Noël en 2050

Pour des raisons d’égalité des genres au travail, la mère noël va remplacer le père noël avec le temps…
Pour des raisons d’égalité des genres au travail, la mère noël va remplacer le père noël avec le temps…

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Les innovations dans les jouets ou dans nos modes de vie changeront nos réveillons. Mais notre consommation sera-t-elle si différente ?

Pour des raisons d’égalité des genres au travail, la mère noël va remplacer le père noël avec le temps…
Pour des raisons d’égalité des genres au travail, la mère noël va remplacer le père noël avec le temps…

2050. Réveillon de Noël à Paris. Une fois les mets de la soirée dégustés – à base de criquets et de larves marinées –, les parents du petit Gaspard déposent au pied du sapin, rapporté le matin même du jardin communautaire de leur arrondissement, les cadeaux de l’année. Pour le père de cet enfant de huit ans, une nouvelle imprimante 3D à commande vocale et une adhésion annuelle au FabLab du «compound». Pour la mère, un dernier parfum personnalisé, élaboré à partir de son profil épidermique. Quant à Gaspard, il découvrira au réveil un nouveau «mur de jeux» en hologramme à ancrage mémoriel. Le tout dernier «mur de jeux» du genre, sorti quelques semaines plus tôt des studios chinois Xiufang… Un « vrai bijou », dixit son père qu’il aura tout de même payé la bagatelle de 120 bitcoins. Dans la cuisine, un petit robot-laveur s’active déjà pour débarrasser, nettoyer et ranger l’ensemble de la vaisselle du réveillon. Sur le côté, son «petit frère», un robot-aspirateur, est à l’arrêt. « Il est tombé en panne il y a plus de deux ans. Obsolescence programmée… », se désole la mère de Gaspard. « Impossible de faire réparer : les pièces coûtent aussi cher que le robot. Et c’est pareil pour tout ! » Depuis, toute la famille s’est alors pleinement convertie à la «sharing economy» (l’économie du partage). Un vieux concept – qui repose sur la mutualisation des outils et des produits de consommation – né dans les années 2010… « Nous partageons tout via le centre collaboratif du quartier : notre voiture à air liquide, ce robot-laveur et tout l’électro-cyber-ménager…, se réjouit-elle. Il n’y a finalement que nos ordinateurs optiques et ADN que nous ne mettons pas en commun. Et puis aussi, les cadeaux du petit comme son nouveau « mur de jeu  ». L’hyperconsommation, comme celle qu’a pu connaître leurs ainés ?

« Non merci, balaie le père de Gaspard. Ici, nous faisons le maximum pour contrôler et limiter nos besoins, mais ce n’est pas simple. » Sur le plan alimentaire d’abord : priorité aux circuits courts et aucune viande au menu. « De toute façon, la viande est presque devenue introuvable. » Il y a bien des cyber-boucheries mais, dit-il, « je ne connais personne qui s’y approvisionne ». Pour les voyages, cette famille parisienne privilégie par ailleurs les destinations de proximité (sur un rayon maximum de 300 km). Idem pour les loisirs : avec l’avènement ces dernières années des immenses «halls de jeux non connectés» – nouveaux espaces collectifs ouverts en lieu et place des anciens centres commerciaux – ils redécouvrent toutes sortes de jeux oubliés. « Monopoly, Scrabble, Tarot, etc. C’est formidable ! » Malgré tout, « notre consommation matérielle continue de croître », reconnait-il. Dans la famille de Gaspard, l’achat de biens neufs, comme ces cadeaux de Noël, restent de fait la norme. Comme la majorité des Français, Gaspard et ses parents maintiennent leur niveau de possession et d’usage de biens, même s’ils privilégient la mutualisation des produits. Une forme de paradoxe qu’anticipait déjà une étude parue il y a plus de 35 ans, émanant du think tank Futuribles International. Et depuis, aucune inversion de la consommation n’a été mesurée, à l’exception de certains produits aujourd’hui très peu consommés : carburants, viande, papier. Ce que notait d’ailleurs à la même époque Cécile Désaunay, directrice d’études dans ce même think tank (cf. ci-après). « Certaines baisses de consommation cachent des effets de substitution, comme celle de viande qui est notamment compensée par celle de lait, fromage et œufs, ou les journaux papier qui diminuent au profit des ordinateurs et tablettes », expliquait-elle ainsi dans les colonnes du quotidien (dans son édition papier à l’époque !) Le Monde… Sur ce point, rien de vraiment nouveau donc plus de trois décennies plus tard.

 

Cécile Désaunay, directrice d’études à Futuribles International, think-tank d’étude et de réflexion sur la prospective

« Les choses bougent plus au niveau local »

Quel sera, selon vous, le modèle de consommation dominant à Noël en 2050 ?

Difficile de prédire ce que sera notre société dans 35 ans. La devise de Futuribles est « l’avenir ne se prédit pas, il se construit ». Néanmoins, nous notons, à partir des tendances actuelles, une remise en cause profonde du modèle de l’hyperconsommation. Nous avons fait une étude rendue publique en 2014 intitulée «Produire et consommer à l’ère de la transition écologique» dans laquelle ressortent de nouveaux modes de consommation et de production aidés par des courants que sont l’économie circulaire ou collaborative. Ces nouveaux modèles, certes minoritaires aujourd’hui, peuvent, pour certains, s’inscrire dans la durée.

 

Quel est l’impact de ces courants sur nos modes de consommation actuels (et futurs) ?

Leur impact est non négligeable sur les consommateurs qui cherchent d’autres alternatives. Ils ont envie de donner du sens et d’être acteurs responsables de leur consommation. Or, ceux-là pourraient être de plus en plus nombreux car nous faisons face à deux blocages importants. D’une part, notre modèle repose sur une consommation de ressources naturelles (et humaines) limitées car non tenables. D’autre part, nos sociétés européennes sont déjà saturées de biens de consommation.

 

La classe politique française est-elle sensible à ces nouvelles formes de consommation qui pourraient sinon s’imposer, au moins se développer, d’ici à 20 ou 30 ans ?

Hormis quelques figures emblématiques, les personnes engagées actuellement sur la scène politique sont globalement mal à l’aise avec ces nouveaux modèles de consommation qui émergent. Ces politiques sont préoccupés avant tout par le chômage et la croissance du PIB. Au niveau local (région, villes…), les choses bougent davantage. Là, certains essaient vraiment d’inventer pour l’avenir un modèle de consommation viable qui prend en compte le partage des ressources.

Pierre Tiessen

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