Profession vélotypiste !

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Je tape les discours et les sous-titres en temps réel…

Vélotypie, écrire à la vitesse de la parole. Bien plus accessible que la langue des signes, la vélotypie a sans doute entamé son ère de gloire en pleine crise sanitaire.

Souvenez-vous des allocutions du Président de la République Emmanuel Macron, moment durant lequel vous étiez sans doute davantage focalisé·e sur le sous-titrage éclair des propos du chef de l’État que sur l’écoute du discours en lui-même ! À guetter les corrections et les raccourcis ! Vous avez aussi sans doute ri des fautes d’orthographe en direct et des hésitations lors du sous-titrage. Interdit de rire. Derrière, des vélotypistes qui n’ont pas le droit à l’erreur et tentent de retranscrire le plus fidèlement possible un discours, présidentiel ou pas. Analyse d’un métier encore méconnu jusqu’alors, mais promis à de hautes destinées. Éclairage prodigué avec Sylvia Costy, vélotypiste chez Voxa Direct.

Les vélotypistes en auraient presque oublié les traditionnels claviers Azerty – ou Qwerty, c’est selon – au profit de ce qui semble devenu leur plus fidèle allié : le clavier vélotype. Beaucoup plus rapide. Beaucoup plus pratique donc : possible d’appuyer sur plusieurs touches à la fois grâce aux lettres positionnées de façon symétrique. Il suffit parfois d’une frappe sur le clavier pour écrire une syllabe, voire un mot entier, là où vous n’avez d’autres choix « que de taper lettre par lettre sur un clavier traditionnel », explique Sylvia Costy, vélotypiste depuis… vingt ans. On doit l’invention du clavier en question à une société néerlandaise fondée par Nico Berkelmans et Marius Den Outer. En France, l’essor de la vélotypie a pris une tournure sans précédent en 2005, année marquée par l’adoption de la loi pour « l’égalité des droits et des chances, pour la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Les demandes de sous-titrages ont alors explosé. Les vélotypistes s’adressent avant tout aux « huit millions de personnes sourdes et malentendantes présentes en France », chiffre Sylvia, car toutes ne « maîtrisent pas nécessairement la langue des signes ». Potentiel de la vélotypie, les conférences, les meetings, les réunions…

Aucune formation requise… mais des qualités attendues

La crise sanitaire et les régulières allocutions présidentielles qui l’ont accompagnée ont mis en lumière la pratique de la vélotypie, littéralement « tape rapide ». De quoi susciter des vocations. Qui seraient les bienvenues tant les vélotypistes se comptent sur les doigts d’une main en France, allez de deux mains, et Dieu sait si les dix doigts comptent… « Une dizaine de vélotypistes exercent dans le pays, c’est un marché de niche », avance Sylvia Costy, gérante de Voxa Direct. Une formation exigeante alors ? Non, pas de formation du tout. Du moins, pas encore : « On cherche des partenaires pour trouver des financements et ainsi créer une formation, car il n’en existe aucune à l’heure actuelle », regrette Costy. Il n’existe pas non plus, dit-elle, « d’études standard pour travailler en tant que vélotypiste ».

Pas de formation certes, des qualités indispensables malgré tout. Pour se lancer dans le secteur, mieux vaut très bien maîtriser la langue française, savoir synthétiser, analyser, être doté·e d’une bonne mémorisation et surtout disposer d’une excellente culture générale pour s’imprégner de discours relatifs à des sujets multiples. Sans oublier l’exigence d’être capable de gérer son stress, jamais simple de parvenir à retranscrire – de manière fidèle – les propos d’autrui… d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une personnalité publique de renom. Pour ce faire, « des tests sont organisés par Pôle emploi pour juger les profils des candidat·es et mesurer s’ils·elles se révèlent aptes à devenir vélotypiste », révèle notre championne de la frappe. 

Un métier de carrière

« Bien plus dans l’ombre que le·la chanteur·euse qui entre sur scène pour donner un concert… et pourtant le même stress », estime Sylvia Costy pour qualifier l’avant retranscription. Car tout se passe en direct. Pas vraiment le droit à l’erreur non plus. C’est pourquoi il arrive que les vélotypistes perdent pied (ou main, plutôt) : « Les imprévus peuvent arriver, honnêtement quand ça arrive, ma collègue à côté est là pour reprendre le fil, mais il n’y a pas toujours quelqu’un. Parfois, nous sommes confronté·es à des élocutions plus ou moins audibles, ça rend la chose difficile », avoue la vélotygraphe. 

S’il y a bien un métier qui s’apprend sur le tas et pour lequel on devient de plus en plus à l’aise avec l’expérience, c’est celui-là. Plus on pratique, plus on acquiert d’assurance. On ne s’improvise pas vélotypiste : « Une personne m’a contactée pour faire de la vélotypie en complément d’autre chose, j’ai refusé. C’est un métier à part entière. Si vous ne le pratiquez pas régulièrement, vous perdez en compétence, c’est comme un instrument de musique, vous deviendrez performant·e au bout d’un mois ou deux, mais réellement compétent·e après 12 à 18 mois environ », argumente Sylvia Costy. Elle-même a appris le métier sur le tas. Bref, si vous cumulez les qualités énumérées supra, si vous cherchez un temps plein, si transcrire la parole d’un·e président·e ou d’un·e conférencier·ère ne vous donne pas un trop gros trac, il est peut-être l’heure de vous convertir au clavier bien tempéré…

Geoffrey Wetzel

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