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Les PME et TPE représentent 99,8 % des entreprises françaises. Excusez du peu. Il va sans dire qu’en matière de transition climatique et d’intégration de nouveaux impératifs écologiques, elles jouent, et joueront, l’un des premiers rôles. Si le vent de la transition souffle depuis plusieurs printemps, le plan France Relance l’a érigé en pilier. Nouvelles aides et contraintes à la clé pour alimenter la dynamique. Et inciter à l’engagement des entreprises. L’écologie ne fait pas encore loi. Elle va le devenir. Nul ne peut plus ignorer la transition.
La réussite de la transition écologique et climatique globale passera inévitablement par les entreprises en général et par les PME/TPE en particulier. Le législateur et les gouvernements successifs l’ont bien compris. En atteste la récente Loi climat et résilience, promulguée et publiée au Journal officiel le mardi 24 août 2021. Dans le droit fil de la dynamique nourrie par le plan France Relance, le texte ancre définitivement l’écologie dans toutes les strates de la société, a fortiori dans nos modes de consommation et, donc, de production. Sur les 100 milliards d’euros du plan de Relance, 30 sont exclusivement consacrés aux investissements verts. Pour répondre à deux objectifs affirmés : décarboner l’économie en réduisant nos émissions de carbone de 40 % par rapport à 1990 d’ici à 2030 et soutenir nos secteurs d’avenir en misant sur les technologies vertes (hydrogène, recyclage, biocarburants…).
À tous les stades, les exigences environnementales s’imposent dans le paysage et leur intégration constitue un enjeu de premier plan pour les entreprises. Et un impératif : dans le cadre de la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable, les chef·fes d’entreprise doivent prendre en compte les impératifs environnementaux dans leur développement. Transition énergétique et économies d’énergie, économie circulaire et durable, contrôle de l’empreinte carbone, intégration de pratiques écolos… Les leviers de la transition écologique sont autant de sources, pour les entreprises, de renouveau et d’adaptation aux évolutions du marché et aux nouvelles exigences de consommation. Mais sont aussi synonymes de contraintes et de normes repensées. Pour François Asselin, président de la Confédération des PME (CPME), les petites entreprises se sont emparées de la transition à bras-le-corps : « Les TPE et PME ne sont pas étrangères à cette transition, elles sont très actives et innovantes en la matière, nous nous battons depuis toujours pour que la transition écologique soit une opportunité et un levier d’incitation positif plutôt qu’une contrainte qui pèserait sur les entreprises. » Contraintes pour les uns, incitations et nécessités environnementales pour les autres, une chose est sûre : la transition ne s’opérera pas sans mesures de rupture.
Obligations et nouvelles normes

Plus qu’une simple lame de fond, la transition écologique est devenu un enjeu de compétitivité pour les entreprises qui constatent d’année en année que les préoccupations et attentes de leurs clients tendent vers un engagement écologique affirmé. Selon le baromètre 2020 Epoka-Harris Interactive réalisé pour l’Agence de la transition écologique (Ademe), l’environnement est la deuxième préoccupation principale des salarié·es et la première pour les jeunes de moins de 35 ans. « C’est le plus souvent le marché qui décide, la clientèle est de plus en plus sensible aux enjeux écologiques et climatiques, à l’instar de l’essor des produits bios. Immanquablement, les acteurs économiques doivent s’adapter aux nouvelles attentes, c’est vital », confirme François Asselin. S’adapter aux nouvelles attentes oui, mais aussi se plier aux nouvelles exigences. Comme tout en chacun, une entreprise a des obligations vis-à-vis de l’environnement et du développement durable, notamment en matière de pollution des sols, de l’eau et de l’air, et de gestion des déchets. Selon l’activité et le nombre de salarié·es, un bilan carbone et un inventaire de la production de déchets vont devenir obligatoires. Parmi les exemples d’impositions récentes : la vignette Crit’Air, certificat apposé sur les véhicules professionnels, est désormais obligatoire pour circuler lors d’un pic de pollution et en cas de circulation différenciée.
À coup de décrets, les obligations énergétiques s’affinent à leur tour. Dans la foulée du plan France Relance, le décret du 3 juin 2021 (n° 2021-712) détermine de nouvelles obligations et limitations par type d’énergie pour les entreprises, pour la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025. Une contrainte potentielle pour les PME qui devront notamment s’assurer de la bonne gestion énergétique de leur parc immobilier et de leurs moyens et carburants de production. Le « décret tertiaire », appliqué depuis le 1er octobre 2019, impose une première échéance à l’horizon 2030 pour les entreprises soumises à des obligations d’efficacité énergétique.
