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Gilles Dreyfus est cofondateur et CEO de la start-up Jungle. Il revient en exclusivité pour ÉcoRéseau Business sur les spécificités de l’industrie du parfum.
TRIBUNE. On connaît l’industrie du parfum à travers ses icônes, ses slogans, et ses grands noms. Beaucoup moins au prisme de son importance pour notre patrimoine culturel et notre souveraineté. Et pourtant, la parfumerie représente à présent 30 % des exportations mondiales et près de 45 % des exportations à l’échelle européenne. Soit le deuxième secteur le plus représenté à l’export après l’aéronautique. Avec le développement de l’AgriTech et ses innovations, le secteur de la parfumerie se positionne définitivement comme l’une des industries d’avenir les plus prometteuses.
En 1614, lorsque Louis XIII crée la corporation des Maîtres Gantiers Parfumeurs, il scelle les métiers du cuir et de l’odorat pour ce qui demeure encore aujourd’hui la plus ancienne et la plus puissante alliance du luxe à la française. Cette même parfumerie, héritière de ce lien intime, est une filière qui employait près de 70 000 personnes à travers l’hexagone en 2019, pour fournir un marché de 45 milliards d’euros toujours plus demandeur puisque la seule parfumerie française, dite sélective, a connu une croissance de 15 % l’an passé.
Si à Grasse (Alpes-Maritimes) les laboratoires ont peu à peu remplacé les champs de fleurs (seulement 30 hectares aujourd’hui, contre 850 il y a 70 ans), l’industrie demande toujours davantage de matière naturelle pour satisfaire les nez les plus exigeants. La France peut compter sur ses plus de 50 000 hectares de surface de production de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) et sur ses talents, toujours prêts à inventer de nouvelles formes de culture qui permettent de faire fleurir les essences tout au long de l’année, peu importe les aléas climatiques. Muguet, jasmin, violette, rose, romarin, lavande et tant d’autres, la culture de matières premières odoriférantes et notre savoir-faire unique fondent la renommée et le prestige de la parfumerie à la française.
Un terrain d’innovations
Au regard du marché mondial, nous avons un avantage compétitif inédit à saisir : la capacité de produire toutes les senteurs et de maîtriser de bout en bout toute la chaîne de production de parfum, de la récolte des matières premières jusqu’à la distribution du produit fini. On pense trop souvent que la souveraineté et la croissance passent par les industries lourdes, mais force est de constater qu’elle peut aussi trouver son essence dans la terre.
Et ces plantes n’imprègnent pas seulement le monde du parfum. Comme nous l’a transmis l’héritage des apothicaires, la majorité de ces matières premières font également partie de la pharmacopée et contribue dans le même temps au renforcement de notre souveraineté sanitaire. Si la plante aromatique revêt de multiples usages, l’utilisation de son parfum n’échappe pas non plus à l’innovation. Comme les nouveaux moyens de pousse ou d’extraction, les nouvelles façons de revisiter la vaporisation pour repenser l’expérience, ou plus simplement les nouveaux outils de traçabilité. Oui, l’industrie innove et travaille à la définition d’une responsabilité au naturel. Sans jamais oublier les préoccupations environnementales et énergétiques qui traversent notre époque.
Formons le vœu que cette industrie au potentiel économique et culturel immense, trop souvent ignorée, fasse partie des priorités des pouvoirs publics à l’heure où ceux-ci décident d’investissements qui porteront leurs fruits d’ici à une génération.
Face à ces enjeux, nous devons retrouver notre ferveur d’antan, pour continuer d’inspirer par-delà nos frontières : distiller ici et là l’idée d’une élégance à la française, d’un juste accord entre terroir, tradition et innovation.