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« La tortue » est à la mode. Incarnée à l’écran par Catherine Deneuve (rien que ça !) dans la charmante comédie de Léa Domenach, Bernadette Chirac incarne une France qui nous faisait tant rêver…
Tour à tour revêche et serviable, timide et ambitieuse, vieille France et culottée, Bernadette Chirac parvint à incarner de façon remarquable, comme aucune autre, le rôle d’épouse du chef de l’État. Cette militante gaulliste représenta un indéniable atout pour notre nation.
« Elles sont passées où vos bonnes manières ? Avec les socialistes ? ». Oh, certes, Bernadette Chirac était une femme exigeante, souvent stricte. Elle n’était pas « facile à traire » comme on dit vulgairement dans les campagnes. Dans la comédie de Léa Domenach (très librement inspirée de faits réels) la « première Dame » (sic) préférée des Français est dépeinte en potiche qui s’émancipe, passant du boudoir aux boîtes de nuit du Marais, lorsqu’elle s’affiche au bras du chanteur des « 2Be3 » – qu’elle prononce « deux B trois ». Loin, bien loin de la réalité…
Une conseillère politique autrement plus douée que McKinsey
Potiche ? Elle ne le fut jamais. Si elle cultiva toujours son image de grande dame, Bernadette Chirac fut dès le départ la plus proche conseillère politique de son mari. Loin donc d’une ménagère. C’est elle qui écarta, dans les années 1970, les visiteurs du soir Pierre Juillet et Marie-France Garaud. Certainement pas ce qu’elle a fait de mieux, d’ailleurs… En 1988, lorsque « Jacques » perd face à François Mitterrand, elle lance à ceux qui viennent la visiter : « Que voulez-vous, les Français n’aiment pas mon mari ! ».
Une fois au pouvoir, Jacques Chirac se mordra les doigts de ne pas avoir écouté les conseils de « Maman ». En 1997, elle est la seule à s’alarmer de la dissolution décidée par Jacques Chirac sur les conseils de Dominique de Villepin ; qu’elle surnomme « Néron ». En plein dans le mille : le RPR, annoncé vainqueur, perd dans les grandes largeurs face au PS de Jospin. Rebelote en 2002, lorsqu’elle pressent avant tout le monde l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour. Mise de côté durant le premier septennat de son mari – car jugée trop « ringarde » – elle fut appelée à jouer les premiers rôles lors du second mandat.
« Jacques » et la Corrèze : ses deux amours…
Alors, Bernadette était-elle une pythie, une Madame Soleil ? Certainement pas. Mais elle avait un atout : le terrain. Conseillère générale du canton de Corrèze (en… Corrèze) elle était en prise directe avec le pays réel. Un jour à l’Élysée, un jour à Sarran. Voilà qui lui offrait un double-regard unique, capable de réconcilier la France d’en haut avec celle d’en bas. L’élue locale le confia un jour : le plus beau jour de sa vie n’était pas son mariage, mais son entrée au Conseil général, à Tulle. Elle aimait tant la Corrèze qu’elle y fit même venir Hillary Clinton, esbaudie du spectacle de la France rurale. So amazing !
Les époux Chirac se vouvoyaient. Une tradition chez les Chodron de Courcel, la famille de Bernadette. Il n’était pas question d’y déroger. Un jour, à l’occasion d’un reportage réalisé sur son épouse, le président Chirac se confiait : « Ma femme a toutes sortes de qualités que je reconnais, mais elle prend le temps nécessaire pour faire les choses… Elle est plutôt non pas lente mais… réfléchie… La tortue est un animal familier, sympathique, chaleureux, ça n’a rien de désobligeant d’être comparée à une tortue car elle a gagné par rapport au lièvre… ».
Les perles de la politique
Madâme, la face cachée de Bernie · En marge de la diffusion de « Bernadette », réapparaît sur les écrans de YouTube un documentaire politique assez bizarre, intitulé « Madâme ». Une enquête cette fois bien réelle sur Bernadette Chirac, son pouvoir et son influence… Le journaliste belge John Paul Lepers avait suivi l’étonnant personnage dans les années 2004-2005. On peut l’y voir aux trousses de celle qui était alors, d’une certaine manière, une « Reine républicaine ». Lepers pourchasse la Présidente lors de ses déplacements pour les Pièces Jaunes, ses visites aux malades dans les hôpitaux, les fêtes à l’Élysée… Honnêtement, le journaliste, à la recherche de révélations et de scandales qui n’existent pas, joue trop à la mouche du coche et en devient pénible… Lassée d’un pareil suiveur, un jour en Bourgogne, Bernadette Chirac agrippe d’un geste sec la perche de l’ingénieur du son. D’un regard noir, elle lance : « Trop c’est trop ! ». Ah ça, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds. Bravo Bernie !