Futur Inc.

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A quoi ressemblera l’entreprise dans 10, 15 ou 20 ans ? Tour d’horizon des évolutions à prévoir dans le management, l’innovation, la production et la distribution.

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Le numérique bouleverse les modes de travail ; le développement durable s’invite dans les stratégies d’entreprise ; entre vieillissement, chômage de masse et montée des indépendants, les évolutions sociales et culturelles s’accélèrent ; les frontières s’estompent toujours plus dans un monde multipolaire. Prise au milieu de tendances qu’elle peine à maîtriser, l’entreprise cherche son chemin. Voici quelques unes des pistes qui se présentent à elle. En voiture Marty.

Un management à repenser

« Actuellement, nous sommes dans l’injonction paradoxale, analyse Florence Osty, co-directrice de l’Executive Master Sociologie de l’entreprise et stratégie de changement à Sciences-Po Paris. Demander aux salariés e maîtriser des coûts, des délais, des process, de respecter les règles et les normes, et dans le même temps, de savoir faire face au fortuit et à l’imprévu. » Un management schizophrène qui « produit l’effet inverse de celui escompté : des employés qui s’inquiètent plus de leur manière d’agir que du résultat final », regrette François Dupuy, sociologue des organisations et directeur académique du Centre européen d’éducation permanente (Cedep). Autre conséquence : une souffrance au travail qui explose côté salariés. La solution ? Poursuivre le mouvement amorcé vers la « firme flexible », marqué notamment par un recentrage sur l’humain. Facile à dire, moins à mettre en place. Plusieurs pistes sont d’ores et déjà avancées. « Prôner une politique de reconnaissance non-monétaire au travail », plaide Anne Verron, sociologue 2.0, consultante RH et partisane du concept d’économie positive. Remettre en scène les fonctions de management, souvent réduites à un rôle de remontée d’information, dans de vrais costumes de décisionnaires et d’arbitres. « Et rendre aux services ressources humaines la dimension stratégique qui leur revient, au lieu de les cantonner dans des tâches purement techniques et juridiques », exhorte Florence Osty. Enfin, pour nombre de spécialistes, cette ré-implication des salariés ne pourra passer que par l’émergence de valeurs et de sens, connues et partagées par tous au sein de l’entreprise. Des mots ? Peut-être, mais qui semblent faire gravement défaut à l’heure où beaucoup ne savent plus « pourquoi ils se lèvent le matin ».

Priorité à l’innovation

La guerre économique n’a jamais aussi bien porté son nom. Et dans celle-ci, l’arme de destruction massive se nomme l’innovation. Malheureusement, là encore, les sociétés françaises se heurtent à leurs contradictions. « Elles veulent contrôler au maximum leurs salariés, et en même temps, souhaiteraient qu’ils développent une pensée « out of the box ». C’est impossible. Il est urgent de libérer les employés », affirme François Dupuy. Mais un nouveau paradigme managérial, ici, ne suffit pas. C’est surtout l’inscription dans le temps de la stratégie d’entreprise qu’il faut revoir. Car qui dit innovation, dit pari sur l’avenir. Or, aujourd’hui, crise oblige, ce sont les logiques court-termistes et financières qui priment. « On peut donc mettre en place des tactiques, mais pas de stratégie, analyse Florence Osty. Il importe de redonner la place au moyen-long terme. » Pour passer au dessus de ces freins, les nouvelles technologies ouvrent une brèche : les communautés virtuelles. « Elles permettent de faire travailler ensemble des gens partout dans le monde très rapidement, et peuvent se dissoudre une fois la mission accomplie, explique François Dupuy. Et surtout, elles passent au-dessus des hiérarchies et des territoires. » Encore un mode de fonctionnement exceptionnel qui, s’il devenait la règle, devrait favoriser l’émergence d’idées neuves en entreprise.

