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Où investir en France ?
Les grandes métropoles semblent demeurer une valeur sûre en termes d’investissement immobilier. Néanmoins, avec le temps, et malgré des vacances extrêmement faibles, certaines localités voient leurs prix s’envoler et créer un rendement beaucoup moins intéressant. Effectivement, le·la loueur·se aura toujours énormément de demandes, mais le prix auquel il·elle aura acquis le bien sera bien plus long à amortir, même avec des loyers plus hauts que la moyenne. A contrario, se focaliser uniquement sur le rendement est un leurre. Car qui dit rentabilité élevée, dit aussi prix d’achat bas. Or, selon la logique du marché immobilier, des tarifs de la pierre faibles témoignent du manque d’attractivité d’une commune. Bref, d’un risque accru quant à la demande (tant à l’achat qu’à la location) avec, à terme, un potentiel de plus-value moindre et un danger de vacances locatives plus important. « En France, les grandes métropoles attirent toujours autant les investisseurs et les entreprises, mais nous constatons également que la périphérie de ses grandes villes connaît une très forte demande », indique Jean-François Peillon, directeur commercial territorial d’Icade. « Le dynamisme économique d’une région et son accessibilité sont des données très importantes pour choisir où investir. La qualité des équipements et de l’environnement du futur bien peut également guider le choix de l’investisseur, s’agissant par exemple d’un appartement pour une future retraite, des études des enfants, ou d’une résidence secondaire », ajoute l’expert. « D’une manière ou d’une autre, il y aura toujours un quartier plus attrayant que d’autres en fonction des besoins des habitants. Aussi, la demande sera toujours plus forte dans certains quartiers des métropoles comme Paris ou Marseille, le prix d’un loyer baissera de près de 200 euros pour peu que l’on change de trottoir. C’est pourquoi il importe toujours de connaître la ville dans laquelle on s’apprête à acheter un bien », précise Mickael Zonta, cofondateur d’Investissement-locatif.com. Question taille, les expert·es recommandent de se positionner sur des deux-pièces qui apparaissent comme la surface idéale pour des personnes en début de carrière ou des couples sans enfants. « Il est évident que les petites surfaces, studios et deux-pièces sont plus rentables que les appartements familiaux où les loyers sont plus faibles au mètre carré, à moins bien sûr d’opter pour de la colocation », confirme Manuel Ravier, cofondateur d’Investissement-locatif.com. D’un point de vue géographique, le professionnel recommande la périphérie des grandes villes et des capitales régionales en s’assurant que le bassin d’emplois y est important. « Ces zones doivent bien sûr être bien desservies et offrir suffisamment de services comme des écoles, des crèches, un hôpital. Il faut éviter les zones non matures, où les transports sont encore insuffisants et où malheureusement, une part trop importante de la population dispose d’un trop faible pouvoir d’achat. Le rendement brut d’un investissement au centre d’une grande ville avoisine les 4 % et peut atteindre 8 % en périphérie, comme à Roubaix par exemple, mais en étant très sélectif. »
Où habiter selon son budget ?
« Les prix de l’immobilier ont nettement progressé, exception faite de l’île-de-France, qui est la seule région à ne pas avoir retrouvé ses niveaux d’avant la pandémie. La hausse est particulièrement significative sur l’arc de cercle partant de Brest pour finir au Pays basque. Dans les villes moyennes, d’environ 100 000 habitants comme Tours, Chartes, Rouen, Amiens, la région lyonnaise mais aussi Brest, Rennes et Bordeaux, les prix ont bondi. Juste après le premier confinement, de nombreuses études montraient que les ménages souhaitent quitter leurs appartements au profit des maisons. Ils sont passés à l’acte avec un bond de 40 % des financements de maisons », observe Ludovic Huzieux, cofondateur d’Artémis courtage. C’est à Nice que le courtier Empruntis note la plus forte progression du budget mensuel de crédit (hors assurance) sur 20 ans (+10,4 %). Ce qui se traduit par une mensualité de 1 765 euros contre 1 598 euros il y a six mois. Ce chiffre n’est pas surprenant. Selon une étude réalisée par le Salon de l’immobilier neuf, Nice arrive en tête des villes les plus recherchées de France. À l’échelle nationale, le budget moyen d’un achat a grimpé, selon la même étude, de 6,9 % en un an pour approcher les 360 000 euros. Si la Côte d’Azur est hors budget, les belles opportunités ne manquent pas, assure Jean-François Payons. « En région Rhône-Alpes, par exemple, des communes comme Trévoux, Vénissieux Grand Parilly (proche du Metro et du parc de Parilly) ou encore des secteurs comme Barby, Cognin ou Saint-Alban Leysse, qui font partie du Grand Chambery, sont très attractifs. La métropole de Dijon reste aussi très demandée, avec des communes comme Quetigny ou Chenove, qui bénéficient d’un accès rapide à toutes les commodités, aux écoles et sont situées non loin des grandes villes comme Paris et Lyon ».
