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Master ou mastère ? MBA, MS ou Msc ? Quelle école choisir ? Quel diplôme rechercher pour son recrutement ? Etudiants comme employeurs ont de quoi avoir le tournis face à cette myriade de formations. EcoRéseau dégage les grandes lignes et dénonce les faux-semblants.
Dans une luxuriante jungle des formations, il regorge presque autant de noms d’écoles que de cursus de 3e cycle. Plus de 6000 masters, masters spécialisés et masters of science. Et des MBA à ne plus savoir qu’en faire. Entre faux amis et formations non reconnues par l’Etat, il importe de se raccrocher à la bonne branche. Assez robuste pour obtenir de nouvelles compétences en accord avec le marché du travail et assez souple pour négocier au mieux ses virages de carrière.

Attention aux faux amis
Gare d’abord aux confusions entre mastère et master. Le premier n’est pas une réaction allergique des Immortels face à l’utilisation d’anglicismes à tout va. Le terme « master », c’est un peu comme la corbeille à objets placée sur le guéridon à l’entrée de votre chez-vous. Bien qu’on pense n’y déposer que ses clés de voiture, on réalise trop tard que le réceptacle contient piles usagées, cartes de visite et stylos bille. Terme générique, le master désigne effectivement à la fois un grade et un diplôme suite à la réforme LMD de 2002 (Licence-Master-Doctorat). Autrement dit, il caractérise d’une part ces deux années de formation situées à la suite de la licence et à l’avant-garde d’un PhD (équivalent doctorat)… Et d’autre part, il entend sanctionner un cursus à Bac+5 reconnu par l’Etat suivant un processus d’habilitation lourd. A savoir les diplômes des grandes écoles d’ingénieurs ou de commerce, les formations universitaires, les cursus en cinq ans délivrés dans les IAE ou les écoles de sciences politiques ainsi que les anciens DEA et DESS… Pour le MBA, la vigilance est aussi de rigueur. Quelques précautions sont donc d’usage derrière cette appellation qui ne jouit d’aucune protection pour son utilisation. Les accréditations internationales (Equis, AMBA et AACSB) et le recrutement hyper-sélectif jouent le rôle de mètre-étalon sur ce catalogue des formations très inégal.
Comment choisir son MS ou son mastère ?
Coup de projecteur d’abord sur les mastères. Seuls les MS et les Msc (master of sciences) ne semblent pas porter à confusion : « Apanages uniques de la Conférence des grandes écoles (CGE), ces appellations sont dispensées uniquement par les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerces ayant reçu l’accréditation », résume Bernard Belletante, président du Chapitre des écoles de management de la CGE. D’aucuns diront que l’on fait un MS HEC, ESSEC ou ESCP pour le carnet d’adresses et la ligne mise en gras sur le CV, devant un nom d’école ou d’université moins réputé, sans avoir fait l’effort du cursus grandes écoles en trois ans. « Car les diplômes des grandes écoles de commerce et des grandes écoles d’ingénieurs restent toujours un rempart efficace contre le chômage. C’est souvent le garant de têtes bien faites qui ont dû faire preuve d’une grande capacité de travail et collaborer en mode projets, assure Rémi Dherbecourt, directeur associé du cabinet Keyman. A une autre échelle, des entreprises de renom telles que le Boston Consulting Group, McKinsey ou Accenture ne recrutent que des jeunes issus des universités du top mondial. Pour ces structures, le diplôme supérieur importe moins que la marque et le classement des universités. »
Ailleurs, les banques confirment également la convoitise que génèrent les grandes marques avec leurs MS et MSc. Côté financement, les réticences ne vont pas en direction d’un MBA ou d’un mastère mais plutôt vers un PHD en sciences humaines. Car la capacité de remboursement est bien évidemment conditionnée par la très bonne employabilité et le niveau de rémunération de l’étudiant après ce type de formation. Par exemple, le MS N&IS (Network and Information Security) de l’Esiea basée à Laval, s’est targué d’un taux de recrutement de 100% pour l’année 2012-2013 avec un salaire annuel avoisinant les 38000 euros.
