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L’étonnant retour en librairie d’une victime expiatoire du macronisme ouvre la boîte de pandore.

Bouc-émissaire de la crise ? Agnès Buzyn a été jetée dans la fosse aux lions. L’ancienne ministre de la Santé vit désormais sous protection policière, proie potentielle des justiciers amateurs qui cherchent à châtier les coupables de la période covid-19. Pourtant, elle a alerté. Sans doute la première. En vain.

Face à elle, comme seule réponse, la morgue de Macron, le mépris de Philippe. La publication de son Journal (Flammarion) éclairera sans doute bien des Français. Derrière la scientifique, c’est bien Agnès qui se dévoile aux yeux du lecteur. Une femme dévouée à l’intérêt général mais prisonnière de ses doutes, peu rompue à l’exercice politique.

« L’Europe est en PLS. Bonne journée »

11 janvier 2020. Agnès tremble, craintive. Elle écrit au Premier ministre : « Bonjour Édouard […] Je me permets de t’alerter sur une épidémie à Wuhan en Chine qui sévit depuis quinze jours et vient de faire un premier mort. Il s’agit d’un nouveau virus de la famille des coronavirus […]. Pour l’instant il n’y a pas de transmission interhumaine évidente. On suspecte le laboratoire P4 de Wuhan de manipuler les virus […] Bref, nous prenons des dispositions dans les aéroports pour les vols directs de Wuhan avec des pratiques de détection de la fièvre. Les ARS sont prévenues. Je suis cela de très près. Bonne journée ».

Réponse évasive de l’homme à la barbe encore noire : « OK merci, te tiens au courant sur les dernières discussions qui avancent bien. » Le 31 janvier, alors que le Premier ministre ne pense qu’à son retour au Havre à l’occasion de la campagne municipale, elle renchérit : « L’Europe est en PLS. Bonne journée ». Le même jour, alors que des patients infectés atterrissent sur une base marseillaise, elle s’inquiète face aux agissements du docteur Raoult. Philippe est une fois de plus le destinataire de son alerte rouge.

« Au PM 13 h 06 : « Bien arrivés. Armée au top pour l’accueil sur la base d’Istres. Beaucoup d’enfants. Très émouvant. Et le dingue de Marseille est bloqué comme attendu par les gendarmes à l’entrée du centre, prêt à sauter sur nos compatriotes avec ses seringues… et ce n’est pas une blague !!!

PM : Il est vraiment fondu ton pote.

Moi : J’avais prévenu… il est en train de se répandre dans la presse… »

« Surtout, ne répondre à personne »

14 février. Saint-Valentin. Benjamin Griveaux, candidat LREM aux municipales à Paris, met fin à sa vie politique. Une ancienne maîtresse a dévoilé des photos de son sexe en érection sur Internet. « Quand je sors de la matinale, Benjamin Griveaux est en train de donner une conférence de presse sur tous les écrans de télé. Je reste interdite. Il annonce se retirer de la campagne parisienne pour une histoire de vidéo « inappropriée » qui circulerait… Je sens venir le point de bascule… En entendant vibrer et sonner mon téléphone, je comprends que les regards vont converger vers moi. On cherche un désigné volontaire pour reprendre le flambeau. Surtout ne répondre à personne (…) ».

Agnès se doute qu’on va se tourner vers elle. Emmanuel Macron et Édouard Philippe comptent bien l’exfiltrer du gouvernement. Elle est la vilaine petite cane qui alerte sur un virus que personne ne veut voir. L’oiseau de mauvais augure, devenu gênant sur la photo. Qui veut tuer son chien l’accuse d’avoir la rage… Dans les bureaux de Matignon, certains la traitent de « folle », estimant avec sexisme qu’elle manque de sang-froid et cède à la panique – risquant de faire perdre à la France de précieux points de croissance avec son discours « alarmiste ».

