Temps de lecture estimé : 3 minutes

Édouard Philippe espère succéder à Emmanuel Macron. Et pour y parvenir, il doit se démarquer de son ancien chef.

On l’avait quitté « confineur général » d’une France happée par la pandémie. Désormais aux commandes du Havre, le président d’Horizons ambitionne de redescendre la Seine, pour gagner l’Élysée… Sérieusement imaginable ?

Comme dirait Coluche, c’est « l’histoire d’un mec ». Après avoir été numéro deux, il rêve de devenir numéro 1. Logique. Et pour devenir numéro 1, il explique à qui veut l’entendre qu’il fera ce qu’il n’a pas fait lorsqu’il était numéro 2. Est-ce bien clair ?

Alors, Édouard Philippe veut réduire les déficits. Édouard Philippe veut « rétablir l’ordre dans la rue ». Édouard Philippe veut réformer l’immigration et dénoncer les accords conclus avec l’Algérie en 1968. Édouard Philippe aimerait aussi baisser les impôts, peut-être porter l’âge de la retraite à 67 ans. Mais qui est donc cet homme à la politique de rupture, presque antagonique à celle d’Emmanuel Macron ?

Dire qu’il fut, dans une période très récente, notre Premier ministre ! Difficile donc de le considérer comme une oie blanche. Le voici confronté à l’éternel problème… Ces politiques qui bouillonnent d’idées lorsqu’ils sont en conquête et qui se retrouvent bien moins audacieux une fois au pouvoir.

Chouchou des médias

Dans la presse traditionnelle, Édouard Philippe jouit d’un a priori très favorable. Son positionnement de centre-droit, ses prises de position le plus souvent œcuméniques, son humour et son aspect sympathique, façon petite blague, lui confèrent la bienveillance des journalistes. Il est l’homme de droite que la gauche tolère. Dans un très récent sondage, réalisé par Viavoice pour Le Journal, nouveau média du social-démocrate Laurent Joffrin, il est le seul qui dépasse Marine Le Pen à l’item « compétence ». Il serait donc le choix idoine pour affronter la lionne du RN, dont les rugissements semblent convaincre de plus en plus de Français. CQFD !

Philippe président ? Drôle d’idée. Son profil ressemble à ceux de bien des présidentiables passés, qui furent les chouchous des médias, avant d’échouer finalement. Chaban-Delmas, Rocard, Barre, Balladur, Delors, Jospin, Strauss-Kahn… Et dernièrement : Alain Juppé. L’ancien maire de Bordeaux, maître à penser d’Édouard Philippe, fut présenté durant les cinq années du quinquennat Hollande comme « le seul à pouvoir battre Marine Le Pen ». De France Inter aux Inroks, même la presse de gauche semblait succomber à la prétendue « Juppé Mania ». Le peuple resta de marbre. Le temps médiatique, décidément, n’est pas la réalité politique.

Une épine dans le pied qui s’appelle Macron

Le maire du Havre peut-il convaincre les foules ? Difficile, affirme un sénateur pourtant proche de lui : « Édouard peut être élu… mais au suffrage censitaire ! ». D’ailleurs, on ne peut pas dire que le fondateur d’Horizons soit particulièrement aidé en haut lieu. Emmanuel Macron a semble-t-il juré ses grands dieux d’éloigner son ancien Premier ministre de l’Élysée. Sa hantise ? Qu’il lui succède. Ludovic Vigogne, journaliste à L’Opinion et auteur des Sans jours (Bouquins éditions) le rappelle : « Il y a une véritable détestation entre eux ».

Emmanuel Macron, particulièrement jaloux de ses prérogatives, n’a jamais supporté la lumière prise par son ancien Premier ministre, au cœur de la crise sanitaire. Il l’a d’ailleurs remercié aussitôt après ; décidé à ne laisser aucun espace à un concurrent potentiel. Comme Diogène dit à Alexandre : « Ôte-toi de mon soleil ! ».

Un Havre de paix ?

Édouard Philippe s’est donc retrouvé en exil au Havre, face au grand large et aux embruns. Dans la ville rebâtie par Auguste Perret, il joue les capitaines. L’homme, qui vient de raser sa barbe blanche, lance d’ailleurs : « Mes tripes ont un goût d’eau salée ». Bizarre ! Au stade Océan, ce 2 juin au soir, il fêtait la remontée du club local en Ligue 1. Voix éraillée, sourire aux lèvres, il baignait dans la joie. Suffisant pour se rapprocher d’un peuple qui l’ignore ?

Édouard Philippe voudrait donner à sa chère cité, fondée par François Ier, un meilleur rayonnement. Il est en passe d’y parvenir, le regard sur Le Havre a changé. L’ancienne cité communiste, où la CGT régnait sans partage, est désormais le repère des créatifs et des télétravailleurs… L’architecture bétonnée, tellement particulière, fait recette. Le laid est devenu le beau. Ainsi vont les époques.

Jacques Attali l’a beaucoup dit : « Le Havre aurait pu devenir la capitale de la France. Notre pays aurait dû placer sa capitale dans un port ». Attention à ne pas fâcher Anne Hidalgo, alliée de circonstance d’Édouard Philippe. Avec l’édile capitale et le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, ils forment l’alliance des villes pour la Seine. De bons rapports avec Hidalgo ? Un retour aux sources pour Édouard Philippe, qui fut dans sa jeunesse le compagnon de route du PS. Il était alors fasciné par la figure de Michel Rocard… Après tout, Jacques Chirac vendait bien L’Humanité-Dimanche à l’âge de vingt ans, place Saint-Sulpice !


Les Indiscrets d’ERB

Aux Européennes, Houellebecq votera Philippot • Michel Houellebecq aime le scandale. Pour le pire, le meilleur, ou un peu des deux. Dans son dernier ouvrage, Quelques mois dans ma vie (Flammarion), l’auteur flapi revient sur la guerre en Ukraine. « C’est plus ou moins un problème interne à l’ex-URSS. Je ne crois pas qu’on redécouvre un danger. Après une petite pause Trump, on redécouvre le plaisir des Américains à déclencher des guerres, et plus encore à les financer sans les faire directement. » Aux Européennes ? Le romancier votera pour Florian Philippot. « Il représente mon courant de pensée », assure l’écrivain. Bonne nouvelle pour le leader des Patriotes, qui agite Paris chaque samedi, avec sa bande de rebelles.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

J’accepte les conditions et la politique de confidentialité

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.