Temps de lecture estimé : 5 minutes
Ici plus qu’ailleurs, les enjeux d’avenir orientent les développements économiques actuels. Le paysage se remodèle pour donner au potentiel régional les meilleures chances de s’exprimer.

«Je pense que la France, c’est l’avenir », a déclaré il y a quelques semaines John Chambers, le patron du géant américain Cisco, qui investit à tout-va dans les start-up hexagonales. Loin des déclinistes, il n’hésite pas à décrire le pays comme la « Silicon Valley de demain », à l’évocation de son potentiel technologique. Flagornerie ? Sens des affaires ? Dans tous les cas, nombreux sont les spécialistes qui ne peuvent s’empêcher de croire à la place de choix occupée par les entreprises françaises dans le futur économique.
En Île-de-France en particulier, tout semble mis en œuvre pour ne manquer aucun virage décisif dans les grands développements du moment. Outre les secteurs classiques à succès comme le tourisme, les atouts de la région garantissant sa croissance de demain reposent en grande partie sur les savoir-faire technologiques. Le territoire francilien représente le premier centre de recherche d’Europe avec 145000 employés dans ce domaine.
Alors que de nombreuses filières décollent et s’adaptent à des enjeux soumis à de rapides mutations, les pouvoirs publics s’organisent pour offrir l’accompagnement le plus efficace possible. Sur un plan financier, le Plan d’investissement d’avenir (PIA) joue un rôle majeur dans l’accélération et la maturation des projets innovants. Sur un plan opérationnel, les structures mises sur pied pour nourrir les collaborations inter-entreprises gagnent en efficacité et rapprochent toujours plus d’acteurs. « Dans notre contexte de changements à grande vitesse, les incubateurs, plateformes et autres organisations destinées à accompagner la vie des sociétés, sont cruciaux pour la pérennité économique », assure Nicolas Hazard, président du fonds d’investissement parisien Le Comptoir de l’Innovation. A cette dynamique s’ajoute la naissance du Grand Paris, véritable valeur ajoutée supplémentaire qui doit encore plus attirer les regards étrangers sur la capitale et ses pépites.
Des forces éminemment technologiques
Quels sont les points communs entre les véhicules à basse consommation énergétique, le TGV du futur, les biotechnologies médicales, ou encore le recyclage ? Tous ces domaines figurent en tête des priorités de développement de la région. On dénombre plusieurs dizaines de projets financés grâce aux Investissements d’avenir dans le seul domaine automobile. Ces derniers concernent l’allègement des structures, les chaînes de traction thermique, les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables, ou encore les technologies embarquées.
Le numérique en général fait figure de locomotive pour d’innombrables projets, là encore soutenus massivement par les Investissements d’avenir. En Île-de-France, plus de 150 initiatives d’envergure bénéficient de près de 640 millions d’euros, avec comme finalité des applications dans les domaines de la E-santé, de l’E-éducation, du cloud computing, des réseaux de transports intelligents, de la création logicielle…
Laurent Baccouche, commissaire général du Salon des entrepreneurs de Paris, constate qu’il y a « rarement eu des périodes avec autant d’opportunités dans tant de domaines différents. C’est principalement la révolution numérique dans laquelle nous sommes entrés qui explique cette tendance. La région occupe une place centrale sur ce plan, avec un nombre de créations d’entreprises très élevé, année après année. » L’innovation joue bien sûr un rôle central dans cette dynamique. C’est la raison pour laquelle « l’un des deux axes forts de l’édition 2016 du Salon des entrepreneurs de la capitale sera le soutien aux start-up pour faire émerger leurs idées innovantes », indique Laurent Baccouche. Dans les prochaines années, le caractère innovant sera d’ailleurs « tout aussi déterminant sur un plan managérial que sur un plan technique, d’où l’intérêt de collaborer étroitement au sein des organisations », ajoute-t-il. « Dans la région, le couple concepteur-entrepreneur sera plus que jamais un rouage fondamental dans le développement futur des activités. »
Un Grand Paris pour un grand essor
Certains y voient avant tout une énième vitrine pour l’Hexagone, voire une simple démarche politique. Pour d’autres, comme la CCI Île-de-France, c’est le grand levier de croissance des prochaines années. Elle estime que le Grand Paris sera à l’origine de plus de 60 milliards d’euros de recettes publiques chaque année à l’horizon 2030. A la clé, une accélération de la croissance régionale qui devrait passer de 1,5 à 2% annuellement entre 2015 et 2020, puis de 2 à 2,5% entre 2020 et 2030. Les prévisions assurent même un taux supérieur à 3% par an après 2030. L’ensemble du pays est censé profiter de cette nouvelle donne puisque le Grand Paris pourrait apporter 140 milliards d’euros au PIB français. François Lucas, directeur de la préfiguration de la métropole du Grand Paris, explique que l’intérêt de cette « structuration forte de l’écosystème local est surtout importante vis-à-vis de la concurrence étrangère, au-delà des questions de cohérence économique du territoire. L’organisation est une force supplémentaire en termes d’attractivité et d’investissements. A l’heure actuelle, l’absence de métropole représente un coût en points de croissance. »
Mais le Grand Paris ne sera pleinement synonyme de pertinence que dans un contexte de synergies poussées au sein de l’ensemble de la région. « Sur ce plan, il reste beaucoup de travail. Il y a pour l’instant trop de concurrence entre les territoires. Certains guichets pour les entreprises doivent être rapprochés. La nouvelle structure métropolitaine peut être un moyen de simplifier et d’accélérer le changement sur un plan organisationnel, de faire disparaître rapidement les rivalités persistantes entre la ville et la région », décrypte François Lucas.