La hausse des taux complique la donne
La hausse des taux a un impact sur la capacité d’emprunt des futur·es acquéreur·ses, notamment les primo-accédant·es (en résidence principale). Les emprunteur·ses vont néanmoins continuer à compter sur le prêt à taux zéro et sur les aides d’action logement afin de compléter leur budget et accéder à la propriété. Pour les seconds accédant·es ou les investisseur·ses, la hausse des taux pourrait entraîner une réduction de l’enveloppe budgétaire, qui implique de faire des choix sur la typologie ou le secteur afin de rentrer dans son budget. « Néanmoins, nous pouvons relativiser en admettant que les taux restent historiquement bas malgré les hausses actuelles », estime Jean-François Peillon. Mais pour combien de temps ? « Le taux d’intérêt immobilier progresse clairement dans toutes les banques régionales comme nationales. Entre début mars et maintenant, le taux moyen est passé de 1,2 % à 1,5 %, soit une variation importante en seulement trois semaines. Après quatre ans de faiblesse des taux, cette remontée était attendue. Elle concerne tous les profils, tous les dossiers. Dans ce cadre, il apparaît clairement qu’il vaut mieux emprunter maintenant que dans trois mois ou plus », estime Ludovic Huzieux. D’autant que l’accès au crédit tend à se durcir. « Quand les banques ont atteint leur objectif annuel, elles ont tendance à refuser les dossiers. Pour autant, on peut espérer qu’elles se montrent moins difficiles avec la hausse des taux. Quand les taux montent, leurs bénéfices aussi », observe Sébastien Bareau, secrétaire général de l’Anacofi. Autre souci, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) a rendu obligatoire ses recommandations en début d’année. Cette décision commence à avoir un effet sur le financement de certains dossiers. Parmi les consignes : un taux d’effort des emprunteur·ses contractant un crédit immobilier qui ne doit pas excéder 35 % sur une durée de vingt-cinq ans.
Une marge de flexibilité a été accordée aux banques pour s’écarter de ces critères, à hauteur de 20 % de leur production trimestrielle de nouveaux crédits. « Sauf que les banques ne dérogent pas trop aux règles du HCSF en ce début d’année, elles semblent vouloir garder cette marge de manœuvre pour plus tard », ajoute Sébastien Bareau.
