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La formation. Voilà bien un outil d’insertion professionnelle et un levier d’emploi qui exige une adaptation permanente aux nouveaux besoins des individus – demandeur·ses d’emploi ou non – et des entreprises. Si les indicateurs généraux témoignent des progrès indéniables de la formation professionnelle en France, la réalité individuelle n’est pas au beau fixe. Et les taux de réinsertion restent inégaux. Des écueils que de nouveaux dispositifs et solutions de formation doivent, a priori, limiter. Sous l’impulsion des trois grands prescripteurs et financeurs du secteur : l’État, les collectivités territoriales et Pôle emploi.
Au premier trimestre 2021, plus de 350 000 personnes sont entrées en formation. Un motif de satisfaction après une année 2020 qui a vu la formation professionnelle se ralentir (+83,6 % pour les entrées en formation entre le 1er trimestre 2020 et le premier trimestre 2021). Malgré la crise, la formation professionnelle reste un levier incontournable pour lutter contre le chômage de longue durée et participer à l’insertion des demandeur·ses d’emploi. Ces dernières années, le secteur progresse : 15 % d’entrées en formation supplémentaires entre 2018 et 2019 et déjà un rebond important en 2021. Pour autant, la hausse des entrées ne suffit pas. Le principal indicateur de réussite des formations reste le taux de réinsertion ou retour à l’emploi. Selon Pôle emploi, le taux d’accès à l’emploi dans les six mois après la fin d’une formation s’élève à 60,1 % pour les sortant·es de formation en 2019, soit une évolution annuelle de 0,2 point. Un bien maigre progrès donc. Selon Jean-Pierre Domergue, responsable du plaidoyer pour l’association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), qui accompagne des demandeur·ses d’emploi partout en France, « il ne faut pas parler d’échec, puisqu’il n’y a jamais eu autant de personnes au chômage qui sont entrées en formation ; à l’échelle macro, les chiffres sont bons, mais il demeure une distance entre ce qui paraît globalement et ce qu’il se passe concrètement sur le terrain et sur le plan individuel ».
Réformer la formation
Pour donner un nouveau souffle à la formation professionnelle, les gouvernements successifs multiplient les réformes et les refontes législatives ces dernières années. Sous François Hollande, le Compte personnel de formation (CPF) a remplacé le Droit individuel à la formation (DIF) le 1er janvier 2015, dont le report des droits s’est étendu jusqu’en 2021. Le CPF, qui centralise désormais une grande partie des offres de formation via MonCompteFormation, compte aujourd’hui près de six millions d’utilisateur·rices identifié·es et 1,5 million de téléchargements. Pour accompagner le tout, le plan France Relance lancé à l’été 2020 fait de la formation l’un de ses grands leviers, notamment avec l’instauration du Fonds national emploi-formation (FNE-formation), ouvert à toutes les entreprises qui emploient des salarié·es en activité partielle, doté de 390 millions d’euros pour 2021. Un dispositif qui s’inscrit dans la dynamique instaurée par le plan de développement des compétences, actif depuis 2019, qui offre aux salarié·es de suivre des formations à l’initiative de leurs employeurs.
Du côté de la formation des demandeur·ses d’emplois, secteur souvent critiqué, la richesse de l’offre subit un certain déséquilibre vis-à-vis de la formation des personnes en emploi. « Il nous semble que le marché est segmenté. Il y a les organismes de formation spécialisés pour les chômeurs et il y a ceux qui s’adressent aux entreprises. Nous pensons qu’il s’instaure une différence de qualité entre les deux secteurs. Ce sont des choses que l’on perçoit », assure le responsable associatif. Pour répondre à ces enjeux et améliorer les parcours d’insertion, les nouveaux dispositifs impulsés par le gouvernement et prescris par Pôle emploi sont légion. Et viennent s’ajouter aux mécanismes déjà actifs mais (trop) souvent méconnus ou incompris.
Pôle emploi, prescripteur de référence
Entre CPF, AIF, POEI et POEC, AIE, PIC et compagnie, il est parfois difficile de s’y retrouver pour les aspirant·es à la formation. « Les personnes qui veulent se former ne peuvent s’adresser à un seul interlocuteur. Il y a Pôle emploi évidemment, mais malgré la centralisation proposée par le CPF, les gens sont souvent perdus. S’ils ne bénéficient pas un conseil suffisant, ils se perdent et risquent d’opter pour de mauvais choix », regrette Jean-Paul Domergue. Pourtant, si les interlocuteur·rices en matière de formation se répartissent entre régions, départements, conseiller·ères pôle emploi ou autres, c’est bien Pôle emploi qui centralise le tout. « Pôle emploi est le premier prescripteur et opérateur de formation », assure-t-on en interne. Et pour cause, le site pole-emploi.org réunit les principales solutions de formation et leur financement.
