Comment la grande distribution va tenter d’éviter la flambée des prix

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Stéphanie Bompas

Stéphanie Bompas est présidente de CMV Informatics. Elle revient pour EcoRéseau Business sur les remèdes à l’explosion des prix dans la grande distribution.

TRIBUNE. Parce qu’ils prennent en compte un grand nombre de paramètres, les logiciels de calcul de prix utilisés par la grande distribution visent aujourd’hui à ménager les intérêts des enseignes, de leurs fournisseurs, des producteurs, des consommateurs et, en prime, à limiter le gâchis.

Envolée des prix de l’énergie, hausse de 30 % des cours du blé, de 65 % pour les oléagineux, retour de l’inflation qui a atteint 7 % aux États-Unis en 2021, un record depuis 40 ans. Il n’en faut pas davantage pour que des experts annoncent une augmentation de 4 % du chariot moyen des ménages français en 2022 alors que certains fournisseurs tentent de faire passer des hausses de prix de 7 %… et que la loi Egalim2 entre en vigueur pour protéger davantage la rémunération des agriculteurs.

La désorganisation des chaînes logistiques sur fond de crise sanitaire, la tension sur les matières premières alimentée par une forte reprise économique dans certaines régions du monde ou encore des incertitudes sur l’évolution de la conjoncture économique et des grands équilibres politiques mondiaux entretiennent un flou qui complique les prévisions de prix des distributeurs. Faute d’outils performants pour les calculer au plus juste, la situation pourrait devenir explosive. D’autant plus dans un contexte de surenchère électorale.

Selon une étude publiée par le site Internet Comarketing News, 55 % des Français·es déclarent faire désormais davantage attention aux prix et aux promotions qu’en 2019. Ils·elles sont encore plus nombreux·ses (65 %) à déplorer des fins de mois difficiles, sans possibilité d’épargner.

Place à des logiciels spécialisés

En même temps, dans le public, la prise de conscience du changement climatique continue à progresser, tout comme la volonté de « consommer mieux ». Le commerce équitable dépasse désormais le cadre du militantisme des débuts. En parallèle, les Français·es, dans leur grande majorité, n’ont pas d’autre choix que d’acheter les produits les moins chers.

Dans ces conditions, pour les distributeurs, fixer des prix tient de la quadrature du cercle. Bien que toujours en usage chez certains, la vieille technique qui consiste à faire pression sur les producteurs pour acheter le moins cher possible a atteint ses limites. Surtout, cela ne permet pas aux enseignes de se différencier, en incluant de la qualité, de l’éthique et une part de protection de l’environnement dans leurs prix.

Pour y parvenir, les distributeurs les plus avancés utilisent des logiciels spécialisés pour établir et appliquer une stratégie de prix grâce à une analyse multicritères et des simulations. Le suivi permanent des effets de cette politique permet aussi de corriger très vite la stratégie appliquée et d’optimiser la performance de l’enseigne.

Pour autant, le logiciel reste un outil et il est important de se faire accompagner par des experts dans la définition de la stratégie de prix. On peut ainsi l’affiner pour passer par exemple d’un modèle fondé sur la méthode du prix de revient majoré, finalement assez basique, à une stratégie plus évoluée de volume de marge maximum.

Prévoir les tendances de la consommation

Associées à l’intelligence artificielle, les données autorisent aussi à proposer des parcours clients personnalisés et d’anticiper les futures tendances de consommation. Une manière de prévoir les volumes de ventes avec suffisamment de précision et éviter la surproduction.

Gare toutefois à ne pas tomber dans le piège de la technique pure. Comme dans d’autres domaines, l’intelligence artificielle, le machine learning et le big data font bien sûr leur apparition dans les logiciels de calcul de prix pour traiter un grand nombre de données et les analyser afin de simplifier encore le processus. Or il faut être conscient que cela suppose d’être capable d’entraîner correctement les moteurs d’intelligence artificielle afin d’atteindre le niveau de précision nécessaire pour une enseigne. Dont la marge d’exploitation dépend de la qualité de la politique de prix. C’est donc un travail sur le long-terme qu’il faut envisager.

Cependant, il faut aussi pouvoir connaître et comprendre sur quelles bases le logiciel s’appuie pour livrer ses recommandations. Rien de plus dangereux, en effet, pour une enseigne, que de confier une tâche aussi stratégique à une « boîte noire » dont les algorithmes risquent de ne pas interpréter correctement les propositions de l’intelligence artificielle. Certains logiciels font ainsi des recommandations de prix sans en montrer les tenants et aboutissants. Il est alors difficile pour une équipe chargée du calcul des prix de les suivre. L’investissement dans la technologie ne peut faire l’économie des ressources humaines correspondantes. La cohérence d’une stratégie de prix est à ce… prix !

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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