Formations dans l’air du temps
Contre toute attente, « aujourd’hui, il n’y a pas un engouement majeur pour le développement durable et la RSE. Peu de formations le proposent car peu d’emplois existent. En revanche, une formation achats, marketing ou maritime aura des difficultés à obtenir l’habilitation si elle ne prend pas en compte la RSE dans sa formation », analyse Bernard Belletante. Quid alors des formations dans le vent ? Tout comme les NTIC et les télécommunications, les achats sont aussi dans l’air du temps. « Dans le purchasing management, on observe un changement de logique, on passe de la réduction drastique des coûts à la création de valeur dans ce secteur », déclare Laurent Ploquin, directeur commercial programmes inter-entreprises à l’ESSEC. Autrefois vécus comme des fonctions support, les différents secteurs achats sont désormais des fonctions clé et les derniers leviers de profitabilité en entreprise. « Lancé il y a quatre ans, notre MS International Purchasing Management ambitionne de former les acheteurs de demain et répond à la demande croissante de recrutement en matière d’acheteurs internationaux, analyse le directeur commercial. Le vif succès que connaît ce MS est à mettre en lien avec le regain d’intérêt lié à la fonction occupée. Aujourd’hui, c’est un gisement de croissance et d’emplois important. » Autre réussite de cette école qui illustre les nouvelles tendances, l’ouverture du MS SMIB qui forme des managers polyvalents spécialisés à l’international, en acquérant un maximum de compétences et de savoir-faire propres à l’ingénierie des projets d’exportation et d’investissement à l’étranger. Même tendance à l’internationalisation chez le groupe Kedge qui sort depuis cette année une version anglophone de son historique Management de l’achat international (MAI) avec son MS Purchasing and innovation management. La globalisation des marchés redessine donc certains métiers et impacte directement le contenu des formations. À Toulouse Business School, la maquette du MS Logistique, achats et échanges internationaux a évolué en accordant un module supplémentaire sur la mise en œuvre opérationnelle des achats. Quant à la busines school de Grenoble, l’accent a été mis sur la dimension géopolitique des achats. « La caractéristique commune de ces profils ? C’est le choix de la poursuite d’études après un master 1 ou avec peu d’expérience professionnelle. Ces jeune profils de tous horizons veulent essentiellement s’ouvrir aux fonctions managériales », analyse Agnès Marchand, responsable du pôle carrière à l’Audencia Nantes.
Alliances stratégiques
Chercher la double compétence et le bon MS, c’est également s’enquérir des alliances entre écoles et institutions du monde professionnel. Signe fort du partenariat entre écoles, les co-habilitations sont aussi une belle manière de valoriser une double casquette. L’UPMC Paris VI avec Telecom Sud Paris ou encore l’UTC, pour ne citer qu’elles, proposent de nombreuses formations de pointe en adéquation avec les besoins des entreprises. Le réseau Alsace Tech, réunissant ses grandes écoles régionales, permet aux diplômés de l’école d’architecture l’accès au MS de l’école de management pour obtenir des compétences en administration des entreprises. Idem à HEC avec son MS management de grands projets en partenariat avec l’ISAE (SUPAERO/ENSICA) ou son MS Droit et management international qui entretient des liens étroits avec la Chambre des notaires de Paris, Paris I et le Barreau de Paris. Rappelons enfin que la recherche du double diplôme n’est pas l’occasion de faire de son CV un millefeuille à rallonge. « Le renforcement ou la création de nos formations sont conditionnés notamment par les échanges avec les entreprises ou les cabinets de recrutement tels que Robert Walters ou Lincoln RH, ajoute Agnès Marchand. De cette proximité avec les acteurs du recrutement et du tissu économique, nous avons pris parti pour l’internationalisation et les nouvelles technologies avec la création du MS IMM (International Master of Management) et du MS stratégies et marketing à l’ère digitale. »
Innovations pédagogiques
Dans les classements mondiaux, il n’est pas rare de voir se balader un nom d’école prestigieux parmi un éventail d’universités étrangères. Et pour Bernard Belletante de la CGE, cela s’explique par la capacité d’adaptation de nos écoles : « Contrairement aux universités, les écoles sont plus innovantes dans les relations entreprises et dans leur pédagogie. La dimension de ces institutions du management et de l’ingénierie offre également plus de flexibilité, ce qui leur a permis une internationalisation rapide sur les 15 dernières années pour en faire des vecteurs de l’excellence française. » Pour se démarquer encore un peu de leurs concurrents, certaines écoles parient donc sur leur pédagogie innovante, notamment en matière de soft skills. « La transformation de la posture managériale parcourt l’ensemble des programmes de management, mais on omet souvent d’en cartographier les évolutions, de la matérialiser, constate Laurent Ploquin. L’innovation réside donc dans la création d’un outil de pilotage et de mapping sur l’évolution managériale, qui explique le parcours et ses modalités d’évolution, son suivi et son accompagnement. Créer une carte cognitive de l’évolution des softs skills : c’est le prochain thème fort de nos formations. » D’autres écoles insisteront sur les mise en situation réelle et la puissance de leur tissu économique comme le MS entrepreneurs de la business school de Grenoble, fière d’avoir été classée cinquième ville mondiale la plus innovante dans un récent classement du réputé Forbes. A l’EM Lyon, enfin, le MS n’entend pas seulement former des gestionnaires de l’existant ou de « simples » ingénieurs, mais des personnes capables de régler des problèmes complexes qui mêlent finance, technologie et marketing avec des solutions nouvelles. Thierry Picq, doyen associé à l’innovation pédagogique de l’EM Lyon, ajoute : « Nous recherchons avant tout des profils d’entrepreneurs innovateurs mêlant à la fois sciences et arts. Notre master IDEA (innovation, design, entrepreneuriat, arts) met en œuvre une pédagogie novatrice en design thinking : nous développons une pédagogie de projets et de création grâce à notre diplôme commun avec Centrale. »
Et les MBA dans tout ça ?
