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Le conflit social, au départ circonscrit aux raffineries pétrolières, menace de déborder. C’est ce que l’on appelle une crise, une vraie.
Le mardi 18 octobre sera une journée noire dans les transports. Le pays, déjà sous le feu des crises, risque le blocage. Le début d’une grève longue, comme à l’automne-hiver 2020 ? La CGT l’espère et s’y prépare. Terrible perspective pour l’économie et le moral des Français.
C’était il y a un mois à peine. Nous rencontrions, dans son bureau de Montreuil, le secrétaire général de la CGT. Entre le café et la cigarette, Philippe Martinez nous confiait ses ressentis et ses rêves pour le monde du travail – le combat d’une vie. On le disait sur le départ : plus que quelques mois avant le prochain congrès et la transmission du flambeau des luttes. Il envisageait déjà son retour chez Renault, son entreprise, pour « tenir » jusqu’à cette retraite qu’il ne pourra pas prendre à soixante ans, comme la CGT en fait la revendication pour les Français.
Une fin de mandat tranquille ? Mal le connaître. La CGT, dont beaucoup raillent depuis des années la perte de vitesse, conserve sur le pays des moyens de pression considérables. Loin d’être le vestige d’une époque déchue, la Confédération, comme les vieux volcans, peut se réveiller et provoquer le tumulte si elle s’estime flouée. Emmanuel Macron, qui refuse ouvertement de rencontrer Philippe Martinez depuis 2017 ne s’est pas méfié. Loin des promesses de « dialogue social » et de « co-construction », il a ignoré ce syndicat évidemment radical, borné et peu représentatif… Mais a oublié que l’essence même du dialogue consiste justement à reconnaître à ses adversaires le droit à la parole et à la participation.
Le gouvernement a regardé ailleurs
En ne voyant pas venir la pénurie, en prenant à la légère le conflit social chez Total, le gouvernement s’est cassé les dents. Olivier Véran, jamais à l’abri d’une absurdité, le déclarait encore le 5 octobre : « Il n’y a pas de pénuries. » L’automobiliste, déjà contraint à rechercher désespérément une station-service en état de fonctionnement, en fut bien marri. Les réquisitions, hypothèses lointaines il y a encore une semaine, sont désormais réalité.
Emmanuel Macron, le 10 octobre, s’est montré bravache, et refusait de s’intéresser au conflit social chez Total : « On ne va pas rentrer dans une situation où c’est le président de la République qui va faire les négociations salariales chez Esso et Total, parce que là, on va partir cul par-dessus tête. »
« Cul par-dessus tête », avez-vous dit ? Nous y sommes à présent. Les Français sont désormais empêchés de se déplacer, et les promesses gouvernementales de « rapide retour à la normale » ne rassurent plus. La CGT lance l’opération « journée noire » pour le 18 octobre. Tant pis pour la proposition, reprise par la CFDT et acceptée par TotalÉnergies, d’augmenter de 7,5 % les salaires des ouvriers concernés (La CGT demande 10 %). Peu importe. La CGT a appris avec le temps à se passer des syndicats contestataires. Sans oublier que le climat social s’est tendu bien en dehors de la seule question des raffineries.
Mardi, jour de galère pour les Français
« On a merdé, on a minimisé. Quand on dit aux Français qu’ils créent les pénuries, en se ruant sur les pompes… », assure à Franceinfo une conseillère ministérielle. Le risque est là. La CGT est parvenue à mettre le doigt dans l’engrenage, à installer dans le pays une ambiance tumultueuse, propice à la grogne. La « marche contre la vie chère » de Jean-Luc Mélenchon ne peut qu’y faire écho. La semaine qui s’ouvre sera décisive. Ce sera soit le retour au calme, soit l’amplification d’un mouvement social naissant. L’équipe Borne va devoir redoubler d’ardeur pour que cette vive turbulence sociale ne se termine pas en crash politique…