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professionnel de la communication et ex-directeur général de Ionis Education Group
« Les réseaux sociaux redonnent le droit d’expression, la parole, l’existence visible et vivante à l’individu »
C’est vendredi. Les lamantins se lamentent et le temps est à la réflexion. Mais pourquoi les réseaux sociaux gagnent encore?
Cette semaine, en observant le spectacle formidable d’humanité et d’intelligence des réseaux sociaux je me suis posé la question stupide et si essentielle de l‘addiction aux réseaux sociaux, de la continuelle progression.
Parce qu’enfin. Si on enlève la pléthore d’« influenceurs » qui ne montrent que leurs visages refaits et leurs lèvres gonflées à l’hélium, si on oublie ces fameux « entrepreneurs » qui ont réussi des coups de vente et qui finiront en majorité dans l’oubli et l’insuccès, si l’on passe sur « t’as fait quoi et du coup » et les « j’suis pas d’accord et du coup », pourquoi est-on accro?
Est-ce parce qu’on a le sentiment d’exister?
Est-ce parce qu’on croit être quelqu’un en activant un like?
Est-ce parce qu’on devient membre d’un groupe, comme eux, tout pareil ? Ces réseaux sont pathétiques et exceptionnels parce qu’on y passe du temps, on y perd du temps, on s’amollit et on se dévalorise en tentant de rentrer dans l’opinion générale par peur de trop se différencier. Et en même temps, oui je sais cela vous rappelle quelqu’un, on s’exprime, on converse, on affirme ce qu’on est et ce que l’on croit, on s’affirme, on se lie, on se délie.
Comme si la finalité positive, en tout cas de ce qui fait leur succès et leur capacité à durer, au-delà des changements de noms ou d’approches, c’est que l’individu semble devenir un acteur, un « membre de la bande », et non plus un spectateur exclu, de l’autre côté, apte seulement à recevoir de l’info ou du divertissement.
Le réseau social redonne le droit d’expression, la parole, l’existence visible et vivante à l’individu. Et cela suffit pour croire qu’au-delà des nouvelles réussites de certains et d’échecs d’autres, ils sont là pour durer, se développer, se diversifier, prendre la place d’autres médias. Alors les flots de stupidités, de manipulations et de mensonges ne doivent pas cacher la conséquence immense née voilà 25 ans : la possibilité donnée d’être davantage acteur de sa vie, émetteur et non plus récepteur, engagé et non plus receveur passif devant son petit écran. Si ce n’est pas une révolution…
Voilà pourquoi la critique des réseaux sociaux, plus facile à déclamer que leurs vertus, mérite une certaine retenue, du moins une réflexion qui va au-delà des seules dimensions médiatiques, qui se nourrissent toujours plus du mal que du bien, de l’inhumain que de l’humain.