Terrain : trois recruteuses en quête de « talents »

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Ils/elles le disent tous/tes : les recruteurs ou responsables RH affirment qu’il est de plus en plus difficile d’attirer, de recruter et de conserver les jeunes talents dans l’entreprise. Comment l’expliquer, alors même que 23 % des jeunes de moins de 25 ans sont aujourd’hui au chômage ? Existe-t-il une inadéquation profonde entre leurs aspirations et les propositions formulées par les recruteurs ?

Ne soyons pas si négatifs. La dernière étude de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) met bel et bien en avant la qualité du marché du recrutement des cadres. Selon son Observatoire, on devrait bientôt passer la barre des 300 000 recrutements annuels. Sachons-le, 85 % des jeunes diplômés sont au travail douze mois après la fin de leurs études. Marlène Ribeiro, directrice exécutive chez Michael Page Consulting, confirme ce dynamisme, même si les volumes de recrutement intéressent la plupart du temps les mêmes domaines, l’informatique, la recherche-développement et les postes de commerciaux. « Les employeurs s’arrachent ces profils, et ce d’autant plus qu’on observe une pénurie de candidats sur le marché de l’IT. » L’essor du numérique-digital n’est pas seulement un formidable levier de croissance, la technologie crée forcément de l’obsolescence de compétences. « Dans la plupart des métiers, des postes disparaissent et d’autres se créent. Aujourd’hui, quand on sort d’une école, on est déjà has been. Les recruteurs s’intéressent donc aux soft skills – ces aptitudes personnelles à l’intelligence émotionnelle, la capacité des candidats à s’autoformer », analyse Marlène Ribeiro. Adeptes de Mooc, de webinaires ou de conférences en tout genre, ils ont à cœur de progresser. Une qualité déterminante tant les personnes évolutives et adaptables sont recherchées. Mais entre le déclaratif et la réalité des faits, comment y voir clair ? « Nous avons à notre disposition toute une série d’indicateurs, à commencer par la prise de références, autrement dit l’appel aux recruteurs précédents. Nous déployons aussi des tests de comportements », révèle la chasseuse de têtes.

Dur, dur d’attirer les talents !

Le profil du candidat répond à la recherche ? Encore faut-il attirer ce qu’il est convenu d’appeler ledit « talent », mot très mode et porteur. Compliqué. Dixit l’experte : « Les jeunes sont très sensibles à l’environnement de travail. D’ailleurs, c’est devenu normal pour eux. » Locaux agréables, ambiance décontractée, flexibilité et méthodologie de travail sont des aspects sur lesquels ils sont très vigilants. « Rester au bureau de 8 heures à 20 heures est pour eux impensable. En revanche, la mobilité ne leur pose aucun problème. Ils sont très exigeants sur l’organisation du travail et la façon dont les technologies vont la faciliter, mais aussi sur la marque employeur. » Autre notion mode clé : l’identité de l’entreprise, s’assurer d’être en phase avec ses valeurs. L’une des raisons pour lesquelles les entreprises ont autant capitalisé sur la RSE ces dernières années. Une fois les candidats embauchés, les efforts de l’entreprise ne doivent pas se relâcher. « Il est important de formuler un feedback et de mettre en place un système d’évaluation pour bien les suivre. Il faut leur dire où on peut les emmener afin qu’ils puissent se projeter grâce à un plan de carrière. Et bien sûr, pour ça, il convient de les former, car si une personne ne progresse pas, elle perd en employabilité, a fortiori sur un marché qui évolue très vite. »

Aller vite dans le processus de recrutement

« Il est moins facile de recruter que par le passé, confirme Hélène Gemahling, DRH de Nespresso France. Il faut aller vite, car les candidats ont besoin de se positionner. Nous veillons à lancer un process dynamique. L’on sait que si on laisse passer une ou deux semaines, on risque de les perdre. » Nespresso a beau passer souvent par des cabinets, l’entreprise s’adonne beaucoup au sourcing via LinkedIn notamment. « Dans le process de recrutement, nous faisons travailler les candidats sur des business cases, dans le digital notamment. Il est important pour nous de les mettre en situation et de leur donner à voir notre niveau d’exigence », confie la recruteuse. L’objectif est aussi, comme elle l’explique, de mesurer le comportement des candidats dans un contexte de collaboration.

Développer les collaborateurs pour les fidéliser

« Nous embauchons 300 personnes chaque année et sommes conscients de la difficulté à les fidéliser. De nos jours, on ne passe plus toute sa vie dans une seule et même entreprise. Nous devons accepter de les “développer”, même si on ne sait pas combien de temps on les gardera », se résigne Hélène Gemahling. Pour les retenir, Nespresso France mise sur la qualité du management de proximité, en partant du principe que ce que souhaitent les jeunes recrutés, c’est avant tout se sentir bien, entourés de personnes inspirantes, mais aussi transparentes. « Ils attendent de l’autonomie dans la prise d’initiatives et des responsabilités. » L’entreprise a opté pour un mode participatif où les collaborateurs sont invités à prendre beaucoup la parole (par le biais d’enquêtes, de rendez-vous…).

Pour les TPE-PME : parcours du combattant

La grande entreprise se bat, les PME et TPE se débattent. Responsable recrutement chez SEP, une PME industrielle basée à Chambéry, Blandine Durand en atteste. « Nous sommes moins attractifs que les grands groupes et avons du mal à séduire les jeunes diplômés. Pour compenser, nous misons beaucoup sur le collectif de travail et la qualité de l’ambiance au quotidien. » Des dispositifs sur mesure en partenariat avec Pôle Emploi, décidément appelé à agir bien plus activement que l’Agence de naguère, afin notamment de s’ouvrir à des profils vers lesquels la structure ne se serait pas spontanément tournée. « Il y a encore quelques années, le diplôme était important. Les candidats devaient absolument correspondre aux attentes de l’entreprise. Aujourd’hui, elles se posent davantage la question de savoir en quoi l’expérience des candidats peut leur convenir », confirme Fabienne Sanchez, qui accompagne en tant que consultante les TPE-PME dans leurs démarches de recrutement. Au cours du processus de recrutement, c’est observer notamment la façon dont le candidat parle de ses postes précédents. « Ce qui fait défaut dans nombre de petites structures, ce sont des grilles d’évaluation des candidats. Il est important aussi de pouvoir expliquer à certains d’entre eux pourquoi ils n’ont pas été retenus. » Dans l’intérêt des deux parties…

Ariane Warlin

Au Sommaire du dossier 

1. Terrain : trois recruteuses en quête de « talents »

2. Régions : qui recrute le plus ?

3. Comment l’on recrute dans le monde 3.0

4. Le recruteur, l’IA et le poste

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