Pinel, c’est maintenant
Plusieurs dispositifs existent pour investir dans l’immobilier, le Pinel reste le plus répandu. Malheureusement, le taux de défiscalisation du Pinel baisse l’année prochaine et en 2024 tandis que les contraintes vont se renforcer et les coûts de construction progresser encore. Selon les calculs de Mathieu Mars, directeur commercial du groupe Patrimmofi, la rentabilité d’une opération sera divisée par deux entre aujourd’hui et 2024. Dans ce cadre, il apparaît judicieux de procéder cette année à une acquisition. « Le nouveau Pinel est synonyme de nouvelles normes, avec par exemple un nombre de pièces par mètre carré. Si je comprends qu’il faille préserver le confort des ménages, cette avalanche de restrictions risque fort de peser sur l’offre dans le neuf, ce qui va à l’inverse du souhait des pouvoirs publics et des besoins du marché », estime de son côté Sébastien Bareau. Et d’ajouter : « Auparavant, la règle d’or de l’investissement immobilier c’était “l’emplacement l’emplacement, l’emplacement”. Aujourd’hui, elle a changé et je dirais plutôt, “l’emplacement, l’environnement”. Bien sûr, le bien doit toujours être situé dans une grande ville, bien desservi, avec des services, mais il doit aussi répondre à des critères de performances énergétiques ». D’ici à 2025, les bailleur·ses ne pourront plus proposer à la location des logements étiquetés G (la loi Climat et résilience). Cette interdiction sera par la suite étendue aux biens classés F en 2028 et E en 2034, ce qui incite à réaliser des travaux de rénovation. « Peu de ménages connaissent le dispositif Loc’Avantages, – de quoi bénéficier d’une réduction fiscale importante, de 20 à 60 % sur les revenus, pense Sébastien Bareau. En contrepartie, le propriétaire s’engage à proposer son bien à un montant inférieur aux loyers du marché local et sous certaines conditions de ressources du locataire. » Il ou elle peut également obtenir des aides financières de l’Anah, l’Agence nationale de l’habitat, pour réaliser des travaux dans le logement qu’il met en location. Ce dispositif a de quoi inciter les propriétaires à faire de l’investissement locatif et ce d’autant que le neuf est devenu très cher. Et il semble acquis que le prix de l’immobilier neuf va accélérer dans les mois à venir en raison du manque de biens disponibles et de la hausse des coûts de construction liée aux nouvelles réglementations écologiques et à la hausse des matières premières aggravées encore par la guerre en Ukraine. « Pour tempérer les prix, les politiques doivent se saisir du sujet de l’insuffisance d’offre en Pinel en élargissant les zones et/ou en acceptant davantage de verticalité dans les constructions et, globalement, plus de construction », exhorte Bareau. Pour autant, Mathieu Mars bat en brèche l’idée selon laquelle le neuf serait plus cher que l’ancien. « Certes, le prix d’achat dans l’ancien est plus faible. Mais à ce prix s’ajoutent des frais de notaire plus élevés, des travaux et des provisions pour charges en vue de travaux des parties communes. Le prix final au mètre carré dans le neuf est devenu déjà moins élevé alors que la réduction fiscale n’est pas encore intégrée. Au total, un bien dans le neuf en Pinel ressort, selon mon estimation à 17 % moins cher que l’ancien. Le dispositif Pinel est accessible à tous, pourvu de ne pas dépasser le plafond des niches fiscales », précise Mathieu Mars.
Malraux et monuments historiques
Dans ce cadre, les dispositifs Malraux et monuments historiques restent particulièrement attractifs. Le Malraux est une question de zone. On achète, on réalise d’importants travaux et on défiscalise 20 à 30 % de ces travaux. L’atout du Malraux, c’est l’emplacement, qui est par définition toujours dans l’hypercentre. En contrepartie, le bien doit être loué au moins neuf ans. À l’issue de cette période, on passera en location meublée. « On trouve aujourd’hui encore de belles opérations. Près de Versailles, un programme se vend autour de 13 000 euros du mètre carré, ce qui n’est pas excessif au vu des prix du marché », observe Mathieu Mars. L’autre atout du Malraux, comme du monument historique d’ailleurs, c’est qu’on est hors plafond des niches fiscales. Avec le Malraux on obtient jusqu’à 120 000 euros de réduction d’impôts, ce qui est considérable. Et si la réduction n’est pas complètement utilisée, elle est reportable pendant quatre ans. Il n’y a pas de minimum au Malraux, on va trouver des biens accessibles à partir de 150 000 euros. Le monument historique est encore plus attractif puisque les travaux sont déductibles sans aucune limite de revenu. Un·e contribuable soumis à une TMI de 45 % et qui dépense 100 000 euros de travaux pourra en déduire 45 000 euros. « Investir dans un monument historique, c’est acquérir un bien d’exception. C’est comme acheter un sac Hermès plutôt qu’un Longchamp. On s’offre une part du patrimoine français. Les produits commencent à 150 000 euros, avec un général 100 000 euros de travaux », conclut l’expert.