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Bon courage aux lobbys !
Un flot continu de textes réglementaires à l’échelle européenne et nationale est en train de susciter concrètement la transition. Plus tôt les entreprises intégreront ces nouvelles conditions d’exercice, plus rapidement elles bénéficieront des opportunités proposées.
Treize propositions législatives ont été présentées le 14 juillet 2021 par la Commission européenne. Toutes visent à favoriser, induire, susciter (enfin !) une économie durable et neutre en carbone. « Ces objectifs ne sont plus des aspirations ni des ambitions, mais des obligations, énoncées dans la première loi européenne sur le climat, qui créent de nouvelles possibilités d’innovation, d’investissement et d’emploi », se félicite la Commission européenne.
« Le train de propositions vise à ajuster l’Union à l’objectif 55 (réduction de 55 % des émissions carbone de 2019 d’ici à 2030) et à mener à bien la transformation radicale nécessaire dans l’ensemble de notre économie, de notre société et de notre industrie », affirme la Commission européenne. Ce paquet législatif devrait être adopté au plus tard en 2023 par le Conseil et le Parlement, à l’exception des textes fiscaux qui devront être votés à l’unanimité du Conseil. Les forêts – donc notre maison, comme dirait feu Chirac – brûlent partout dans le monde. Si les entreprises – toutes – veulent espérer poursuivre leurs activités, elles doivent s’inscrire dans la transition climatique perçue comme une aubaine, pas du tout une contrainte à contourner. Car…
… l’inaction coûte plus cher que l’agir
« Le prix de l’inaction excède de toute évidence le coût de la réalisation de nos ambitions en matière de climat », rappelle la Commission. Ce sont 1 000 milliards d’euros sur 10 ans qui seront mobilisés pour la transition verte. En réalité, il faudrait au moins le double selon d’autres estimations. Cette transition nécessaire pourrait « en outre se réaliser à coût net nul pour la société, et également générer un gain net d’emplois », analysent les consultants du cabinet McKinsey dans un rapport : Réussir la transition de l’Europe vers la neutralité carbone.
Des mesures de protection
Ce paquet législatif contient un grand nombre de mesures réglementaires que les États membres sont tenus d’intégrer au sein de leurs propres plans de relance afin de bénéficier d’un soutien de la Commission. Ce soutien est accordé selon le respect de 11 critères dont le climat et l’environnement.
Autre critère de soutien : « Aucune mesure incluse dans un Plan pour la reprise et la résilience (le PRR) ne doit causer de préjudice important aux objectifs environnementaux au sens de l’article 17 du règlement sur la taxinomie. »
Le nouveau cadre proposé est fondamental. Il détermine les conditions d’exercice des entreprises et des acteurs économiques d’ici à 2030. Les huit actes législatifs existants sont renforcés et cinq nouvelles initiatives sont proposées dans la protection du climat, la production d’énergie et les carburants, le transport, les bâtiments, comme dans l’utilisation des terres et la foresterie. Plusieurs dizaines de textes seront modifiés dans les mois et années à venir avec des conséquences importantes pour les entreprises. L’ensemble des activités va devoir intégrer ces exigences et les modèles se repenser profondément. Certaines activités devront probablement se relocaliser.
Abaissement des autorisations d’émissions
L’une des premières mesures présentées est la révision du système d’échange de quotas d’émission de CO2. Les autorisations d’émissions seront revues à la baisse. Le système d’échange de quotas d’émission pourrait se voir en outre élargi aux secteurs maritime et aérien (aujourd’hui exemptés). Un nouveau système distinct concernera le transport routier et les bâtiments. Ces nouvelles recettes pour les États seront sans doute fléchées en totalité pour des projets liés au climat. « Une partie des revenus du nouveau système… devrait couvrir l’impact social des ménages vulnérables, les petites entreprises et les usagers du transport ». Le conditionnel étonne.