L’open innovation comme tremplin
En 2011, le Club Open Innovation voit le jour dans la région. Objectif : faciliter les rencontres entre start-up et grandes entreprises dans le but de développer leurs relations business. « Les retours des entreprises étaient peu enthousiastes au début, malgré l’intérêt de partager les savoir-faire. Puis, l’arrivée des directeurs de l’innovation dans les organigrammes a rapidement changé la donne. Les grands groupes ont dès lors compris les enjeux de l’ouverture vers l’extérieur. La R&D est intéressante pour les évolutions des solutions en interne ; mais pour déceler les nouveautés synonymes de rupture importante sur les marchés, celle-ci ne suffit pas », décrit Loïc Dosseur, directeur général adjoint en charge de l’innovation au sein de Paris&Co, l’agence de développement économique de la capitale, à laquelle est rattaché le Club Open Innovation.
Désormais sollicitée de toute part, la structure ne sait plus où donner de la tête. Et elle ne constitue en aucun cas un cercle réservé aux acteurs des sciences de la vie, du numérique et des filières à la pointe de la technologie. « Même les secteurs de l’immobilier, la construction nous rejoignent depuis quelques mois pour se connecter à de petits acteurs. Le récent projet Réinventer Paris, visant à faire évoluer l’immobilier et le foncier existant, consistait à lancer un appel auprès des jeunes structures dans le but de proposer des projets originaux. Nous avons eu plus de 800 réponses », se réjouit Loïc Dosseur.
La mobilité et la logistique urbaine concentrent de nombreux projets, « en réponse à l’hyper-individualisation des achats, en raison du boom du commerce en ligne, engendrant une individualisation des livraisons. La logistique s’adapte à ce nouveau contexte. Les entreprises Sogaris ou Cubyn s’illustrent par leurs approches innovantes dans ce domaine, tout comme l’offre de Deliver.ee », qui se présente comme le Uber français de la livraison de marchandises. Loïc Dosseur mentionne également les développements collaboratifs naissants entre les acteurs des véhicules électriques et autonomes, dont le potentiel est étroitement lié aux innovations logistiques.
Des chercheurs en pole position
40% de la recherche publique nationale est concentrée en Île-de-France. A l’effet de masse s’ajoute l’émergence de pôles taillés pour devenir des références internationales. Si le mythique MIT (Massachussetts Institute of Technology) a fait entrer Paris-Saclay dans son top 8 des clusters mondiaux, aux côtés de la Tech City de Londres, c’est que les innombrables projets de cette vaste communauté d’universités et d’établissements technologiques de la région portent leurs fruits. Les dernières années ont assisté à l’ouverture massive des centres R&D des grandes entreprises vers les PME et les laboratoires publics. Une démarche qui fait notamment la force du pôle de compétitivité Systematik, qui se focalise sur la révolution numérique et ses nombreuses applications.
C’est dans cette optique que EDF, par exemple, a choisi d’implanter son EDF Lab, dédié à la R&D, sur le plateau de Saclay. « La recherche se met véritablement au service des besoins de l’économie. Nous sommes en collaboration étroite avec le CNRS, l’INSERM, le CEA, les instituts Carnot ou encore les différentes SATT (Sociétés d’accélération du transfert de technologies) franciliennes. L’une de nos missions premières consiste à accompagner les entreprises en matière d’innovation, de l’idée à la mise sur le marché. Il peut s’agir de PME, mais aussi de jeunes start-up issues de la recherche académique », souligne Christophe Bielle, directeur Appui aux entreprises au sein de la nouvelle structure d’accompagnement Paris Région Entreprises. En 2015, sur 1000 sociétés suivies par Paris Région Entreprises, 700 sont franciliennes. La moitié de celles-ci sont des entreprises innovantes.
Réseaux de transport : Terreau de la future croissance
Il faut le rappeler : l’Île-de-France, c’est 30% de la richesse nationale. Au cœur des projets de développement, la question de la mobilité. Le temps de transport quotidien est de 1h20 à l’heure actuelle contre 10 minutes il y a 60 ans. Autant dire que les transports et leur efficacité sont au centre d’innombrables débats. Les pouvoirs publics ont pris la mesure des enjeux et ont ainsi lancé le Grand Paris Express, vaste chantier en cours qui verra une multitude de nouvelles lignes ferroviaires quadriller le futur territoire régional. 27 milliards d’euros sont mobilisés pour ce gigantesque développement qui arrivera à son terme en 2030 et à l’issue duquel 90% des Franciliens se situeront à moins de 2 kilomètres d’une gare.
En 25 ans, les territoires les moins bien lotis par rapport aux déplacements ont connu une augmentation des durées de transport de 50%. « Il s’agit véritablement d’un projet déterminant pour de multiples secteurs. Le rapprochement des zones, la réduction des inégalités territoriales qui s’y rattache, les synergies entre les pôles de compétences constituent des éléments prépondérants pour la croissance régionale de demain », souligne François Lucas.
Avec ses 72 nouvelles gares et ses 200 kilomètres de voies supplémentaires, le Grand Paris Express fait figure d’énième atout qui emmènera dans son sillage de nouveaux projets de construction pour des logements, des implantations commerciales, l’émergence de nouveaux pôles… « Des développements voient déjà le jour en vue du futur maillage local, comme le long de l’Ourcq, en Seine-Saint-Denis. Plusieurs projets de zones d’activités sont menés par la Communauté d’agglomération Est Ensemble », illustre François Lucas. Des initiatives importantes essaiment également au sud, entre les villes d’Ivry et Orly, où des extensions de bureaux d’affaires sont d’ores et déjà envisagées.
Par Mathieu Neu