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Pour tendre sa toile et faire fructifier un réseau, mieux vaut respecter un certain code de conduite, comme le révèle Alain Marty, fondateur de deux clubs selects : le Wine & Business Club, et plus récemment Entreprise et Rugby.

J’ai publié le premier « Guide du Networking » (*) en 1996 et la septième édition sortira en décembre 2013. Je conclus de ce temps d’observation que le « réseautage » est avant tout un phénomène anglo-saxon. Les Français sont plus individualistes et s’y adonnent de manière un peu forcée, comprenant avec retard que l’appartenance à un club peut leur garantir plaisir, mais aussi évolution. L’approche Internet est intéressante et complémentaire, mais les gens ont par la suite besoin de se rencontrer, de vivre des choses ensemble. Les liens tissés autour d’un centre d’intérêt semblent les plus solides. De plus ces cercles peuvent apporter une protection contre les aléas de la vie professionnelle. Quand un dirigeant membre du Wine & Business Club (W&BC) est licencié ou voit son entreprise péricliter, je m’efforce de l’appeler et de lui garantir une présence de 3 ans au club. Car lorsque ce genre de revers de fortune survient, le carnet d’adresses fond en moyenne de 85% en 6 mois ! En revanche, 80% des jobs sont retrouvés par les relations et le réseau…
Quel est le moment adéquat, dans une carrière, pour travailler son réseau ?
La logique de réseau s’adopte dès le début, à l’école. Même si celle-ci est mal classée, il existe toujours un élève qui a réussi. Les gens ont du mal à cultiver cette approche qui nécessite du temps et de l’argent, deux éléments généralement dévolus à la vie privée. Mais à chaque période de la vie professionnelle, il faudrait en consacrer une partie au réseau. Autant dans ce cas opter pour un thème fédérateur qui « parle » vraiment, et ne pas privilégier uniquement les clubs les plus sélects.
Existe-t-il un code de conduite dans ces lieux de rencontre ?
Celui qui envoie un CV chaque mois ou qui ne cesse de recommander ses amis auprès d’autres adhérents n’a pas compris l’esprit. Il importe d’activer ces manettes avec parcimonie, car elles viennent en complément. S’investir dans un club permet de cultiver son carnet d’adresses, de se tenir informé de certaines opportunités, comme la reprise d’une entreprise. Mais hormis Business Network International (BNI), les clubs ne servent pas directement à gagner des clients. Il faut donner avant de recevoir, s’intéresser à la vie du réseau, être honnête, transparent. Alors seulement quelques services pourront être rendus.
Comment vous est venue l’idée du W&BC ?
J’ai créé ma première entreprise à 20 ans, en Ecole de Commerce. J’en ai aujourd’hui 46, et le virus ne m’a toujours pas quitté. J’ai commencé par importer en Chine des vins et des parfums français. De retour dans l’Hexagone, j’ai créé le W&BC en 1991, sans savoir que l’aventure allait prendre une telle ampleur. Il existe maintenant 16 clubs, en France, à Monaco et en Suisse, pour un total de 2500 membres. Réalisant 7,4 millions d’euros de CA et employant 21 salariés, le W&BC exporte le concept à Londres, Düsseldorf, Bruxelles ou Luxembourg afin d’être le leader européen – puis mondial à terme – des clubs de dirigeants qui aiment le vin. Le concept de « Medef de l’art de vivre » semble porteur.
En quoi consiste un tel club ?
Les membres assistent de 17 à 19h à une conférence sur un sujet d’actualité, puis de 19 à 20h ils dégustent de bons vins fournis par des vignerons mis à l’honneur. A 20h a lieu un débat entre deux personnalités telles que Claude Bébéar, Christine Lagarde, Louis Gallois, etc. Enfin de 21 à 23h les adhérents et leurs invités dînent. La notion de réseau est respectée, si bien qu’un adhérent peut se rendre à n’importe quelle réunion, qu’elle se tienne à Marseille, Lyon, Paris… Les cotisations peuvent s’élever à 5000 ou 10 000 euros selon le nombre d’invités autorisés. Nous faisons parvenir aux membres un magazine trimestriel W&BC de 120 pages, et un guide des vins rédigé par les P-DG qui les ont goûtés. L’adhésion se fait par parrainage, ce qui garantit une certaine qualité au club, qui n’est ainsi pas fréquenté par des gens qui dégaineront à tout va leur carte de visite. Car il s’agit avant tout d’un groupe d’épicuriens, qui utilisent ces moments pour leurs RP, invitant des partenaires à venir déguster et écouter.
Quels sont les cercles qui ont le vent en poupe ?
Les réseaux sportifs fédèrent beaucoup. A Toulouse par exemple, mieux vaut aimer le rugby et faire partie des partenaires du Stadium. Le football, le handball, le volley-ball peuvent aussi générer leur lot d’amateurs. Les clubs de réflexions comme l’Institut Montaigne bénéficient d’une très bonne réputation. Les syndicats patronaux comme la CGPME ou le Medef séduisent encore malgré les critiques. Même si la politique, le sexe et la religion font encore partie des tabous en affaires, certains franchissent le pas et rejoignent un groupement politique, même si la pratique est « clivante ». Un mouvement patronal comme Croissance Plus marque des points pour son côté militant moderne. D’autres se sont spécialisés sur la formation, comme le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD) ou l’Association Progrès du Management (APM). Enfin, certains groupements, comme Business Network International (BNI), Dirigeants commerciaux de France (DCF), Femmes chefs d’entreprises (FCE) plaisent parce qu’ils concernent directement les affaires.
Entretien réalisé par Matthieu Camozzi