Là encore, il s’agit de donner aux acteurs les moyens de répondre aux exigences. En la matière, François Asselin observe un déséquilibre : « Tout n’est pas à jeter, mais ce n’est pas idéal, lorsque par exemple vous mettez en place des zones à faibles émissions, les ZFE, mais qu’en face les moyens et infrastructures à disposition ne suffisent pas, les entreprises ne pourront pas satisfaire aux contraintes. Si vous voulez développer une flotte électrique, j’aime autant vous dire qu’il vaut mieux être près d’une borne ! »
Transition accompagnée
Le législateur et les pouvoirs publics, fort heureusement, ne se contentent pas d’aligner les contraintes en matière de transition écologique. Pour inciter toujours plus d’entreprises à s’engager plus avant pour le climat et l’environnement, les aides à la transition des PME se multiplient. Toujours lui, le plan France Relance a apporté son lot de nouveautés : l’Ademe propose dès 2021 des aides financières repensées, via le guichet Tremplin pour la transition écologique des PME, destinées aux TPE et PME qui souhaitent financier un projet de transition. Le dispositif donne accès à des aides forfaitaires pour financer par exemple l’acquisition de véhicules électriques, d’équipements de réduction et de gestion des déchets, des rénovations de bâtiments ou encore des études sur les émissions de gaz à effet de serre et les stratégies climat des entreprises. Toute TPE (sauf les auto-entrepreneur·ses) et PME y ont accès, pour un montant compris entre 5 000 et 200 000 euros (une avance de 30 % est versée à la notification de la décision d’aide et le projet doit se voir réalisé sur une durée de 18 mois maximum). Autre coup de pouce potentiel : l’aide en faveur des investissements pour la décarbonation de l’activité industrielle, instaurée par le décret du 1er décembre 2020 (n° 2020-1485), qui constitue une aide au fonctionnement pour la chaleur bas carbone industrielle et pour la vente de matières plastiques issues du recyclage.
Un genre de dispositifs qui plaît au président de la CPME : « Quand on bénéficie de mesures incitatives, c’est le bon bout pour gérer la transition écologique des entreprises, mais nous, les entreprises, ne sommes pas des chasseurs de primes, nous sommes des chasseurs d’activité. Il faut encourager la vertu et les vertueux et que les dossiers d’accès aux aides soient en adéquation avec la culture des PME et TPE. Il faut un guichet bien déterminé et des démarches administratives simplifiées et faciles d’accès, contrairement à ce que l’on a vu avec le crédit d’impôt recherche notamment. » C’est également l’une des volontés du plan France Relance : simplifier l’accès aux aides et consolider l’accompagnement des TPE/PME. Les démarches et nouveaux outils disponibles, ainsi que le retour d’expériences des entreprises, sont compilés dans le recueil Comment réaliser un diagnostic des impacts
du changement climatique sur mon entreprise ? publié par l’Ademe et disponible au format numérique gratuitement depuis décembre 2020. Aussi, dans le cadre du plan France Relance, les TPE et PME bénéficient d’un diagnostic individuel gratuit sur la maturité écologique de leurs entreprises réalisé par une Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) ou une Chambre de commerce et d’industrie (CCI). De quoi définir un plan d’action en conséquence.
Renverser la vapeur
Comme le rappelle sans détour François Asselin, « une entreprise, sa priorité, c’est d’avoir un carnet de commandes garanties et de couvrir les recettes et les dépenses. La transition va à terme répondre aux besoins de pérennité et de rentabilité des entreprises. » Autrement dit, le coût de la transition écologique ne doit pas devenir un poids de plus pour les entreprises, mais rester un investissement et une porte ouverte à de nouvelles opportunités. C’est indéniable, le marché, dans sa généralité, tend vers une transition climatique globale et nul ne peut plus l’ignorer, de même que la transition numérique. Il s’agit donc d’œuvrer et d’investir pour accélérer cette transition, tout en ne brusquant pas les entreprises déjà meurtries pour la plupart en cette période covid. « La période actuelle percute énormément les entreprises et les entrepreneur·ses, mais comme dans toutes les périodes de traumatisme, il ne faut pas hésiter à renverser la table et à repenser son modèle économique », analyse le « patron » Asselin qui considère la transition climatique et énergétique comme « l’un des leviers de ce renouveau économique, avec toutes les réserves qu’il faut évoquer ».
Adam Belghiti Alaoui