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Plus de 28 % des espèces naturelles risquent l’extinction. Partout sur la planète, de courageux lutteurs tiennent bon pour préserver la biodiversité.
En cette journée de la biodiversité, retour sur le combat des héros de l’environnement. Ces femmes et ces hommes qui décident de s’engager de toutes leurs forces pour sauver l’harmonie du monde.
Il y a deux catégories d’écologistes. Ceux qui, depuis une terrasse parisienne, vous font la leçon. Ils ont leur importance et leur intérêt. Et il y a ceux qui luttent concrètement, vraiment, pour sauver le vivant du désastre. Oui, des milliers d’hommes et de femmes risquent aujourd’hui leurs vies pour sauver la planète. Ils affrontent les braconniers, les pouvoirs publics, les dictateurs et les potentats, les intérêts financiers, les oligarques, arsouilles et autres margoulins de tous poils.
Ces résistants refusent de fermer les yeux face aux destructeurs. Ils sont les gardiens anonymes de ce que Simone Weil appelait « le rapport originel de l’esprit avec le monde ». En cette journée de la biodiversité, à laquelle ÉcoRéseau Business s’associe, il semble important de leur rendre hommage.
Alors, souvenons-nous. Souvenons-nous du visage de Dian Fossey, assassinée en 1985 dans les montagnes mystérieuses du Rwanda. On retrouva son corps dans sa hutte, le crâne fracturé à coups de machette. Son crime ? La protection des gorilles dont elle était devenue l’amie, à force de patience et d’amour… Dans ses mémoires, Gorilles dans la brume, elle témoignait : « Je n’oublierai jamais ma première rencontre avec les gorilles. J’entendis, je sentis avant de voir : le bruit d’abord, puis une puissante odeur musquée, une odeur de basse-cour et en même temps, une odeur presque humaine ».
Donner sa vie pour défendre la Terre
C’est une guerre sourde, mais une guerre à mort, que se livrent, dans bien des recoins du globe, les amis et les ennemis de l’environnement. Une guerre sur laquelle revient Élisabeth Schneiter, journaliste au média Reporterre. Publié au Seuil, Les Héros de l’Environnement trace le portrait des plus beaux gardiens de la nature. L’ouvrage ne laisse pas insensible et dévoile bien des profils extraordinaires, pourtant méconnus. Ils donnent foi en l’être humain.
Berta Caceres, héroïne du peuple Lenca, fut assassinée en 2016 au Honduras. Elle tentait de sauver la rivière Gualcarque, menacée par un projet mortifère de barrage hydroélectrique. Au Brésil, Chico Mendes était un syndicaliste courageux, qui représentait ses collègues, ouvriers chargés d’extraire le latex. Il voulait obtenir de meilleures conditions de travail, et surtout refuser un modèle destructeur pour les hévéas, ces beaux arbres qui fondent la canopée. Des tueurs à gage l’assassinèrent devant chez lui, en 1988. Il disait : « Au début, je pensais que je me battais pour sauver les hévéas ; puis j’ai pensé que je me battais pour sauver la forêt amazonienne. Maintenant, je sais que je me bats pour l’humanité ».
Nous pourrions également citer Ken Saro-Wiwa, héros du mouvement pour la survie du peuple Ogoni. Il dénonçait les actions de Shell dans le Golfe du Niger. Militant non-violent, il fut arrêté par le régime local en 1994, condamné à mort, pendu haut et court.
Ces révoltés affrontent les multinationales destructrices
Au-delà des martyrs de l’environnement, ces êtres tombés au champ d’honneur, citons des héros bien vivants, qui mènent la lutte au temps présent. C’est Tsetsegee Munkhbayar, éleveur de yaks, créateur du « Mouvement uni des fleuves et des lacs mongols ». Un héros qui a bataillé avec les autorités d’Oulan-Bator, désireuses d’abattre le mode de vie traditionnel des nomades.
C’est Gillian Kelly, qui protesta à Blackpool, en Grande-Bretagne, lorsque le gouvernement imagina y bâtir un site à fragmentation hydraulique. Rejeter les eaux sales dans la mer ? Pas question pour cette mère de famille qui s’éleva contre tout un système et obtint gain de cause. « Ceux qui pensent sainement et veulent protéger l’environnement sont accusés d’être des criminels. Nous risquons la prison, mais les vandales qui détruisent notre avenir et celui de nos enfants et petits-enfants, sont eux protégés et ils s’enrichissent !», clamait la révoltée du Lancashire.
N’oublions pas l’abnégation légendaire de la péruvienne Máxima Acuña de Chaupe, devenue un symbole de la lutte contre les multinationales qui, sur tous les continents, chassent les paysans de leurs terres.
Saluons le travail remarquable du prix Goldman, attribué chaque année, depuis 1988, à six héros de l’environnement. Parfois qualifié de « prix Nobel vert », il est surtout un bon moyen de mettre en avant le courage d’un individu et de le protéger face aux menaces qui pèsent sur sa vie.
Pour conclure, citons Bertolt Brecht, qu’Élisabeth Schneiter place en exergue d’un chapitre de son excellent ouvrage. « Celui qui se bat peut perdre. Mais celui qui ne se bat pas a déjà perdu ».