Alors, Agnès cède à l’hubris et se lance dans la course pour Paris. Aujourd’hui, elle s’en blâme : « Quitter le ministère fut la plus grande erreur de ma vie. » Elle contacte Macron, chancelante et apeurée : « Monsieur le PR, je n’ai pas définitivement dit oui. Je dois parler à mon mari et à mes enfants avant une réponse définitive. Je vous appelle demain matin. Désolée si je me suis mal exprimée. C’est forcément une aventure familiale. Bien à vous. » PR 18 h 52 : « Chère Agnès, tout est suspendu à notre conversation de demain oui bien sûr. Mais je cale tout là-dessus. Amitiés. »

« Je continue de vous demander de tout arrêter »

Sur ces entrefaites, Bayrou l’appelle pour la soutenir, lui propose de « caler » un 20 heures. « J’ai les yeux rouges. La voix qui tremble. Je ne sais pas quoi dire », déclare cette candidate contre son gré, en sanglots dans son bureau vide du ministère. Agnès passera les pouvoirs dans quelques heures à Olivier Véran, pire ministre de la Santé de l’histoire de la République. Un squale aux dents longues qu’elle décrit comme « très pressé de lui succéder ».

Désormais candidate, la soignante de toujours s’élance dans une campagne lunaire, à laquelle elle ne croit pas une seconde. Elle va échouer dans les urnes, peu importe. Ce qui la scotche, ce sont les courbes épidémiques qui s’échauffent. 13 mars, soir du premier tour : « Moi au PR à 23 h 50 : Monsieur le Président, fin de campagne ce soir sur les chapeaux de roues… Comme candidate, je ne peux que vous remercier d’avoir maintenu le premier tour (je ne m’avancerai pas sur le second vu la situation). Comme femme politique, je comprends que vous n’aviez pas le choix avec l’opposition et Larcher qui soit ne veulent pas voir la réalité, soit sont prêts à tout pour polémiquer. Comme médecin, et ex-ministre, vous connaissez mon sentiment depuis des semaines et je continue de vous demander de tout arrêter comme en Italie, le plus vite possible. »

« Édouard, derrière vos décisions, ce sont des gens qui vont mourir »

Le 16 mars, Emmanuel Macron annonce à la télévision une sorte de confinement qui ne dit pas son nom. Trop tard : les morts affluent. Buzyn craque, elle cible Philippe par texto. « Moi au PM à 21 h 20 : Te voir en photo sur Instagram avec Delfraissy me rend dingue. Je comprends mieux vos décisions. Je lui écris ce que je pense du président de son conseil scientifique en des mots choisis, notamment pour son goût pour le mélange des genres et son appétence pour les plateaux de télévision. »

Agnès se fait Cassandre : « Édouard, vous êtes en dehors de la plaque, complètement, et si tu as encore confiance en moi, prenez une décision de confinement car nous avons quinze jours de retard. Et je ne perds pas mes nerfs, je suis lucide depuis des semaines et derrière vos décisions ce sont des gens qui vont mourir. Le discours du PR ce soir est incohérent. Personne n’a rien compris et les gens vont continuer à aller travailler ! J’en ai plein autour de moi. Et arrêtez de faire confiance à ces scientifiques, faites de la politique et prenez vos responsabilités. Et je t’embrasse. »


Les perles de la politique

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Sénat : Larcher savoure sa victoire · Dimanche 24 septembre, le résultat des sénatoriales dévoilait une Chambre haute maintenue à droite. Le vieux monde a battu l’ancien. La sauce gribiche a triomphé de la « start-up nation ». Le bon vieux Gérard a battu ce jeune Emmanuel, arrogant et persifleur, qui en privé l’appelle  gentiment « le gros con » (Libération). Gérard Larcher, deuxième personnage de l’État, a été brillamment réélu dans ses chères Yvelines. Oui, Gérard Larcher retrouvera assurément sa place au Plateau, la présidence du Sénat. Dans Paris Match, notre consœur Laurence Ferrari dresse un tableau louangeur – et juste – de ce personnage très français, qui réconcilie la politique et le territoire, garant des traditions et des libertés locales. « Et si c’était lui ? », s’interroge l’ancienne présentatrice de TF1 20 Heures… Larcher, candidat naturel des Républicains pour conquérir l’Élysée ? L’idée tient de la trouvaille.

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