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« Si la RSE attire, depuis plusieurs décennies déjà, un nombre toujours croissant de travaux de recherche, la question écologique n’a pas encore pénétré en profondeur l’ensemble des sciences de gestion », par Philippe Eynaud et Nathalie Lallemand-Stempak, enseignants-chercheurs à l’IAE Paris-Sorbonne.

TRIBUNE. Il est courant de penser que la transition écologique et sociale est du ressort de deux niveaux principaux. Le premier est celui de la responsabilité des États et se traduit par la mise en place de politiques publiques ciblées. Le deuxième relève de la responsabilité individuelle et conduit chacun de nous vers des comportements écoresponsables. Il existe cependant un troisième niveau tout à fait majeur : celui des organisations. Dans ce domaine, la contribution des sciences de gestion, bien que souvent négligée, est déterminante.
Selon Ipsos, plus des deux tiers de la population mondiale s’inquiètent de la crise climatique à l’œuvre. Cette inquiétude est légitime car sans politiques publiques coordonnées, les efforts individuels n’ont aucune chance d’aboutir. Or, force est de constater que les engagements pris en 2015 par les États signataires des Accords de Paris pour maintenir le réchauffement global en dessous de 2 degrés d’ici à la fin du siècle n’ont pas été tenus. L’État français a lui-même été reconnu coupable de carence en la matière1. Tout cela souligne l’importance d’une transition à opérer à l’échelle des organisations non-étatiques, en tant que maillon essentiel entre les États et les individus.
Vers un nouvel enseignement des sciences de gestion

Si la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) attire, depuis plusieurs décennies déjà, un nombre toujours croissant de travaux de recherche, la question écologique n’a pas encore pénétré en profondeur l’ensemble des sciences de gestion. L’adoption d’une perspective écologique pose, selon nous, plusieurs défis de taille. Nous en relevons deux : le premier réside dans la nécessité d’ouvrir les enseignements à la diversité des formes organisationnelles. Le modèle de l’organisation marchande à but lucratif n’est plus une référence suffisante. Un renouveau de la recherche est en cours sur les organisations dites « alternatives » : il permet d’explorer la possibilité d’un fonctionnement démocratique des organisations afin de ne pas dissocier les dimensions écologique et sociale de la transition à opérer. Le deuxième défi réside dans la transdisciplinarité. Souvent présentée comme une évidence, elle peine cependant encore à s’imposer dans le champ de la gestion, qui se pense comme largement autonome et soumise aux limites des sous-disciplines qui la constituent.
Derrière les récentes prises de paroles médiatisées des étudiants d’AgroParisTech, d’HEC et de Polytechnique, c’est toute une génération qui appelle à une véritable prise en compte des enjeux de la transition dans les contenus de formation de l’enseignement supérieur. La discipline des sciences de gestion ne peut pas laisser cette attente sans réponse. Nous nous réjouissons de la multiplication des initiatives au sein de la communauté académique, mais le chemin à parcourir reste long.
En cohérence avec tous ces enjeux, l’IAE Paris-Sorbonne Business School intègre dans sa stratégie une forte dimension RSE. L’école de management a ainsi été le premier établissement universitaire à s’engager dans une démarche Label Bas Carbonne (LBC). Son ambition est maintenant de poursuivre son effort de recherche et d’enseignement sur les questions en lien avec la transition écologique et sociale.
- Ce jugement a été rendu par le tribunal administratif de Paris dans le cadre de requêtes lancées par un collectif d’associations environnement regroupées sous l’entête « l’Affaire du siècle ».
Philippe Eynaud et Nathalie Lallemand-Stempak sont enseignants-chercheurs à l’IAE Paris-Sorbonne et membres du collectif FORTES. Ils ont coordonné, en 2022, la publication du « Petit manuel de la Grande transition : « Vers une autre gestion ». Philippe Eynaud est également membre du conseil d’administration du Réseau International de Recherche sur les Organisations du Développement Durable (RIODD).