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Par Jean Kramarz, responsable business developpement d’Ifeel – entreprise spécialisée dans le bien-être des collaborateurs. Dans le cadre de la semaine pour la qualité de vie et des conditions de travail (19-23 juin).
TRIBUNE. Dans une étude Malakoff Humanis publiée l’an dernier, le travail apparait comme l’un des principaux facteurs de mal-être : 44 % des jeunes et 35 % de l’ensemble des salariés qui jugent négativement leur santé mentale, l’expliquent par le seul contexte professionnel. Deux tiers d’entre eux pointent du doigt l’intensité et le temps de travail tandis que près de la moitié évoque une dégradation des rapports sociaux au travail.
L’étude Mind Health d’AXA, réalisée à l’échelle européenne en 2023, va même plus loin. Elle met en lumière les difficultés accrues pour les femmes (pour qui il est plus difficile de déconnecter et de ménager un équilibre entre vie professionnelle et vie privée) et pour les jeunes (plus sujets à l’addiction aux écrans).
La prise en compte de la santé mentale, autrefois jugée délicate, difficile à aborder et à traiter pour les entreprises, a donc évolué. Ce sujet n’est plus tabou. Fort heureusement…
Le mal-être mental, mal du siècle ?
La santé mentale a longtemps été l’angle mort de la médecine préventive et de la santé en entreprise. En effet, se présenter aux autres – notamment dans l’univers professionnel – comme « une personne à problèmes » n’a rien d’évident !
Les entreprises, elles, avaient des réticences à se saisir de ce sujet, en apparence moins objectivable que la maladie professionnelle ou l’accident du travail. Cela s’expliquait par la crainte de voir mis en cause son système managérial et la difficulté à distinguer les facteurs d’ordre privé de ceux d’ordre professionnel, dans le mal-être des salariés.
Mais la pandémie, le stress lié aux risques de contamination, le confinement, le recours forcé au télétravail, ont été de vrais révélateurs. Avec le home-office, la frontière déjà poreuse entre vie professionnelle, vie privée et environnement général a volé en éclats. Si aujourd’hui, la covid-19 fait moins peur, d’autres facteurs d’angoisse liés à notre environnement demeurent : éco-anxiété, guerre aux frontières de l’Europe, inflation… pour ne citer que les plus évidents. Et dorénavant, les entreprises ont compris qu’elles pouvaient, si elles s’engageaient, prévenir les risques en matière de santé mentale.
Un impact multiforme sur les entreprises
Ce mal-être qui progresse, deuxième cause d’arrêt de travail derrière les troubles musculo squelettiques, a de multiples conséquences négatives sur la vie de l’entreprise. Arrive en tête le coût de l’absentéisme : arrêts de courte durée (qui désorganisent les services) ou absences de longue durée (qui pèsent sur le coût de l’assurance prévoyance). À cela, vous pouvez ajouter le « présentéisme »: ces salariés présents mais complètement désengagés et donc moins productifs.
Allons même plus loin. Nos interlocuteurs dans le monde de l’industrie, par exemple, insistent sur les risques industriels et environnementaux ou sur les accidents du travail dits « classiques » qui peuvent être la conséquence de difficultés de sommeil ou d’une dépression non détectée.
Dans le secteur du commerce, l’agressivité des clients, liée à l’inflation par exemple, peut être une source de stress importante. L’agressivité appelant l’agressivité, cela peut vite déraper si les collaborateurs ont une santé mentale trop fragile. C’est alors toute l’image de l’entreprise qui s’en retrouve ternie.
Des outils pour agir
De nombreuses entreprises se sont lancées sur le marché du soutien aux entreprises et aux employés pour les aider à mieux gérer ce mal du siècle. Malgré tout, un grand nombre d’entre elles sont sous-exploitées. Alors comment choisir ? Selon nous, un dispositif efficace s’appuiera sur :
- Les nouvelles technologies
D’une part, elles permettent de s’adapter aux pratiques de vie des collaborateurs, ces solutions étant souvent accessibles sur mobiles, 24 heures sur 24. D’autre part, elles facilitent et démocratisent l’accès à ce type de soins, car rappelons-le, la recherche d’un thérapeute en ville peut décourager des personnes en souffrance.
- L’expertise de professionnels de santé certifiés
Il ne suffit pas de donner quelques conseils de self-care pour prévenir un burn out ou une dépression, cela nécessite l’expérience et les connaissances de professionnels de santé. Ainsi tous les contenus et les outils doivent être visés par ces spécialistes. Bien sûr c’est d’autant plus important si la solution va plus loin et entre dans la sphère de la thérapie.
Dernier conseil pour ceux qui souhaiteraient s’engager sur ce sujet : toute politique de santé mentale en entreprise doit avoir pour objectif la prévention des troubles les plus graves (burn out, dépression, baby-blues, etc.) donnant lieu à des arrêts de travail longs. La solution mise en place devra donc être en mesure de détecter rapidement les personnes fragiles et de leur proposer des solutions de thérapie immédiates, avant que le problème ne s’installe.