« Les MBA tirent leur notoriété de la qualité de la formation initiale des écoles mais correspondent à une toute autre logique de carrière », explique Laurent Ploquin. L’oiseau rare des formations correspond effectivement à un tournant dans la carrière professionnelle et se distingue ainsi de ses compères du 3e cycle qui n’exigent pas de véritable expérience au préalable. Le MBA, contrairement aux mastères, s’adresse donc aux cadres et non aux étudiants. Et en particulier, aux cadres désireux d’internationaliser leur carrière. Rhona Johnsen, directrice du MBA à l’Audencia témoigne : « Dans notre MBA GM (gestion responsable), le programme comprend un module de base sur l’évolution de l’environnement des affaires délivré par le WWF d’entreprise. Notre full-time MBA comprend également un séminaire conjoint avec Politecnico di Milano sur l’éthique des affaires. Et pour la première fois cette année, nos élèves participeront avec d’autres étudiants MBA du monde entier à la « Managing around the world conference » organisée par l’Université d’Exeter, avec en filigrane le thème de la durabilité des problèmes. Ces relations institutionnelles étroites sont essentielles pour offrir une perspective internationale à notre formation ». Les MBA se différencient également des MS par leur enseignement volontairement généraliste qui a pour but d’aiguiller des talents en puissance vers de hauts postes de gestion. Choisir un master of business administration présente donc peu d’intérêt lorsque l’on souhaite faire carrière dans l’Hexagone, dans une entreprise qui n’a pas vocation à s’internationaliser. « Concept qui s’est développé hors de France, le MBA n’est pas pour l’instant une problématique forte de la CGE. D’autant qu’il n’est pas encore le fait des écoles d’ingénieurs », modère Bernard Belletante. Tout comme le marché français, hors grosses PME et cylindrées du CAC, ne semble pas encore friand de ces programmes pourtant très prisés dans le monde entier. « Dans notre cabinet – spécialistes de la chasse de profil middle et top management –, nos clients ne considèrent pas le MBA comme un critère de recherche primordial. On est avant tout en quête d’une expérience métier, d’une compétence, tempère Rémi Dherbecourt. Le MBA, c’est la cerise sur le gâteau. C’est aussi un diplôme qui sera plus facilement valorisable dans les grands groupes. Au regard de deux parcours similaires, le MBA exprime une plus grande mobilité et la capitalisation de compétences transdisciplinaires. Ces diplômes ouvrent plus de portes mais ne sont pas indispensables pour réussir. » Ne tombons pas non plus dans l’excès inverse qui ferait du MBA de la poudre aux yeux pour recruteurs de multinationales. « Car l’un des principes de base à tout MBA digne de ce nom, c’est l’adaptation en permanence pour coller au mieux aux exigences du marché professionnel. Cette attention s’est concrétisée avec l’implémentation d’une curriculum review par Bain and Compagny. Démarche assez inédite, le cabinet a produit une étude sur les exigences des recruteurs à niveau MBA en matière de compétences, ainsi qu’un benchmark entre les meilleurs MBA mondiaux. De ce rapport, nous avons fait évoluer notre curriculum », renseigne Philippe Oster, directeur de la communication, du développement et des admissions au MBA de HEC. L’école de commerce historique, en bon élève, a ouvert récemment -les premiers diplômés sortiront cette année – une cinquième spécialisation à la deuxième partie de son MBA suite aux recommandations du cabinet : leadership and global organizations. L’appellation, explicite, comprend des outils concrets pour gagner en influence et être décisif dans la stratégie globale d’une entreprise. « Nos étudiants auront l’occasion de développer leurs compétences de meneur à travers de nombreux événements et cours obligatoires : Séminaire à Saint-Cyr sur le site de Penthièvre, Tournoi sportif mondial avec le MBAT, organisé de A à Z par nos participants au MBA, TEC (The Executive Committee), mentoring d’une douzaine de privilégiés par les plus grands chefs d’entreprise,… », énumère Philippe Oster. Et en parallèle, les fameux « OB », organizational behaviour, sorte de suivi des comportements en structures sociales permet à chaque participant de capitaliser et conscientiser son évolution. Programmes sur mesure en phase avec les multinationales, les MBA demeurent bien la « Rolls » des formations. Et définitivement, « la » formation de pointe.
Article réalisé par Geoffroy Framery