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Marie-Eve Laporte est maîtresse de conférences à l’IAE Paris-Sorbonne Business School.
TRIBUNE. Les expressions qui mettent en avant les disciplines de la gestion et du management dans le langage courant sont rarement flatteuses : « c’est du marketing », « les requins de la finance », « les ressources inhumaines », etc. Et pourtant, les sciences de gestion peuvent – et doivent – jouer un rôle majeur dans la résolution des grands enjeux environnementaux et sociétaux auxquels le monde est aujourd’hui confronté. De quoi revenir sur la façon de les enseigner.
Des sciences de gestion qui font partie de la solution plutôt que du problème
La gestion et le management sont forgés par l’interaction entre les pratiques, les développements sociétaux, mais aussi la recherche académique. Les enseignants-chercheurs ont donc une responsabilité majeure auprès des étudiants et plus largement, de la société. Pourtant, la recherche a longtemps été absente des cours de gestion et de management, qui traditionnellement reposaient surtout sur des études de cas et l’apprentissage d’outils vus comme autant de baguettes magiques. Inclure de la recherche dans l’enseignement des sciences de gestion permet aux étudiants et citoyens de s’approprier des connaissances et des pratiques qui ont de la valeur pour eux-mêmes, pour les organisations auxquelles ils se destinent, et de façon plus large, pour la société. Cela apporte certes des connaissances et outils pour répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux actuels, mais aussi – et c’est sans doute le plus important – une capacité d’analyse critique. Nourrir les cours de travaux de recherche démontre que les connaissances ne sont pas figées mais en mouvement, et que les outils ne produisent pas toujours les effets souhaités. Cela bâtit des ponts entre le monde des académiques et celui des praticiens en laissant la place à la nuance, la réflexivité et l’ouverture.
L’illustration par les nudges
Les nudges sont ces « coups de pouce » issus des sciences comportementales, dont l’objet est de modifier les comportements en douceur et sans contrainte – par exemple, en incitant les personnes à emprunter les escaliers plutôt que les escalators par des messages d’encouragement sur les contremarches. Ils reposent sur une architecture de choix pensée pour favoriser le comportement jugé le plus souhaitable grâce à la connaissance des biais décisionnels des individus. Ils constituent en cela un outil puissant, notamment en politique publique, car ils facilitent les choix des personnes. Mais ils peuvent aussi être vus comme manipulatoires et soulèvent à ce titre des questions éthiques. Les bons cours sur les nudges nécessitent d’aborder les recherches sur le sujet et les controverses. Ainsi, Thaler et Sunstein1 considèrent qu’un nudge éthique est celui qui favorise le choix qu’auraient adopté les personnes si elles y avaient consacré le temps et l’énergie requis. En langage de chercheur, cela revient à faire prendre au système 1 (intuitif) la décision qu’aurait naturellement pris le système 2 (rationnel)2.
C’est dans cette visée transformative et responsable qu’à l’IAE Paris-Sorbonne Business School, la recherche irrigue les enseignements, en présentant aux étudiants les dernières connaissances de façon sincère, sans ignorer les débats et divergences d’approches, et en les sensibilisant aux aspects éthiques.
[1] Thaler R. et Sunstein C., Nudge, Vuibert, 2022 (2è édition)
[2] Kahneman D., Système 1 / Système 2 : les deux vitesses de la pensée, Flammarion, 2012