Page 90 - EcoRéseau n°18
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n°18
arT DE VIVrE & PaTrIMOINE Regard sémantique
Depuis huit ans, Jeanne Bordeau compose des “tableaux de mots” à partir de collages issus d’articles de presse. Démonstratives et percutantes, ses “compositions sémantiques” accrochent le coeur et la raison. A la fois miroir et interprétation de l’actualité,
ses tableaux décryptent l’époque de manière presque prémonitoire.
Créations thématiques et singulières, ses tableaux mettent en scène les mots-clés d’une année dans des secteurs d’actualité majeurs : politique, économie, crise, culture, société, verbes, femmes, développement durable, ressources humaines, verbes. Chaque année, ces dix toiles forment ainsi “une tapisserie de Bayeux contemporaine” et sont exposées à la galerie Verneuil Saints-Pères à Paris.
La mémoire des mots
8 MARS, JOURNÉE SINGULIÈRE POUR FEMMES PLURIELLES
Nom du tableau : Femmes, Jane Bee Dico d’époque
© Jean-paul Goffard
En 2014, la femme est une amazone. Mais les vrais débats se jouent à l’étranger où « Effrontées » et « Femen » luttent. En Inde, des femmes meurent après
Femme... Libre de rêver de Georges Clooney ou de se dresser face aux horreurs de l’obscurantisme, pour le 8 mars, célébrons cette femme moderne... fasci- nante d’énergie dans la multiplicité de ses vies !
E
femmeengagées.com... Plus loin sur la page, Marie-Claire propose ce test : êtes-vous une femme enga- gée ?
Oui, cette année, une tendance : la femme n’est pas seulement cette candide qui voit la vie en rose et blanc sur aufeminin.com, c’est aussi une « engagée » pour la parité dans
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des « opérations de stérilisation » et la « rébellion » porte le « sari ». En Irak, la minorité des « Yezidis » est réduite en esclavage par les barbares de l’« Etat islamique ».
avec une hotte remplie «d’applis», Fashion advisor, Make up Mirror, Menstruation et Ovulation, Color and Style, la femme 2.0 se met à l’heure impudique de son corps. aujourd’hui, ces beautés techno peu- vent parfaire leur visage grâce à un « facialist » et ap- pellent à la rescousse un « love coach » pour panser leurs maux de cœur. Une poésie numérique déton- nante.
« La voix des Yezidis » est entendue par les icônes de 2014, comme Hillary Clinton déjà en lice pour suc- céder à Obama en 2016 et angelina Jolie qualifiée de « superwoman » et qui ne cache pas ses ambitions politiques : Hillary aura-t-elle une rivale ?
Par ordinateur interposé, on rêve d’un «corps zéro dé- faut» avec une barre pour les fans de fitness et de danse façon « X-tend barre » et on mémorise le ré- sultat de ses efforts grâce au « gymdating »... En 2014, la résolution affichée était de présenter « les plus belles fesses de la planète ». En 2013, il fallait rougir ses lè- vres et faire briller ses ongles en technicolor... Et en 2015, où se focaliseront les désirs de beauté ? Pendant ce temps, Barbie ne se vend plus, nos petites filles lui préfèrent la « poupée connectée » Cayla, consacrée « jouet de l’année ». Elle mesure 46 cm, et, « blondorama » oblige, arbore une longue cheve- lure blonde comme 85% des poupées vendues en France.
Quant à « Carla », « elle veut chanter », comme « Beyoncé » qui règne sur le planisphère musical. « Trierweiler » ne chante pas, elle vend des livres : déjà « 2 millions d’euros » de gains pour la « Peste- seller ». ségolène royal endosse la panoplie de vice- présidente. Julie Gayet, elle, se rêve en « femme engagée ».
Croisades de femmes
« Délit de mode », « corps de velours », « femmes fa- tales », « prisonnière de son look et de son âge », ce n’est pas la femme mère que les magazines célèbrent. La femme moderne possède des damiers de vies et existe encore sous la tyrannie de modèles contraires.
Mais à l’heure du « me-cosystème » il faut affronter une épreuve visuelle : le regard de l’autre, le « regard des hommes » qui « devient anxiogène »... On cherche à plaire mais on redoute le « harcèlement ». La rela- tion étroite entre « publicité » et « sexisme » est d’ail- leurs sévèrement dénoncée par le journal Louise. sur le web, les « digi-féministes », militent à coups de hashtags : « Bring back our girls » réclame la libéra- tion des 200 lycéennes enlevées par Boko Haram.
Rêves en séries !
Combats tout terrain
Comme de tradition, la presse féminine chasse les dif- ficultés du quotidien et publie du rêve en série : l’an- née 2014 ne fait pas exception avec le très people et médiatisé mariage à cent mille milliards de dollars de « George et Amal ».
Engagées !
Féminité en mouvement
En 2014, le comble du chic, c’est le « normcore », contraction de « normal » et de « hardcore », ou la banalité érigée en étendard. Un style façon steve Jobs ou Marc Zuckeberg pour une féminité minimaliste placée sous le signe de la contradiction ?
par
ngagé(e) : qui s’engage, donne des gages, prend posi- tion. Google propose le site
un pays où les récompenses se fémi- nisent : les audacieuses, le Trophée des femmes de l’industrie, la femme entrepreneur digitale de l’année... Engagée comme une digi-féministe avec #BringBackOurGirls, comme une Femen qui affiche son corps en étendard, ou une Yezidie qui fuit l’Etat islamique.
avec tant de force : mère mais fatale, soldate mais séductrice, fauchée mais modée, fatiguée mais écla- tante.
Jeanne Bordeau
Une féminité exposée sur papier glacé qui a pour égérie angelina Jolie, plusieurs fois consacrée femme de l’année et qui triomphe avec six enfants dans les jupons. En- gagée ? Oui, mais la femme contemporaine peut-elle mener tant de combats à la fois ?
Fondatrice de l’Institut de
la qualité d’expression
Engagée encore, en mode militaire chic, pour faire face à ces contradic- tions que la presse féminine reflète
Mars 2015
PROCHAIN NUMÉRO LE JEUDI 26 MARS 2015
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