre-Mer, à certains sièges dévolus aux Français de l’Étranger et plus largement, à tous les sièges des départements compris entre les chiffres 37 et 66. (Lire ici la carte).
Gérard Larcher est donc concerné. L’ancien vétérinaire de Rambouillet se présente pour un nouveau mandat dans ses chères Yvelines, où il sera assurément réélu, compte tenu de l’assiette électorale. Ce chasseur qui raffole du pâté de faisan au chablis ambitionne même le « grand chelem », à savoir, faire basculer à droite les 6 sièges du département.
La bataille de Paris passe par le Sénat
En Nouvelle-Calédonie, la ministre Sonia Backes (Citoyenneté) espère rafler la mise. Elle est la seule candidate de l’équipe Borne, qui prouve donc sa distance avec les territoires. Preuve en est, l’ancienne ministre Brigitte Bourguignon, pourtant battue aux législatives, est recyclée dans le Pas-de-Calais. Yannick Jadot, lassé des enjeux européens, est en bonne place sur la liste parisienne d’union de la gauche. Un tremplin vers les municipales, son rêve ? Il devra aussi composer avec le communiste de Montmartre, Ian Brossat, également candidat.
La droite parisienne n’est pas en reste : la sortante Catherine Dumas mène la liste « datiste », aux côtés du maire du XVIe arrondissement, Francis Szpiner et de l’élue du XIVe, Marie-Claire Carrère Guée. Déçue de n’avoir pas trouvé de place sur cette liste, l’eurodéputée LR Agnès Evren, proche de François Baroin, mènera une liste dissidente, comme d’ailleurs un autre sortant, le sarkozyste Pierre Charon. Le bon vivant emmène dans son sillage la joueuse de tennis Pauline Déroulède.
En Seine-Saint-Denis, la sœur de l’ancien ministre François de Rugy, Anne de Rugy, est candidate pour le compte des écologistes. Thérèse Thierry, cadette de Jean-Yves-Le-Drian, est candidate dans le Morbihan.
Le RN espère faire son retour
Autre enjeu du scrutin, l’arrivée des nouveaux partis dans l’hémicycle de la vénérable assemblée. D’abord, le RN, hier fort de deux élus. David Rachline, maire de Fréjus, fut contraint de renoncer au nom du cumul des mandats. Quant à Stéphane Ravier, leader de la droite nationale à Marseille, il a rallié le parti d’E. Zemmour. Marine Le Pen, qui tient à ancrer son parti dans les régions, surveille particulièrement ses protégés du Nord et du Pas-de-Calais. Joshua Hochart, conseiller municipal de Denain et proche de Sébastien Chenu, incarne l’espoir du parti dans le Nord.
LFI semble payer sa stratégie d’outrance. Peu présent localement, le parti devrait rester à la porte du Palais du Luxembourg… Dire que Jean-Luc Mélenchon fut autrefois un notable du Sénat, sous l’étiquette PS !
La majorité risque de perdre des plumes
La camarilla gouvernementale s’élance en ordre dispersé. Horizons, la formation philippiste, espère pouvoir constituer un groupe sous la présidence de l’ancien maire de Vichy, Claude Mahuret. Le MoDem ambitionne de conserver ses quelques élus, dispersés dans le groupe Union centriste, présidé par le sans-étiquette Hervé Marseille. Enfin, Renaissance échouera probablement. Dotée d’un groupe très minime, présidé par l’ancien socialiste François Patriat, la formation va certainement perdre des sièges et payer cash sa distance avec les régions rurales.
Notons que le Parti socialiste, deuxième groupe du Sénat, risque de subir une perte importante. Les duels fratricides sont légion. Dans le Nord, le président du groupe, Patrick Kanner, a décidé de trahir sa fidèle alliée, Martine Filleul, en l’éjectant de la liste socialiste. Celle-ci s’élance donc en indépendante. EELV peut remporter « 15 à 20 sièges » grâce à ses succès électoraux aux dernières municipales, dans les grandes villes. Le PCF joue le maintien dans ses fiefs de la « ceinture rouge » parisienne. Éric Boquet, figure du groupe et spécialiste de la lutte contre l’évasion fiscale, vise une réélection dans le Nord.
Gérard Larcher maître chez lui
LR, qui domine la Chambre haute, grâce à son alliance avec Union centriste, espère dépasser son seuil actuel de 145 sièges. Même si Bruno Retailleau, président du groupe, n’est pas directement concerné, puisque la Vendée n’est pas renouvelée dans cette élection, il soutient ses troupes et s’active dans un tour de France inédit.
Si l’enjeu des Sénatoriales n’est pas très hasardeux (on peut devenir les futurs équilibres en observant le résultat des municipales) il faut tout de même noter que les élus sont moins sensibles que jadis aux consignes des partis. Le scrutin est plus incertain qu’à l’habitude. Mais de notre point de vue pas de problème, c’est bien Gérard Larcher qui retournera au « Plateau », nom du fauteuil du président du Sénat.
Les perles de la politique

Président du Sénat : un rôle pivot dans les institutions · Si Gérard Larcher entre de nouveau au Petit Luxembourg, la résidence dévolue au président du Sénat, le deuxième personnage de l’État aura de nouveau la lourde responsabilité de suppléer au président de la République en cas de démission ou de décès. Rappelons que ce cas de figure s’est déjà présenté dans l’histoire de la Ve République, à l’occasion de la démission du Général de Gaulle (1969). L’atlantiste Alain Poher avait assuré l’intérim, échouant à se faire élire face à Georges Pompidou… Qu’il dût suppléer à son tour, lorsque celui-ci vint à mourir en 1974.