Magasins high-tech

Dans le monde de la distribution aussi, un Big Bang se prépare. En 2010, le cabinet de conseil en innovation PFSK publiait une étude où il recensait les évolutions prévisibles dans la décennie à venir. Sous l’effet d’Internet, des réseaux sociaux et des terminaux mobiles, l’expérience client en magasin n’aura plus rien à voir avec ce qu’elle est aujourd’hui. Nos smartphones seront nos cartes de crédit et de fidélité. La réalité augmentée rendra l’expérience d’achat plus complète et intuitive. La géolocalisation simplifiera les après-midi shopping. Les tablettes envahiront les magasins pour multiplier les services aux clients. Les magasins seront conçus comme des extensions des marques, avec un décorum et des animations soignées, et plus comme de simples lieux de vente. Les distributeurs prendront davantage en compte les communautés et les réseaux sociaux afin de faire de leurs clients des ambassadeurs auprès de leurs amis et favoriseront les achats groupés.

Une production plus collaborative

Au rythme où va la désindustrialisation – moins 1000 usines entre 2009 et 2012, selon le cabinet d’études Trendeo – restera-t-il encore des unités de production en France en 2025 ? « Oui, à condition de changer radicalement notre manière de faire », prévient Daniel Brissaud. A la tête du projet Futurprod, chargé d’identifier les pistes de recherche pour la conception et la production du futur, le chercheur pointe deux problématiques clés. D’abord, compte tenu de la raréfaction des ressources, il faudra en trouver de nouvelles. Mais pas forcément au bout du monde : « Utilisons ce que nous avons en abondance : les objets en fin de vie eux-mêmes ». Plus facile à dire qu’à faire, puisqu’il faudra d’abord apprendre à les déconstruire, puis à les transformer, ce qui implique un changement complet des machines et des écosystèmes. L’autre défi consiste à ouvrir l’usine, encore trop isolée, à toutes ses parties-prenantes : consommateurs, collectivités locales, ONG… L’intérêt ? « Dans une optique de service personnalisé, ou « d’industrie servicielle », les consommateurs participeront à la conception de leurs produits ; une meilleure organisation des transports, de l’urbanisme, des approvisionnements et de la gestion des déchets ne pourra faire l’économie d’un partenariat avec les collectivités locales ; ONG et réseaux sociaux veilleront aux questions éthiques. » Bienvenue dans la digital factory : avec l’essor de la robotique industrielle et des objets connectés, les usines seront toujours plus automatisées. L’Homme n’en disparaîtra pas pour autant, « mais sera davantage dans un rôle de prévision et de maintenance », prédit Daniel Brissaud. Bref, l’usine sera écolo, robotisée et ouverte, ou ne sera pas.

Préparer le terrain législatif

Mais l’entreprise du futur ainsi décrite ne se fera pas toute seule. Les Assises de l’entrepreneuriat, lancées par le gouvernement en janvier 2013 pour booster la création d’entreprise, planchent d’ailleurs sur le sujet : « Nous réfléchissons aux conditions à remplir pour que ces entreprises puissent se développer dans les meilleures conditions », explique Christian Nibourel, en charge du groupe de travail au sein des Assises, et président d’Accenture France. « Grâce aux nouvelles technologies et à une meilleure formation partout dans le monde, les entreprises pourront s’installer où elles le souhaiteront. C’est pourquoi les lieux d’implantation devront être accueillants, en adaptant infrastructures, droit du travail ou encore fiscalité à leurs besoins. » En clair, si les Etats ne veulent pas voir leurs emplois et leurs recettes fiscales filer vers des « paradis sociaux », ils devront se parer de leurs plus beaux atours. Par exemple, puisque l’on prédit que les entreprises travailleront en réseau, le droit du travail devra permettre aux salariés de se partager entre plusieurs employeurs différents. Pour stimuler l’innovation demain, Christian Nibourel plaide pour la mettre au programme des formations le plus tôt possible, « en mixant cours économiques, techniques, artistiques, pour former des diplômés créatifs ». Pour se préparer à un monde sans frontières, les petits Français – outre maîtriser l’anglais – devront savoir s’adapter à différentes cultures pour manager dans un contexte international. « Demain, les marchés seront si ouverts que votre consommateur pourra se trouver au bout du monde. Alors vous aurez intérêt à comprendre ses attentes », avertit Christian Nibourel. Aux risques de rester à jamais dans le passé.

 

Olivier Faure et Aymeric Marolleau

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