Un prix du carbone sur les importations sera désormais proposé. Il vise à encourager les relocalisations en établissant un tarif opposé à toutes les entreprises qui ont accès au marché européen. Il s’agit également de réduire les distorsions de concurrence avec les entreprises étrangères tout en favorisant le verdissement des chaînes de valeur mondiales.
Une mobilité plus propre
Le secteur de l’automobile devrait rapidement se voir imposer des normes plus strictes contre les émissions. Objectif : 0 émission de CO2 dès 2035. C’est le glas définitif du marché des véhicules thermiques. Le secteur de la mobilité devrait évoluer vers de nouvelles offres de services multimodaux autour de solutions innovantes de mobilité, mais aussi vers la location ou les ventes de véhicules électriques et hydrogènes. Les secteurs de l’aviation et maritimes vont dans la foulée connaître les transitions vers les énergies propres. Par exemple, les ports et aéroports devront proposer des approvisionnements en solutions propres.
La fiscalité des carburants et combustibles fossiles, à travers la révision de la directive de taxation, va poursuivre sa hausse pour que l’ensemble des usagers se tournent vers des solutions moins polluantes. La flambée actuelle des prix, due à la rareté entretenue par les pays producteurs et l’effet covid, n’est que l’amorce d’une « inflation » qui va rendre « le plein » inaccessible.
L’UE accorde ses violons : son ambition : produire 40 % de l’énergie à partir de sources renouvelables. La directive prévoit d’introduire des critères de durabilité de bioénergie pour soutenir les filières en quête de nouveaux carburants et technologies nouvelles.
Le bâtiment est prioritaire
La réduction des émissions dans les secteurs prioritaires que sont le bâtiment, le transport routier et maritime intérieur, l’agriculture, les déchets et petites industries va s’accélérer avec le règlement sur la répartition de l’effort. Ce texte impose aux États la mise en place de politiques de réduction drastique.
La directive sur l’efficacité énergétique vient compléter ces mesures en fixant un objectif annuel contraignant aux États. Ils devront limiter coûte que coûte les consommations d’énergie. Investir, par exemple, dans la rénovation d’au moins 3 % des bâtiments publics chaque année (c’est énorme !). Signal fort pour les entreprises de la rénovation ou fournisseurs de technologies énergétiques ou intelligentes : les commandes et les prix sont mécaniquement soutenus.
Les compensations carbone sont encouragées. Le règlement sur l’utilisation des terres, la foresterie et l’agriculture impose un objectif global de l’UE pour éliminer le carbone par des solutions naturelles. Ces secteurs seront dopés par les financements et la demande de compensation des émissions. Une stratégie et un plan forestier visent à planter 3 milliards d’arbres en Europe d’ici à 2030 et favoriser les activités liées aux écosystèmes.
Aucune mesure pour la formation
La mise en œuvre de ces mesures pourrait faciliter la coordination à l’échelle européenne tout en offrant un cadre aux entreprises en transition et porteuses d’innovations à faible émission carbone.
Mais les entreprises de certains secteurs prioritaires déjà en tension vont se trouver confrontées à des besoins accrus de compétences et de formations. Plusieurs études montrent qu’environ 20 millions de personnes auraient besoin d’une formation pour s’adapter et répondre aux attentes. Moyennant quoi, 11 millions d’emplois nés des transitions sont attendus. Pour l’instant, aucun texte n’est envisagé malgré l’urgence.
On a vu les constructeurs automobiles réagir très vite à l’exigence de l’abandon du « thermique ». Il faut que chaque filière adopte s’adapte aux ruptures climatiques : il ne sert à rien de poursuivre un mode de production générateur d’effet de serre en passe de désintégrer les activités humaines et ses modes agricoles. Et alors même que l’Europe ne constitue qu’une partie de la « solution ». Le Medef français l’affirme : énoncez les contraintes, nous nous adapterons. C’est l’instant.
Patrice Remeur