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Bruno Le Maire s’occupe de la promotion de son dernier livre et du statut des « influenceurs » du Web. Pendant ce temps, la dette rôde…
Notre dette s’enflamme et nous regardons ailleurs. Bruno Le Maire peut-il vraiment inverser la vapeur de la dépense publique comme il le proclame depuis plus de six ans ?
Bruno Le Maire écrit des livres. Tant mieux, non ? Il est assez sain qu’un ministre ait une vie intérieure, surtout dans un pays comme la France, où les idées et la plume tiennent un rôle de premier plan. Ceux qui s’en indignent façon « Ah bon ! Il a le temps d’écrire des livres ! » feraient peut-être mieux d’en ouvrir un de temps en temps. Dans Fugue américaine, Bruno Le Maire retrace la vie de Vladimir Horowitz, grand pianiste du XXe siècle. Ce ministre très sensible aux égards n’est sans doute pas peu fier de voir son nom enfin inscrit sur la page de couverture de la prestigieuse collection Blanche de Gallimard.
Que vaut l’ouvrage ? Il n’est pas trop mal pour l’époque. Rien de déshonorant malgré des scories. Notamment une manie de répéter sans cesse le nom des personnages ou encore des descriptions lascives et lassantes, pleines de clichés, de villes comme La Havane ou Berlin. La fameuse page érotique, qui circule beaucoup sur les réseaux sociaux, est totalement ratée et même vulgaire. Bruno Le Maire rejoint en tous cas Marlène Schiappa dans le genre littéro-érotique au gouvernement. Celle qui fait la Une de Playboy est également l’auteur, sous pseudonyme, d’ouvrages comme Sexe, mensonges et banlieues chaudes ou encore le sémillant Osez… l’amour des rondes décliné en série. Voir Osez… les sexfriends ou, dans un genre plus froid, Osez… réussir votre divorce. Tout un programme.
La République des CERFA
Bruno Le Maire est surtout le ministre de l’Économie et des Finances. Pour flatter un peu son ego, Emmanuel Macron a eu la gentillesse d’ajouter, en mai 2022, la « souveraineté industrielle et numérique » à sa carte de visite. Puisque le ministre aime la littérature, conseillons-lui de relire Kafka, auteur qu’il aime paraît-il beaucoup. Dans les couloirs de Bercy, où dansent les parapheurs et les CERFA, il ne doit pas être dépaysé et retrouver l’atmosphère absurde et terrifiante du Château.
Le génie torturé de la littérature tchèque, qui a vécu les folies de l’administration rouge, semble écrire au présent et pour la France. Quelques citations : « On cite au village un proverbe que tu connais peut-être déjà : les décisions de l’administration sont timides comme des jouvencelles. » ; « La plupart des fonctionnaires sont comme absents en public. » ; « C’est ainsi que les gens travaillent à leur propre confusion. »
Bruno Le Maire aurait-il fait de Kafka l’inspirateur secret de sa politique économique ? Après avoir été l’homme du koikilenkoûte et de la politique des chèques, Docteur Bruno & Mister Le Maire entend désormais incarner le sérieux budgétaire… Récemment, il a envoyé, sous l’égide d’Élisabeth Borne, un courrier aux airs de problème mathématique à ses collègues du gouvernement. « Si votre budget venait à être réduit de 5 %, quelles coupes feriez-vous ? ». Tout est dans le « Si ».
En 2017, il prônait la rupture
Lorsqu’il se présenta en 2017, à la primaire de la droite et du centre, « BLM » promit alors le grand soir économique. Son programme mêlait la privatisation partielle de Pôle emploi, la lutte contre « l’assistanat », le RSA plafonné à 60 % du Smic… Un programme de « 1 000 mesures », avec à la clef 80 milliards d’économie. Un remède de cheval ! Document fort instructif, avec le recul. Délicieux aussi d’exhumer ce qu’il disait d’Emmanuel Macron à l’époque, toujours en 2017. « Emmanuel Macron est l’homme sans projet parce que c’est l’homme sans convictions », déclarait-il sèchement au micro d’Europe 1. Comme le temps passe en politique !
Le natif de Neuilly-sur-Seine tient la barque de Bercy depuis six ans. S’il est parvenu à durer, ce qui en politique n’est pas rien, on ne peut pas vraiment dire que sa politique économique soit « l’éternel soleil » qu’il vantait dans un autre ouvrage, paru en 2021. Plus 685,2 milliards d’euros pour la dette publique depuis sa prise de fonction. Un déficit commercial qui atteint 164 milliards d’euros (c’était 62,3 milliards en 2017). Seul l’emploi, qui ne dépend pas directement de son champ de compétence, est au beau fixe.
L’urgence est là
Citons le docte François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes, interrogé par Le Point : « La France a accusé le quatrième plus grand déficit de la zone euro en 2022, elle est au premier rang européen de la dépense publique et des prélèvements obligatoires, et son niveau d’endettement la met dans le groupe des mauvais élèves, avec la Grèce et l’Italie. »
Constat peu reluisant qui confine à l’urgence. Et pourtant, sur ces sujets de dépense publique, le gouvernement semble rechigner. Après avoir mené cette réforme des retraites « non-essentielle » et vraiment maladroite, l’équipe Borne semble vouloir temporiser. Il est urgent d’attendre… et surtout de communiquer. Que diable, est-il si difficile de baisser les dépenses de l’État en France ? Ne pas le faire aujourd’hui serait se contraindre à le faire demain, sous la pression des marchés. Voire un jour, si nous laissons faire, des hommes en gris du FMI !
Bruno Le Maire, bon élève que Nicolas Sarkozy surnomme « bac + 18 », n’a pas semblé inquiet de la dégradation de la note de la France par l’agence Fitch. Celui qui indique d’un côté « être à l’euro près » semble se laisser gagner, en vérité, par la procrastination.
Les prophètes de malheur, comme Agnès Verdier-Molinié ou Charles Gave, hurlent en vain dans le désert des finances publiques. Puisque Les Trois Mousquetaires reviennent au cinéma, citons le bon roi Louis XIII, qui avait tout compris : « C’est une chose étrange que la légèreté des Français…. ».
Les Indiscrets d’ERB
Clotilde Valter : la très politique meilleure amie de Borne • Clotilde Valter, ancienne ministre. Comment, vous ne vous souvenez pas de la « Secrétaire d’État chargée de la Réforme de l’État et de la Simplification » du gouvernement Valls-Hollande ? Celle qui est aujourd’hui vice-présidente de la communauté d’agglomération Lisieux Normandie est également connue comme la meilleure amie de « La Première ». Elles se sont rencontrées au ministère de l’Éducation nationale, au cabinet de Lionel Jospin. L’intéressée raconte une Élisabeth Borne déjà accrochée à ses dossiers… La meilleure amie se confie à L’Obs : « Je me souviens, en octobre 1992, un vendredi soir… Elle était très enceinte. Je l’ai virée de son bureau et le soir même, elle accouchait de Nathan ! Dix jours après, elle était de retour ! ». Borne to be wild…