L’insertion par l’activité économique, le pied à l’étrier
Pôle emploi finance deux types de projets individuels accessibles aux personnes inscrites ou en transition professionnelle : l’Aide individuelle à la formation (AIF) et la Préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI) ou collective (POEC). Depuis 2017, les devis pour l’AIF et les démarches du parcours de formation sont dématérialisés via l’interface numérique Kairos. « Ce qu’on appelle les PEOI fonctionne bien parce qu’elles interviennent dans le cadre d’une pré-embauche, donc le taux de retour à l’emploi est très élevé [environ 95 % ! ndlr] », se félicite Jean-Paul Domergue.
Dans le cadre du conseil en évolution professionnelle et du bilan de compétences prodigués par l’organisme, le·a demandeur·se d’emploi est dirigé·e vers les formations et les financements qui lui conviennent le mieux. Pour les demandeur·ses d’emploi de longue durée, les bénéficiaires des minimas sociaux ou les jeunes peu qualifié·es, la solution passe souvent par l’Insertion par l’activité économique (IAE), qui consiste en un agrément délivré par Pôle emploi pour 24 mois. Période durant laquelle le·la demandeur·se d’emploi est embauché·e par une structure IAE et dispose d’un contrat de travail (lire encadré).
Pour redonner une dynamique au secteur et diriger son évolution à court terme, le gouvernement a lancé son Grand plan d’investissement 2018-2022, dans le cadre duquel le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) s’arme d’objectifs, de moyens et de nouveaux dispositifs ambitieux
Nouveaux besoins, nouvelles solutions
Le PIC a été lancé en 2018 à l’échelle nationale. Son objectif : renforcer les compétences et les qualifications des jeunes et des chômeur·ses par de nouveaux efforts pour la formation. Avec encore et toujours le retour à l’emploi en ligne de mire. Pour rappel, le taux de chômage de longue durée (plus d’un an) s’établit à 2,5 % de la population active au premier trimestre 2021, soit une hausse de 0,4 % par rapport au trimestre précédent. Pour accompagner son dispositif, le gouvernement a doté le PIC d’une enveloppe globale de 14,6 milliards d’euros, dont 6,7 milliards pour les décrocheur·ses et 7,1 milliards pour les demandeur·ses d’emploi. Autrement dit, 90 % des fonds sont dirigés vers les actions de formation, 10 % vers l’expérimentation de nouveaux outils. Chaque région assure la déclinaison territoriale du PIC national.
Dans le cadre de ce nouvel élan, le Pacte d’ambition pour l’IAE, lancé en 2019 et porté par le Conseil de l’inclusion dans l’emploi dont fait partie Pôle emploi, s’est fixé comme objectif de développer les passerelles entre acteurs de l’IAE et entreprises d’inclusion. L’idée, élargir à 240 000 personnes en difficulté supplémentaire le bénéfice de ces dispositifs. Le pacte a assuré le lancement de la plate-forme Les emplois de l’inclusion, un outil numérique d’aide à l’emploi sous la forme d’un « guichet unique ». Il doit aider à la convergence entre besoins des demandeur·ses d’emploi et des acteurs de l’inclusion.
Retour au mentorat
Autre grande manœuvre lancée par l’administration Macron : le plan 1 jeune 1 solution, qui s’ajoute à la Garantie jeunes mise en œuvre par les missions locales (allocation mensuelle pour les jeunes de 16 à 25 ans sans emploi, ni en formation, ni en étude). Le plan lancé à l’été 2020 vise à aider ces isolé·es à trouver plus facilement un emploi, une formation, un apprentissage ou tout autre parcours d’insertion adapté. Grâce à une enveloppe de 9 milliards d’euros, il se décline en une série de dispositifs : aides à l’embauche d’alternant·es, formations dans les secteurs stratégiques, parcours d’insertion sur mesure, aides financières pour les jeunes en difficulté… L’ensemble du dispositif est agrégé sur le site 1jeune1solution.gouv.fr, qui réunit des centaines de milliers d’offres d’emploi, de formation, de stages, de jobs saisonniers et autres. Deux millions de jeunes auraient déjà trouvé une « solution » grâce au plan. Dans cet élan, le dispositif 1 jeune, 1 mentor, annoncé par le président de la République en mars, vise à renforcer l’accompagnement personnalisé des jeunes (par un·e étudiant·e, un·e professionnel·le, un·e retraité·e…) dans leurs choix d’orientation professionnelle et de formations professionnalisante. À la clé, un budget de 30 millions d’euros mobilisé en 2021 pour soutenir les actions de mentorat et d’accompagnement assurées par les associations et les entreprises engagées. Un effort bienvenu pour les acteur·rices locaux du quotidien, comme l’exprime Jean-Paul Domergue : « Il faut que le secteur associatif soit associé à la mise en œuvre des dispositifs de formation, plus de partenariats locaux. Notre première revendication, c’est que le·a chômeur·se ne soit pas ballotté·e entre la région, Pôle emploi et les organismes de formation, il faut des interlocuteur·rices uniques avant, pendant et après les parcours d’insertion. »
Adam Belghiti Alaoui