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Les syndicats tiennent tête au gouvernement. Jusqu’à parvenir à le faire reculer ?

On les croyait à l’agonie. Face au « nouveau monde », les syndicats apparaissaient vieillis, usés, fatigués. La crise des retraites, conjuguée à la mauvaise tactique du gouvernement, est venue les replacer au centre du jeu, dans l’union, capables de fédérer les foules derrière leurs revendications. Méfiance tout de même : cela pourrait ne pas durer…

C’est leur dernier combat. Ils rêvent d’un bouquet final. Laurent Berger comme Philippe Martinez lâcheront la rampe dans les prochains mois. Pour le chef de la CGT, ce sera fin mars à Clermont-Ferrand. Il rêve de voir lui succéder une femme, Marie Buisson, ce qui serait une première pour la centrale. Quant au patron de la CFDT, l’adieu se fera en juin, à Lyon. Longtemps en bisbille, les deux hommes se sont rapprochés au fil du temps pour faire de leurs différences une force. Semblables à Laurel et Hardy, ils incarnent un duo qui répond à la vieille méthode du « gentil flic / méchant flic ». Martinez est dans la contestation, le rapport de force, la lutte. Berger préfère négocier, tenter la synthèse, le pragmatisme. Éternel dilemme de l’action publique, qui doit trancher entre l’idéal et le réel. Le souhaitable et le possible. L’un a sans cesse besoin de l’autre.

Les Laurel et Hardy de l’action syndicale

Mardi 31 janvier, pour le deuxième jour de mobilisation contre la réforme des retraites, les deux hommes peuvent savourer leur victoire. Quelle victoire ? Non pas celle du retrait du texte, du moins pour l’heure, mais celle de la remobilisation du peuple de gauche. On disait les Français fatigués par des mois de crises, peu enclins à se mobiliser et à s’intéresser à la chose publique, ne croyant plus guère aux vertus de l’action collective. Et patatras. Le gouvernement, qui avait parié sur l’essoufflement démocratique, s’est fait surprendre. Face à lui, il trouve un front uni. Le tout dans un pacifisme absolu : les « blacks blocks » ne sont pas de la fête. La grosse ficelle utilisée par le ministre de l’Intérieur, qui s’est plaint d’une « bordélisation du pays », a fait long feu.

Place d’Italie à Paris, non loin de la statue dédiée au Général Juin, entre les merguez et les fumigènes, Anne Hidalgo s’est exprimée bras dessus, bras dessous avec Fabien Roussel. Il y avait même son nouvel ennemi, Olivier Faure. La maire de Paris, dans un geste d’autorité certes contestable, a annoncé qu’elle fermait l’Hôtel-de-Ville « par mesure de solidarité avec le mouvement social ». L’ancienne inspectrice du travail, qui fut formée à l’école CFDT, est devenue le principal relais politique de l’action syndicale. Quitte à mettre au service du mouvement les considérables moyens de la première ville de France, en illégalité avec le principe de neutralité du service public ?

Elle lance : « Quelle belle journée de mobilisation à l’appel des organisations syndicales à Paris et partout en France. Nouvelle preuve que les Français sont largement opposés à cette régression sociale si injuste. Le gouvernement doit désormais y renoncer. Restons mobilisés. Ne lâchons rien ! ».

« Il faut savoir arrêter une grève » …

La fameuse phrase de Maurice Thorez reste une référence. Même si on oublie toujours de la citer dans son entier, de la replacer dans son contexte. L’ancien patron du mouvement communiste (alors stalinien) déclara réellement : « Il faut savoir terminer une grève dès que la satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées mais que l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications ».

Les syndicats doivent en effet se méfier. Trop de grèves pourraient finir par altérer le soutien populaire, échaudé par la galère. Et puis il faut veiller à ne pas entamer le pouvoir d’achat des contestataires, déjà très miné par l’inflation… Ainsi, la méthode d’une journée par semaine (grève perlée) permet de maintenir une pression, de lisser l’effort, bref, de tenir plus longtemps. Mais jusqu’à quand ?

De l’autre côté, le gouvernement ne veut rien abandonner. Élisabeth Borne sera l’invitée de France 2 ce jeudi 2 février pour défendre sa réforme face à la pugnace Caroline Roux. Que faire au cours de cette émission ? Soit « la Première » se contente de défendre mordicus sa réforme et il ne se passera rien ; soit celle-ci se décide à faire des annonces… Tenter quelque chose. Quelle méthode retenir ? Une chose est certaine : en politique, quand on ne sait pas bouger, on devient vite une cible. Et Matignon reste un bail précaire. Alain Juppé s’en souvient.

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