L’Afrique subsaharienne, terre promise des start-up ?

A Nairobi, des fleurs, du soleil et de la tech...
A Nairobi, des fleurs, du soleil et de la tech...

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Entre le Maghreb et le géant sud-africain, la diagonale qui s’étend du Ghana au Mozambique affiche un potentiel de croissance et d’innovations insoupçonnées…

A Nairobi, des fleurs, du soleil et de la tech...
A Nairobi, des fleurs, du soleil et de la tech…

«L’Afrique est une terre riche d’innovations de tous genres, en créativité et en ressources naturelles désormais convoitées par le monde entier. » Cette citation tirée du livre d’Ibrahima Théo Lam « Entreprendre en Afrique, les clés de la réussite » (2014, l’Harmattan) illustre à merveille le réveil d’un continent qui pourrait très vite devenir la nouvelle terre promise des start-up et investisseurs. C’est du moins le pronostic d’un nombre croissant d’experts s’appuyant sur celui de la Banque mondiale elle-même, qui annonçait déjà en 2011 : « L’Afrique devrait connaître un décollage économique comme la Chine il y a 30 ans ou l’Inde il y a 20 ans ». Ainsi, au-delà du proche Maghreb et de l’émergente Afrique du Sud, une diagonale s’étendant du Ghana à l’ouest au Mozambique au sud affiche désormais un potentiel de taille dont les entrepreneurs de tout poil auraient tort de se priver. « La croissance moyenne de 5% par an, la forte hausse démographique – 25% de la population mondiale sera africaine en 2050 – tirée par le boom d’une classe moyenne au pouvoir d’achat de deux à dix dollars par jour sont autant de bons arguments », indique Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), en charge de l’Afrique. Analyse similaire de Hervé Schricke, président du club Afrique de l’Afic, Association française des investisseurs pour la croissance : « Le dynamisme de l’Afrique réside dans le développement d’une population urbaine dont le niveau de vie augmente rapidement. Les consommateurs de type “occidental” seront environ 250 millions d’ici 2050 et le PIB de l’Afrique atteindra alors celui de la Chine aujourd’hui. »

 

Des marchés foisonnants

On l’aura compris, de nouveaux marchés en pleine expansion et aux rendements élevés caractérisent désormais le continent. Comme celui du mobile avec plus de 70 millions de smartphones déjà en circulation (près de 360 millions le seront en 2025) d’après une étude MacKinsey de 2014, mais aussi les services financiers, la santé, l’éducation, l’agriculture, l’énergie solaire… Un constat qui doit certes être nuancé tant l’Afrique noire offre des contrastes multiples. « En effet, il n’existe pas une seule Afrique mais plusieurs, lance Philippe Hugon. En Afrique de l’Ouest, les côtes –surtout autour de Dakar et d’Abidjan – restent bien plus développées que les zones sahéliennes enclavées, tandis que l’Afrique de l’Est connaît un dynamisme global plus important. » A l’instar du Kenya, de la Tanzanie, et même de l’Ethiopie, véritable atelier agricole et industriel de la région, forte d’une industrie textile et de ressources hydrauliques colossales. Ces disparités se retrouvent aussi à l’intérieur des frontières. Exemple probant : le Nigéria, plus gros producteur africain de pétrole, dont la capitale économique, Lagos, entend s’imposer comme le “Dubaï de l’Afrique” tandis que le nord-est du pays est aux mains des terroristes de Boko Haram… C’est dire si beaucoup reste à faire sur ce continent fragilisé par la corruption, les inégalités et les conflits. Les récents évènements d’Abidjan ne vont rien arranger. « C’est le grand paradoxe de ce territoire qui offre certes des opportunités de business non négligeables, tout en souffrant d’une image négative, fruit d’une vision désuète et coloniale le résumant aux guerres, épidémies et famines », analyse Philippe Hugon, pour qui « la perception du risque chez de nombreux investisseurs tentés par l’Afrique s’avère finalement plus élevée que le risque en lui-même ».

 

Concurrencer la Chine

Résultat : le continent reste, à tort, délaissé par les investisseurs, start-up et PME françaises. Un constat partagé par Hervé Schricke : « Les acteurs français du capital-investissement sont encore peu présents en Afrique, notamment par rapport aux Anglo-Saxons très mobilisés en Afrique de l’Est où les pays sont anglophones. C’est d’ailleurs pour combler un tel retard, que nous avons créé en 2015 un club Afrique au sein de l’Afic. » De quoi concurrencer à terme les pays émergents, à l’instar de la Chine, de l’Inde ou encore du Brésil, qui se taillent la part du lion, depuis une bonne quinzaine d’années déjà, sur ce vaste marché. « D’autant que la plupart de ces pays, Chine en tête, sont davantage spécialistes du land grabbing en s’accaparant les terres africaines, que dans l’investissement dans l’industrie manufacturière locale. Une démarche court-termiste synonyme d’exploitation des ressources sur place et non pas de développement des infrastructures et de transferts de compétences », déplore Philippe Hugon. Et d’ajouter : « Aussi, le grand défi de l’Afrique en termes d’investissements est le développement de PME et start-up dans des filières industrielles, notamment au sein d’incubateurs et de pépinières existant au Ghana, en Ouganda, au Nigeria ou au Kenya, ou encore leur plus grande intégration dans les réseaux de sous-traitance de grands comptes comme Total ou Areva. »

 

Des banques encore frileuses ?

La bancarisation du continent constitue un autre enjeu clé. Et pour cause : « La plupart des banques africaines sont rentières, leur objectif est donc plus de vendre des services que de prêter aux investisseurs. Résultat : les jeunes entrepreneurs formés, vivant en Afrique comme en diaspora et désireux de prendre des risques pour monter leurs projets innovants ne peuvent s’appuyer sur ces banque frileuses », constate Philippe Hugon. Pour financer le développement des start-up, reste alors une seule alternative : « Les fonds de capital-risque, qui investissent certes encore peu sur le continent même si de tels acteurs sont voués à se développer en masse dans les prochaines années, et ce, dans tous les secteurs », estime Hervé Schricke, en rappelant que pour ces fonds, « la gageure consiste in fine à investir dans des pays africains aux spécificités business différentes, et ce, pour mieux répartir les risques entre un Nigéria à la croissance cyclique liée aux fluctuations du cours du pétrole, et une Côte d’Ivoire ou un Kenya aux économies a contrario peu dépendantes des matières premières ». Et parmi les acteurs européens du financement ayant déjà franchi un tel cap, impossible de faire l’impasse sur African Internet Group, filiale du groupe allemand Rocket affichant d’ores et déjà une douzaine de participations sur le continent, dans la grande distribution, le e-commerce, etc., ou encore Wendel Group présent en Afrique de l’Ouest et à Madagascar. L’autre signe d’un tel dynamisme entrepreneurial reste encore l’émergence d’un marché du crowdfunding avec, par exemple, le lancement de JumpStartAfrica se présentant comme la première plateforme de financement de projets d’innovations en Afrique. Alors, chers entrepreneurs, prêts à mettre, vous aussi, votre pierre à l’édifice ?

 

Charles Cohen

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