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professionnel de la communication et directeur général de Ionis Education Group
On ne condamne pas seulement la politique d’un pays, comme on a tenté de le faire dans d’autres périodes avec les États-Unis, la Russie, l’Allemagne. On condamne directement la raison d’être, une aberration écologique, une exploitation humaine.
Après plusieurs années d’hésitations, de petites protestations peu médiatisées, de rares coups d’éclat, et à quelques semaines de l’ouverture officielle de la Coupe du monde de football au Qatar, les appels au boycott de cette compétition mondiale majeure s’intensifient.
Et les parties prenantes de rappeler d’autres mobilisations passées, toutes conduites avec plus d’énergie et d’engagement, depuis les Jeux Olympiques de Berlin, de Montréal, de Moscou, de Pékin jusqu’à diverses Coupes du monde de football, dont celle de 1978 en Argentine. Sans oublier des actions plus spécifiques comme celles menées contre les matches de la NBA en 2020. Finalement on retient les grands moments sportifs et les exploits. Et s’il est difficile d’affirmer que les boycotts ont été des réussites quand quelques matches sont supprimés, que quelques pays ne participent pas, que l’évènement a lieu, les mobilisations laissent des traces qui favorisent, par la suite, le changement. Il suffit de se souvenir de l’Afrique du Sud rejetée des compétitions mondiales et de la manière dont l’isolement a progressivement miné la confiance que le pays entretenait en sa politique.
L’organisation pointée du doigt
Pourtant, nous avons affaire à un événement différent à plus d’un titre des boycotts désormais traditionnels. L’appel du boycott du Qatar ne fonctionne pas de manière identique à ces conflits qui avaient comme raison d’être une opposition à des politiques répressives, des conduites non éthiques. Des matches de baseball ou d’autres sports ont été annulés aux États-Unis dans le sillage du mouvement « Black Lives Matter ». Les Jeux Olympiques de Moscou ont finalement vu 81 pays participer alors que l’Afghanistan était envahi. Et si quelques pays ont refusé de venir aux Jeux Olympiques d’hiver organisés par la Chine en 2022, ces derniers ont eu lieu avec les immenses dépenses, la couverture médiatique mondiale et la passion pour les exploits sportifs.
Dans le cas des prochains championnats du monde de football la politique ne rentre pas en considération, du moins en tant que priorité unique.
C’est l’organisation elle-même de cet événement qui est critiquée et ses implications. Les appels concernant le refus de participer soulignent la question omniprésente qui se rapporte aux respects des droits de l’homme. Mais il s’agit aussi de condamner les conditions terribles de travail et le nombre très élevé de morts directement liés à ces chantiers colossaux, les atteintes très graves aux principes écologiques ou au minimum de respect qu’on peut attendre de tels événements sur cette dimension vitale.
La climatisation à outrance des stades, alors qu’on vient de passer l’un des pires étés du siècle et que la question environnementale se trouve plus que jamais au cœur de nos inquiétudes, ne peut être passée par « pertes et profits ». Il s’agit d’une immense aberration écologique comme le soulignait si justement Vincent Lindon.
Une cause juste
On savait depuis longtemps ce que serait l’empreinte carbone de ces jeux. On savait aussi que le décompte macabre des conditions de travail sur les chantiers se chiffrerait en milliers de morts. On savait que des conditions particulières seraient exigées en matière de libertés, que l’homosexualité était passible d’une peine de prison, que les droits des femmes étaient bafoués, que l’intolérance était quotidienne.
Le réveil est tardif et le rouleau compresseur médiatique risque fort de renvoyer Lindon, Cantona et les protestataires dans le camp des « mauvais joueurs », des « boudeurs professionnels » ou des contestataires de « tout et de rien ». Malheureusement pour une cause juste il faut se réveiller à temps et entre la condamnation a posteriori des exactions et le plaisir attendu et stimulé par tous les médias du monde, la cause risque d’être entendue.
Dommage car le boycott des championnats du monde de football au Qatar est l’un des premiers qui unit directement le conflit et la réalité au quotidien de l’événement.
On ne condamne pas seulement la politique d’un pays, comme on a tenté de le faire dans d’autres périodes avec les États-Unis, la Russie, l’Allemagne. On condamne directement la raison d’être, une aberration écologique, une exploitation humaine, une collusion avec des principes dits moraux inacceptables en 2022.